1er Mai à Nantes : manifestation massive, la préfecture tente la stratégie de la tension


10.000 personnes dans les rues, agression policière dès le départ : récit


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À Nantes, pour le Premier Mai, c’est souvent tout ou rien. Les années creuses, ce sont des manifs désastreuses sous la pluie avec une poignée de révolté-es. En période de mouvement social, des moments de soulèvement intenses où la ville devient hors de contrôle, par exemple en 2023, pendant le mouvement contre la réforme des retraites. Une fois n’est pas coutume, la cuvée 2025 du Premier Mai nantais laisse un sentiment mitigé.

Massive et déterminée

Massive, car ce sont presque 10.000 personnes qui se sont retrouvées pour marcher dans les rues de Nantes sous le soleil. On trouvait un beau panorama ce matin devant le Château des Ducs de Bretagne, entre les stands d’un infokiosque, la zbeulinette pour nourrir la population en musique, une chorale, des percussions, des «grands-mères en colère », des drapeaux palestiniens, un miroir d’eau bondé d’enfants en slip qui se rafraîchissent de la chaleur déjà étouffante. Un stand tout droit venu de la ZAD, baptisé « La lutte des glaces », distribue des cornets à prix libre pour les petit-es et les grand-es.

Après les traditionnelles prises de parole, le cortège s’élance en remontant vers la place Louis XVI. Plusieurs banderoles stylées ouvrent le bal, les slogans filent la pèche, tout le monde est content d’être là. Le cortège de tête, révolutionnaire et internationaliste, est très conséquent.

Les habitudes reviennent vite, et on a presque l’impression de retrouver l’énergie révoltée des rues nantaises après une trop longue période de calme. Slogans, fumigènes et graffitis : l’animation à l’avant de la manifestation fait plaisir à voir.

Arrivée au niveau de la préfecture, moment de flottement. La foule ralentit et devient plus compacte, quelques pétards sont lancés dans la cour du Conseil Général, mais rien de bien méchant. Des rangs serrés sortent parfois des personnes vêtues de noir pour taguer des slogans, quelques bouteilles sont lancées dans la cours de la préfecture qui semble étonnement déserte.

Une répression étouffante qui ne se laisse pas déborder

À peine passée la préfecture, un énorme dispositif policier charge l’avant de la manifestation, qui n’a démarré que depuis une vingtaine de minutes. Le cortège de tête tente de se défendre, mais il est forcé de se replier et reflue vers les camions syndicaux qui suivaient. Gendarmes mobiles, Compagnies d’Intervention, meutes de CRS 8 : des dizaines de policiers agressifs survolés par des drones tentent de prendre la manifestation en tenaille et bloquent désormais le passage. Trois lances à eau sont alors utilisées contre le cortège depuis les jardins de la préfecture.

Un syndicaliste de la CGT entend dans un talkie-walkie policier que la préfecture a donné l’ordre de mettre fin à la manifestation qui vient pourtant de démarrer. C’est un traquenard bien organisé. Une première, dans une ville pourtant coutumière de la répression.

Une ligne de parapluies se dresse devant les banderoles, la défense est solide mais l’attaque policière est sans état d’âme : des personnes sont attrapées au hasard, traînées au sol et violemment menottées sous les cris de la foule qui hurle aux policiers que « ce sont eux les casseurs ». Les coups de matraques pleuvent dans une confrontation au corps à corps. Au moins 7 personnes sont arrêtés. Une foule agglomérée tente de reculer au bord de l’Erdre. Deux camions de la CGT s’échappent au milieu des gaz, mais des syndicalistes crient une consigne : ne partez pas trop loin, on repart avec tout le monde ! Comme en 2023 et de manière admirable, des syndicalistes vont encercler les lignes de policiers qui avaient coupé le cortège et permettent à la manifestations de repartir. Une solidarité de classe en acte, que l’on soit en chasuble rouge, en gilet jaune ou en k-way noir.

C’était un premier aperçu de la doctrine Retailleau : attaquer par surprise et dès le début l’avant d’une manifestation pour la briser. Plus violente encore que celle de Darmanin. Quelques mètres plus loin, nouvelles provocations, nouvelle bagarre rapprochée entre gendarmes et manifestants. Un agent tombe, une personne arrêtée parvient à s’extraire. Les forces de l’ordre utilisent une gazeuse surprenante : elle projette un gel épais et rougeâtre qui forme des gouttelettes qui retombent à terre ou marquent les vêtement, provoquant un petit moment de sidération, et l’aveuglement complet des personnes alentours. Était-ce un nouvel équipement policier ? Si vous avez des informations contactez-nous.

Passée la charge policière, la stratégie de la tension s’installe sur décision de la préfecture. Le cortège descend le long du Cours des 50 Otages, cerné de flics suréquipés qui bousculent celles et ceux qui s’approchent, y compris des dames âgées. C’est pire qu’une nasse, c’est un parcage formé par des centaines d’hommes en armes, qui mènent un troupeau sous haute surveillance jusqu’à l’île de Nantes, un étau étouffant. La colère n’est pas redescendue, mais la stratégie imposée empêche toute recomposition d’un cortège de tête digne de ce nom.

Renforcer les solidarités : un impératif révolutionnaire

Finalement ce Premier Mai nantais est à l’image de l’état du mouvement social actuellement : déterminé et en colère, mais qui fait face à un rouleau compresseur autoritaire que rien n’arrête. Les chants revendicatifs, les moments conviviaux et la solidarité de classe sont fondamentaux, car la force révolutionnaire doit aussi être joyeuse et positive.


Mais il en faudra plus pour marcher sur la têtes des rois. À Nantes et partout ailleurs, organisons-nous face au pouvoir !


Photos : Oli Mouazan, CA

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