Cinéma : « Un roman national », penser la radicalisation de l’extrême droite


Un film sur un attentat fasciste. Avant-première le 5 juin à Nantes, au cinéma Le Concorde, en présence du réalisateur Bixente Volet et de Maxime Macé, journaliste chez Libération


L'affiche du film "Un roman national", de Bixente Volet.

Soyons clairs dès le début : « Un roman national », le premier long-métrage de Bixente Volet, ne dit pas tout de l’extrême droite. Il ne dit même rien : il montre. À travers une succession rapide de séquences variées, le film décortique ce qui a mené Damien, jeune étudiant en philosophie, à perpétrer un massacre dans une mosquée.

Si l’intrigue est fictive, elle résonne puissamment avec le réel, alors qu’un fidèle musulman était lâchement assassiné lors de sa prière il y a à peine quelques semaines, sans susciter d’émoi à la hauteur de la situation. Les références à des organisations ou personnes existantes ne sont pas forcément subtiles : on reconnaît par exemple aisément le RN, Génération Identitaire, Vincent Bolloré ou l’influenceur fasciste Papacito dans le rôle du facho « Papa Pierre », un masculiniste qui fait le buzz sur Youtube en goûtant de la bonne viande et en étant faussement outrancier. Une copie presque aussi stupide que l’original.

Si ces références paraissent évidentes, c’est que l’objectif du film est ailleurs : montrer les mécaniques à l’œuvre dans la radicalisation d’extrême droite, jusqu’au passage à l’acte de Damien, le personnage principal joué par le réalisateur, Bixente Volet lui-même. Un objectif réussi.

À première vue on pourrait déplorer que les conditions qui favorisent ce passage à l’acte ne soient pas plus développées, car le film ne propose pas vraiment d’analyse de la situation et semble ne pas se suffire à lui-même. Mais à bien y réfléchir, il constitue une invitation à la discussion intéressante, et son format court permet d’organiser aisément des débats afin d’analyser les processus qui nous conduisent au désastre. Encore une fois, la fiction est un prétexte pour agir dans la réalité et construire un argumentaire antifasciste avec le public, sans imposer une seule et unique piste d’analyse. Pour Bixente Volet, « le propos est clair, mais c’est au public d’analyser l’histoire de Damien à travers les plans du film, les répliques, et en tirer ce qui l’intéresse. C’est un film-énigme ». Ça marche bien, et rester passif face à l’argumentaire déroulé serait céder au suprémacisme qu’on voit à l’écran. Le film ne pousse pas à réfléchir : il nous y oblige.

Aucune morale ou posture politique n’est ainsi imposée au public. En revanche, des pistes d’analyse de l’acte de Damien sont explorées tout au long du film, mais aucune ne semble réellement satisfaisante. Au contraire, toutes ces pistes interrogent et nécessitent d’être discutées. Bixente Volet dit de Damien que « c’est un personnage qui n’est raconté que par les gens qui l’étudient. Journalistes, militants d’extrême droite, antifascistes, tous pensent avoir compris qui est Damien, et surtout, qu’est-ce qui l’a mené à un tel acte ». Le film propose ainsi d’établir le partage des responsabilités dans la radicalisation de Damien, et personne n’est épargné : les partis politiques bien sûr, mais aussi la gauche antifasciste, impuissante à lutter efficacement contre l’extrême droite, ou les médias et leur soumission aux gouvernements autant qu’aux milliardaires.

Si « Un roman national » suit la dérive d’un individu dans sa radicalisation et sa plongée dans le meurtre inhumain, c’est bien une faillite collective qui est pointée du doigt, et c’est de cette faillite collective dont nous devrons nous sortir. Damien n’est qu’un rouage d’une machinerie plus grande que lui, il est coupable autant qu’il est victime d’un ensauvagement fasciste de la société.

Un dernier point à souligner : absolument tous les personnages sont blancs, ou du moins perçus comme tels. Y compris à gauche, les personnes racisées semblent absentes, invisibilisées, muettes. Elles n’apparaissent que comme victimes assassinées. S’agit-il d’un choix volontaire, et que signifie-t-il ? Vous aurez l’occasion de lui demander au cinéma Le Concorde le 5 juin prochain à Nantes, début de la projection à 20h30.


Le film « Un roman national » sera disponible à partir du 2 juillet en streaming, en attendant vous pouvez découvrir la bande-annonce ici.


Plus d’infos sur le film et les prochaines projections ici.

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