6 Février : journée internationale contre le régime de mort aux frontières


Une date pour exiger la vérité, la justice et la réparation pour les victimes de l’Europe forteresse et leurs familles. Un crime devenu l’un des symboles tragiques des politiques migratoires qui tuent et ignorent les droits humains.


Une rose dans des fils barbelés pour rendre hommages aux personnes mortes aux frontières le 6 février.

Le 6 février 2014, le Monde titrait : «Plusieurs migrants se noient au large du Maroc, en tentant de rejoindre l’Espagne». Un titre pouvant donner l’impression qu’il s’agissait d’un énième drame en mer. Et pourtant, il ne s’agit pas d’un accident mais bien d’un crime d’État.

Ce matin là, plus de 200 personnes partent du Maroc pour tenter de rejoindre l’enclave espagnole de Ceuta à la nage en contournant la jetée de la plage de Tarajal. Les forces de l’ordre espagnoles vont tout faire pour les empêcher d’atteindre le territoire. Nuages de lacrymogène et «projectiles en caoutchouc» tirés par des LBD, arme responsable de trop nombreuses mutilations. C’est un dispositif de répression inouï qui s’abat sur ces personnes en pleine mer, essayant de nager. Des coups de feu auraient également été tirés depuis la tour de contrôle de la Guardia civil pour effrayer les individus. Un fait de violence qui a provoqué la mort d’au moins 55 personnes – 15 corps sans vie retrouvés et environ 40 disparus.

Suite à ce jour effroyable du 6 février 2014, des ONG et collectifs militants, défenseurs des droits humains, ont dénoncé publiquement les violences et porté plainte contre la Guardia Civil. Des enquêtes journalistiques et notamment des vidéos ont permis de démontrer la responsabilité des forces de l’ordre espagnoles dans la mort de ces personnes. Cependant, cette affaire sera classée sans suite et la police ne sera jamais reconnue responsable.

Les recours n’aboutiront jamais et en 2021, l’impunité des forces de l’ordre est entérinée après un dernier rejet de la Cour Constitutionnelle Espagnole des plaintes des familles des victimes. Le 6 février 2014 n’est pas juste un événement tragique, comme on a pu le voir dans les journaux, c’est bien un massacre commis par un État européen contre des personnes en exil.

Les politiques répressives en matière de migration sont entièrement responsables de ce crime. Tout d’abord par les risques toujours grandissants qui s’imposent aux personnes en migration face aux dispositifs déployés. L’enclave de Ceuta a été clôturée dès 2001. À ce moment-là, des clôtures étaient aussi déployées à Calais en France. Ces barrières sont, année après année, renforcées de barbelés, rendant impossible toute traversée par la terre et poussant les personnes souhaitant se rendre en Espagne à passer par la mer.

Dès lors, la deuxième face des dispositifs répressifs se dévoile : l’armement des forces aux frontières. Cet arsenal aussi va croissant. En 2014, les LBD étaient utilisés, en 2024, le parlement polonais votait pour l’autorisation des tirs à balles réelles des gardes frontières en cas de tentative de franchissement. On dépasse ainsi le cadre déjà très large de la légitime défense, contre des personnes désarmées tentant de sauver leur vie.

Chaque année des milliers de personnes décèdent sur les routes migratoires. Personne ne sait exactement le nombre de victimes et pourtant on parle de ces individus comme s’ils n’avaient pas d’importance. Ces morts ont des visages, des histoires, des rêves, des familles. La déshumanisation de ces personnes est telle que ces morts sont parfaitement intégrés par la population, elles ne choquent plus, on ne les respecte même pas. On ignore leurs histoires et les raisons de leur migration, on ignore le deuil et la détresse de leurs familles qui potentiellement ne sauront jamais ce qui est advenu à leurs proches.

Ce 6 février 2014, les gardes frontières espagnols ont provoqué le décès de Yves, Samba, Daouda, Armand, Luc, Roger Chimie, Larios, Youssouf, Ousmane, Keita, Jeannot, Oumarou, Blaise et tant d’autres qui ne seront jamais identifiés ou retrouvés. Dire leur nom, c’est leur redonner une humanité.

Le 6 février est la commémoration des victimes de ce massacre de Tarajal mais aussi la commémoration de toutes les victimes des politiques migratoires, racistes et répressives des pays européens. 11 ans après le drame de 2014, tout s’est aggravé : les politiques racistes, la militarisation des frontières, le nombre de morts aux portes de l’Europe…

Le réseau Commemor-Action recense les mobilisations et invite à visibiliser dans l’espace public au cours de cette journée, afin que les victimes ne soient jamais oubliées, et que les familles puissent obtenir justice. Ces commémorations ont lieu partout dans le monde : Belgique, Cameroun, France, Espagne, Allemagne, Guinée, Grèce, Maroc, Italie, Liban, Mali, Niger, Pays-Bas, Sénégal, Togo, Tunisie…

Nous affirmons que chaque être humain a le droit de s’installer, de vivre, de travailler, d’aller à l’école, de se soigner dignement, de se loger, partout où il le désire.


Les frontières tuent, détruisons-les !


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