Pédocriminalité : une femme en garde à vue pour avoir interpelé François Bayrou


En Charente-Maritime, elle se retrouve en cellule pour avoir évoqué devant le Premier Ministre l’affaire Bétharram et son budget qui massacre les plus précaires : analyse


François Bayrou se cache derrière sa voiture de fonction : comment ce détestable premier ministre peut-il encore oser se montrer en public avec les affaires de pédocriminalité qui l'accablent ?

François Bayrou est le chef d’un gouvernement de repris de justice (rappelons que vingt-six membres du gouvernement ou proches collaborateurs d’Emmanuel Macron ont été mis en cause dans des affaires judiciaires depuis 2017), mis en place après un hold-up électoral. Cela ne l’a pas empêché de se rendre le 7 août en Charente-Maritime pour les 50 ans du Conservatoire du littoral. En allant déjeuner, le ministre a été pris à partie par une femme courageuse qui lui a lancé : « À tous les enfants qui se sont fait violer. Vous avez des comptes à rendre aux gens qui n’ont pas un sou. Vous n’avez rien à faire ici, monsieur Bayrou ».

On pourrait envisager de considérer ces propos comme injurieux, mais encore aurait-il fallu qu’ils fussent erronés. Or, cette dame n’a fait que dire la vérité. Mais la vérité, dans l’ère de la post-vérité, c’est justement ce qui dérange. Décortiquons donc ces 3 phrases qui ont si fort déplu.

« À tous les enfants qui se sont fait violer »

Prenons cette première assertion. Elle rend hommage à tous ces enfants que Bayrou a abandonné aux mains de pédocriminels, que ce soit dans l’affaire Bétharram, ou l’affaire Pelussin révélée par l’enquête parlementaire le 2 juillet dernier.

Dans une démocratie fonctionnelle, ces affaires auraient dû conduire à la démission du premier ministre depuis des mois. Les preuves, plus accablantes les unes que les autres, n’ont fait que s’accumuler, et pour quel résultat ? La Commission d’enquête sur les violences en milieu scolaire, dont le rapport était présenté le 2 juillet dernier, évoque un « défaut d’action » de François Bayrou, qui avait « les moyens » d’agir. Les moyens, oui. La volonté, non.

Les deux rapporteurs, la députée Renaissance Violette Spillebout et le député LFI Paul Vannier, demandent la reconnaissance de « la responsabilité de l’État pour les carences ». Pourtant, la commission ne compte pas saisir la justice, bien que Paul Vannier le réclame… Pas touche à Bayrou. À la place, le rapport préconise la mise en place d’un fonds pour les victimes. Mais ce que veulent les victimes, c’est la justice.

Le 23 juillet, le collectif des victimes de Bétharram déposait 17 nouvelles plaintes, portant le total à 217, sans compter les plaintes déposées individuellement directement à la gendarmerie, dont le nombre est inconnu. 15 prêtres et 4 laïcs sont mis en cause. « Nous avions demandé des moyens supplémentaires à François Bayrou en février et il n’y a que deux enquêteurs en difficulté sur ce dossier tentaculaire » expliquait le porte-parole du collectif, Alain Esquerre. Le ministre avait promis de nouveaux magistrats, mais depuis rien ne s’est passé. En réalité, le ministre a tout intérêt à ce que l’enquête n’avance pas. Petit rappel de ce qu’est l’affaire Betharram.

L’institut catholique Notre-Dame-de-Bétharram, près de Pau, est visé pour des faits de violences physiques, agressions sexuelles et pédocriminelles entre 1950 et 2010. 60 années pendant lesquelles un nombre incalculable d’enfants a subi l’innommable. Probablement plusieurs centaines, sachant que la majorité des victimes de tels actes ne portent jamais plainte. Des générations de traumatisés. Un collectif d’anciens pensionnaires a été crée en 2023 devant l’inaction des pouvoirs publics, malgré les multiples signalements.

Dès 1996, la première affaire éclatait au grand jour : un jeune garçon de 14 ans perdait une partie de son audition après avoir été frappé par un surveillant. Son père a eu le courage de briser l’omerta : il s’est mobilisé, a distribué des tracts pour que l’agression ne reste pas impunie. Le surveillant avait été condamné. Bayrou soutient pourtant qu’il n’en savait rien. Dans la même classe que le garçon mutilé à l’oreille se trouvait pourtant un dénommé Calixte Bayrou. Le fils du Premier Ministre.

Une ancienne professeure de l’établissement, Françoise Gullung indique elle aussi «avoir écrit au rectorat, au conseil général – présidé par François Bayrou – et en avoir parlé directement à l’élu lors d’une remise de médailles, après avoir également tenté de sensibiliser sa femme, qui enseignait le catéchisme sur place» écrit Médiapart.

Des familles avaient même écrit à Bayrou lorsqu’il était Ministre de l’Éducation. Le directeur de l’établissement, le prêtre Carricart, finit par se suicider lorsque les plaintes commencent à être déposées. Sur France 2, un ancien élève a raconté son calvaire, expliquant avoir été utilisé comme «sextoy» humain pendant des années par le prêtre. Pourtant, la femme de Bayrou s’est rendue aux obsèques du prêtre pédocriminel.

Pire, François Bayrou est personnellement intervenu auprès du juge Christian Mirande, alors même que le secret de l’instruction avait toujours court, pour demander des informations confidentielles sur l’affaire. Ce qu’il dément aujourd’hui. Bayrou a même osé affirmer : «Je ne connaissais pas le père Carricart… Jamais je n’ai été au courant de cette histoire à ce moment-là, jamais je n’ai entendu parler des accusations de viol». Avant de changer de version, et de reconnaître un «bref échange» avec le juge pendant l’enquête, mais sans «interférer avec l’instruction».

La propre fille de François Bayrou, scolarisée dans l’établissement, était sortie du silence en avril 2025, révélant avoir été elle-même victime de sévices. « Dans cette colo, on était une quarantaine, moniteurs inclus. Un soir, alors qu’on déballe nos sacs de couchage, [le père] Lartiguet me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos» raconte-t-elle. « Pour parler crûment, je me suis urinée dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet».

Début avril, un ancien gendarme et un ex-juge qui ont enquêté sur des viols pédocriminels ont tous les deux assuré que François Bayrou était personnellement intervenu dans cette affaire. Ils ont maintenu ces informations devant une commission d’enquête parlementaire.

Début juillet, l’affaire Pelussin est dévoilée au grand jour par l’enquête parlementaire, et reprise par Mediapart. On apprenait qu’une ancienne professeure d’arts plastiques du collège
Saint-Jean à Pélussin, dans la Loire, avait alerté en 1995 le rectorat, puis le procureur de Saint-Étienne, sur des actes d’agression sexuelle de la part du chef d’établissement. L’enquête révèle au moins trente enfants victimes. Six se portent partie civile, et le directeur est condamné. Mais d’autres membres de l’établissement sont impliqués. En juin 1996, avec une collègue, la professeure lanceuse d’alerte écrit directement au ministre de l’Éducation nationale François Bayrou. « Des enfants sont en danger, nous sommes menacées, nous ne pouvons rester dans cet état ». Elles ne recevront jamais de réponse.

Mais apparemment, toutes ces personnes affirmant que Bayrou a sciemment couvert des pédocriminels se trompent, et lui seul dit la vérité. Trumpisme à la française. On comprend donc qu’il soit mécontent qu’une courageuse citoyenne ait osé lui renvoyer la vérité en pleine tête. En outre, il est lui-même un personnage plus que suspect sur le sujet. En avril 2025, au Salon international des fromages et des vins de Coulommiers, il lançait en direct sur BFMTV «Moi, c’est la petite là-bas qui m’intéresse» en indiquant une jeune fille présente de son regard libidineux. On comprend son attitude s’il est lui-même «intéressé» par une enfant.

Un premier point pour la dame donc.

« Vous avez des comptes à rendre aux gens qui n’ont pas un sou »

Le Premier ministre annonçait le 15 juillet dernier un budget de combat. Annonçant une « année blanche » pour renflouer les caisses, c’est-à-dire le gel des prestations sociales et pensions de retraite, il confirme que la bourgeoisie ensauvagée compte saigner à blanc les plus précaires. Son plan d’austérité XXL demande 44 milliards d’euros d’efforts ponctionnés sur les services publics, pour gaver les plus riches et financer l’économie de guerre. Il a notamment exigé un «effort» aux personnes gravement malades pour réduire la dette : « Trop de médicaments sont consommés » a-t-il déclaré. Il a aussi annoncé la suppression de deux jours fériés, des coups de canif dans les services publics et appelé à travailler plus. Le tout sans toucher à l’argent des ultra-riches.

Bayrou propose aussi de lancer «un nouveau chantier sur l’assurance chômage», c’est-à-dire de continuer à dépouiller les chômeurs et chômeuses, dans la continuité des précédentes «réformes» sur le sujet. Concrètement, l’assurance chômage a été massivement baissée alors qu’il s’agit d’un droit et non d’un cadeau, pour lequel les travailleur-ses cotisent. Baisser le chômage sans augmenter les salaires, c’est du vol pur et simple, prélevé sur la force de travail.

Et comme Bayrou ose tout, il veut dans le même temps augmenter les cadeaux aux entreprises ! «Nous consacrerons 900 millions d’euros de financement supplémentaires à l’investissement dans les entreprises» a-t-il annoncé, en expliquant que «le travail et la compétitivité de nos entreprises doivent être autant que possible épargnés». C’est donc l’austérité pour les travailleurs et travailleuses, mais toujours plus d’aides aux entreprises.

Pour rappel, celles-ci en reçoivent déjà plus de 200 milliards par an sans contrepartie, sans créer d’emploi ni investir, et reversent tout à leurs actionnaires. Il veut aussi augmenter les financements «vers les secteurs prioritaires de l’intelligence artificielle et du cyber» pour «améliorer la productivité des entreprises». L’État va donc financer des technologies qui permettent de remplacer les salarié-es par des robots, pour le plus grand profit des patrons.

Un deuxième point pour la dame.

« Vous n’avez rien à faire ici, monsieur Bayrou »

La légitimité de François Bayrou est tout simplement inexistante. Les élections législatives de 2024 avaient placé la gauche en tête, avant qu’Emmanuel Macron ne décide tout simplement d’ignorer le résultat d’élections qu’il avait lui même déclenchées, consacrant ainsi l’inutilité du vote et son mépris de la démocratie. Du vol pur et simple. Sauvé à huit reprises de la censure par l’infâme parti socialiste – qui lui-même n’existe plus que par la faute de la France Insoumise – et le RN qui continue son imposture, il est en sursis depuis sa mise en place en décembre dernier. En ce sens, François Bayrou n’a en effet rien à faire ici.

Même Macron ne voulait pas lui. Il lui a fallu pleurnicher et trépigner, menacer de retirer son soutien, pour être nommé par le président haï qui lui préférait Sébastien Lecornu, ministre des Armées démissionnaire. Et c’est donc un 3e point pour la dame, qui réalise un sans-faute.

Malheureusement, en 2025 en France, interpeller son ministre pour le mettre face à ses crimes vous vaut un passage en garde à vue pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Elle devra en outre réaliser un stage de citoyenneté, à ses frais.

Le crime de lèse-majesté

Le pouvoir ne supporte pas la critique. Depuis 2017 les plaintes pour des outrages au président de la République se sont multipliées, alors qu’elles avaient disparu sous la Cinquième république.

Lors des manifestations contre la réforme des retraites, la police avait multiplié les arrestations pour crimes de lèse-majesté : un homme de 77 ans pour une banderole «Macron, on t’emmerde» et une femme pour l’avoir traité «d’ordure» sur sa page Facebook, un enseignant pour avoir posé sur les rails de la gare de Nice un pantin à l’effigie du président de Macron. Durant le confinement, plusieurs personnes ont été arrêtées ou menacées par la police pour avoir déployé sur leurs domiciles des banderoles «Macronavirus, à quand la fin ?» En février 2024, le militant Ritchy Thibault avait fait 50 heures de garde à vue puis été accusé de menace de mort envers le président de la République pour un simple rappel historique lors du salon de l’agriculture. Il avait en effet jeté à la tête de Macron : «L’éborgneur, n’oublie jamais que nous sommes dans le pays de la Révolution française, le pays qui fait tomber la tête des monarques !»

Les ministres de Macron sont, eux aussi, intouchables. Le 12 juillet dernier, deux personnes étaient placées en garde à vue pour avoir brandi une pancarte humoristique avec le slogan rigolo : «Retailleau au Air Fryer», sur le passage du Tour de France, dans la ville de Laval. Le 13 mai, lors d’une grève de la fonction publique à Grenoble, deux professeurs ont été arrêtés pour avoir inscrit sur une bâche en plastique : «9 mai, Paris : Retailleau ❤ les néonazis», en référence à la manifestation néo-nazie autorisée à Paris.

Le pouvoir est fébrile. Et plus sa légitimité est remise en cause, plus la répression est féroce. Mais tic tac tic tac, le compte à rebours est lancé, le 10 septembre est dans un mois. Que Macron, Bayrou et leur clique se pavanent, leur fin est proche.

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