
«Retailleau aime les nazis» : c’est le slogan qui a conduit deux enseignants de Grenoble en garde à vue le 13 mai dernier. Ils avaient eu le tort d’inscrire ces mots sur une bâche lors d’une manifestation, ce qui n’a pas plu à la police, qui a considéré cela comme un «outrage».
C’est pourtant la vérité la plus limpide. Un nouvel exemple en atteste dans le magazine Marianne cette semaine. Le patron du média néofasciste Frontières, Erick Tégner, a été aidé directement par le cabinet de Bruno Retailleau, Ministre de l’Intérieur. Les faits ont eu lieu le 18 mars dernier. Erick Tégner s’apprête à partir en Argentine avec un député d’extrême droite. Il veut «couvrir», c’est-à-dire diffamer, des manifestations de gauche contre Javier Milei, le dirigeant trumpiste du pays, qui massacre les droits sociaux à la tronçonneuse.
À l’aéroport, Tégner a un problème de passeport, qu’il avait déclaré volé. Il est «mis sur le côté» par la police aux frontières. Ironique étant donné le nom de son média, qui passe son temps à dénoncer une prétendue perméabilité des frontières pour les étrangers.
«Fin du reportage ? Non, il décroche son téléphone et appelle… le cabinet du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau» écrit Marianne. Le ministère «débloque immédiatement la situation» écrit le magazine. Le cabinet de Retailleau a confirmé auprès du média «être intervenu pour qu’il puisse passer». C’est le même ministère de l’Intérieur dont les agents n’hésitent pas à convoquer au commissariat des journalistes d’investigation, à perquisitionner certains médias, et dont la police matraque les reporters qui couvrent les manifestation. Par contre, pour aider un journal néofasciste, il intervient illico : la liberté de la presse n’attend pas.
Frontières n’est pas n’importe quel média. Il est composé de voyous d’extrême droite. Son patron Erik Tegnér est poursuivi pour agression sexuelle. Son secrétaire général Pierre-René Lavier a été condamné pour avoir tabassé sa compagne. Jordan Florentin, son principal reporter, avait renommé son pass sanitaire au nom d’Adolf Hitler pendant la crise du Covid. En 2023 la plupart de ses salariés ont démissionné en dénonçant des violences. Ce média n’a pas hésité à aller harceler l’Insoumis Louis Boyard sur le pas de sa porte, à dévoiler la fiche de police de Raphaël Arnault – fournie par des agents complices – ou a reprendre des termes pétainiste, en qualifiant LFI de «parti de l’étranger» et «anti-France».
Frontières s’est illustré par un dossier particulièrement abject contre la France Insoumise il y a quelques jours, avec une liste et un trombinoscope d’assistants parlementaires de gauche. Puisqu’on parle beaucoup de «cibles dans le dos» : ce sont bien les méthodes de ce média. Harceler, faire des listes, livrer en pâture, comme la presse des années 1930 qui appelait à tuer Léon Blum et autres responsables de gauche.
Le média utilise aussi un curieux symbole à la fin de ses vidéos : une sorte de losange stylisé apparaissant en fondu. Ce symbole est peu connu du grand public mais parfaitement identifiable pour quiconque s’intéresse au fascisme et à l’histoire : une rune d’Odal, un symbole viking réutilisé par plusieurs générations de nazis. La rune d’Odal était le symbole de deux unités de la Waffen SS pendant la seconde guerre mondiale. Elle est aujourd’hui un symbole prisé des néonazis et des suprémacistes blancs.
Ce coup de pouce entre copains n’a rien d’étonnant : le ministre de l’Intérieur est un militant de l’extrême droite vendéenne, un homme plus à droite que le RN. Et il se trouve à la tête de la police française et vient de remporter la présidence du parti LR ! Il s’imagine même président, à la tête d’une «union des droites» aux prochaines présidentielles. Retailleau a apporté son soutien au groupuscule identitaire Nemesis en déclarant lors d’un discours sur la sécurité : «Bravo pour votre combat. Vous savez que j’en suis très proche». Dans le même temps, le ministre de l’Intérieur a lancé la dissolution des collectifs La Jeune Garde, un groupe antifasciste, et Urgence Palestine. Retailleau veut remettre en cause le droit du sol, affirme que «l’État de droit, ce n’est pas intangible, ni sacré», s’attaque aux associations humanitaires. Il incarne la politique néofasciste déjà installée au cœur du pouvoir.
Ces liens entre le sommet de l’État et la presse d’extrême droite ne sont pas non plus inédits. Dès le mois d’octobre 2019, Macron avait invité dans son avion privé le magazine d’extrême droite Valeurs Actuelles et lui avait offert une interview exclusive, en tenant des propos réactionnaires. Le 1er Mai 2020, Macron avait personnellement appelé pendant 45 minutes Eric Zemmour, qui était alors chroniqueur médiatique, mais déjà auteur de multiples discours racistes et condamné pour «provocation à la haine raciale», afin de le le «soutenir» après qu’il ait été importuné dans la rue. Depuis, le soutien du régime aux médias des milliardaires et à la galaxie Bolloré n’est plus à démontrer.
Marc Endeweld, journaliste d’investigation et auteur d’un livre sur Macron intitulé «Le Grand manipulateur», a même révélé qu’en privé, Macron utilise le concept raciste de «grand remplacement», ou encore qu’il avait surpris un éditorialiste d’extrême droite en utilisant le terme «rabzouze», à connotation raciste pour désigner les maghrébins. Il a également parlé de «nation organique» – un concept fasciste – et réhabilité Pétain, qualifié de «grand soldat».
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