Derrière l’explosion du nombre de tirs policiers : la loi sur le «refus d’obtempérer», votée en 2017, responsable de nombreux décès

Le 27 juin 2023 Nahel, 17 ans, était exécuté par le policier Florian Menesplier. Sa mise à mort était filmée par une témoin de la scène, et les images provoquaient la plus grande vague insurrectionnelle de la période contemporaine, suivie d’une répression phénoménale.
Ce mardi 3 juin 2025, la justice a décidé de juger le policier pour « meurtre », c’est-à-dire pour « homicide volontaire ». Le procès aura lieu en 2026. C’est une décision rarissime pour un policier.
Selon les juges d’instruction, il n’y a eu aucune agression physique contre les policiers, aucun danger imminent nécessitant une riposte, et l’utilisation d’une arme à feu tirée à bout portant, ce qui a entraîné la mort. Pour ces magistrats, le tir n’était donc pas un geste de défense, mais une volonté de tuer. Le policier voulait la mort de Nahel. C’est un premier pas vers la reconnaissance de la vérité, alors que les syndicats policiers et les médias de Bolloré ont tout fait pour tordre les faits depuis deux ans.
C’est une décision logique, car au début du mois de mars, le parquet de Nanterre demandait que le policier tireur soit jugé pour homicide volontaire. Selon lui, «le policier ne pouvait ignorer le caractère très probablement mortel de son tir». Le parquet confirmait l’absence de risque d’écrasement pour les deux policiers, ainsi que la possibilité de «tirer en direction des pneus ou du capot du véhicule pour l’empêcher de poursuivre sa course».
Le 5 mars, Alliance appelait «tous les policiers à se rassembler symboliquement pour exprimer leur colère face à cette décision inacceptable» devant les commissariats de France. Des milliers d’agents avaient quitté le travail sans préavis de grève, donc illégalement, pour soutenir un meurtrier. Le préfet des Hauts de Seine s’était même déplacé au commissariat de Nanterre, où était affecté le tireur, pour déclarer : «Je suis venu vous dire que vos chefs vous aiment et qu’avec Laurent Nunez, sous l’autorité de Bruno Retailleau, nous sommes à vos côtés».
La justice n’a finalement pas cédé à ces intimidations. Un procès aura bien lieu, et le policier ayant tué Nahel risque 30 ans de prison. Si la justice estime qu’il a menti en affirmant que Nahel leur avait foncé dessus, c’est un chef d’accusation supplémentaire, et il risque une peine de prison encore plus lourde.
Pour autant, rien n’est joué : le procès n’a pas encore eu lieu, et rien ne dit que l’agent ne sera pas relaxé ou condamné à une peine dérisoire. Et même s’il était lourdement sanctionné, Florian Menesplier n’est jugé que parce que son geste a été filmée et a provoqué d’immenses émeutes. Combien de cas identiques sont passés inaperçus et n’ont jamais été punis ? Combien de familles endeuillées sans jamais avoir droit à la justice ? Beaucoup. Et une condamnation ne changera pas un système.
Dernièrement, la justice a d’ailleurs prononcé un « non-lieu » concernant la mort de Rayana, 21 ans, abattue par un policier alors qu’elle était passagère d’un véhicule en juin 2022. Elle rentrait de soirée, la voiture dans laquelle elle se trouvait avait été criblée de balle. Elle a été la « victime collatérale » d’un tir des forces de l’ordre. Circulez, il n’y a rien à voir.
Pour finir, il faut rappeler que Florian Menesplier, ancien militaire, agent de la compagnie motocycliste des Hauts-de-Seine, qui a été décoré par Didier Lallement pour la répression du mouvement des Gilets Jaunes et qui était connu pour des faits d’exhibition sexuelle, est devenu millionnaire grâce à la cagnotte lancée par le fasciste Jean Messiha.
Si le procès a venir aura le mérite de juger un agent, c’est au-delà de cette seule affaire qu’il faut se projeter. En février 2017, le gouvernement socialiste faisait passer une mesure réclamée par les syndicats policiers et l’extrême droite : la loi sur le «refus d’obtempérer». Elle assouplissait les règles du tir à balle réelle pour les forces de l’ordre. Depuis, policiers et gendarmes peuvent ouvrir le feu sur un véhicule qui refuse un contrôle ou qu’ils considèrent comme étant en fuite. Et depuis 2017, les tirs policiers ont explosé, en particulier sur les voitures, causant de nombreux morts et blessé-es, y compris des passagers et passagères.
C’est cette loi qu’il faut abroger, et plus généralement démilitariser la police et mettre fin à sa toute puissance. C’est à ces conditions que d’autres drames comme celui de Nahel ne se reproduiront pas.
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