
Religieux en soutane, propagande policière ignoble, mensonges à répétition et éloges du pouvoir : s’agit-il d’une émission de Cnews ? Non, c’est le Journal Télévisé de France 2. Ce nouveau JT animé par Léa Salamé, qui bénéficie d’une promotion massive avec l’argent public, est en train de «gagner le concours du journal le plus réactionnaire».
Cet avis est celui du syndicats CGT du groupe France Télévision, qui fédère de nombreux journalistes et professionnels de l’audiovisuel public. Dans un communiqué paru le 10 septembre, le syndicat y dénonce un journal «d’Ancien Régime pratiquant le journalisme de cour», sans aucune diversité d’opinion.
Pour illustrer son propos, le syndicat de France Télévision décrypte le Journal de 20h du 9 septembre. Celui-ci commence par une ouverture «sur le choix du futur Premier Ministre et l’indéboulonnable Nathalie Saint-Cricq qui parle de la nomination de Sébastien Lecornu comme s’il n’y avait pas eu d’autre alternative» avant d’évoquer la mobilisation du 10 septembre, prévue le lendemain.
«Alors que selon les instituts de sondage, près d’un Français sur deux soutient le mouvement ‘Bloquons tout !’, le journal de Léa Salamé occulte totalement les raisons de la colère populaire, pour ne traiter cette journée que sous l’angle du maintien de l’ordre et des perturbations à venir pour la France qui travaille» explique le communiqué. Pas une seconde d’antenne n’est offerte aux opposant-es au gouvernement – quelques dizaines de millions de personnes au bas mot – c’est carte blanche pour la police.
La syndicat dénonce un «étalage des moyens de répression que pourront utiliser les policiers […] France 2 se met ainsi explicitement du côté de la police, quitte à mettre en danger ses équipes qui couvriront les manifestations». Et en effet, il s’agissait de préparer les esprits à une répression extrême, que nous avons pu constater le lendemain : agressions systématiques de tout regroupement, arrestations par centaines sans motifs, blessures innombrables… Une répression digne d’une dictature, qui n’a évidemment pas été évoquée dans le JT du 10 septembre. France 2 a joué le rôle de complice active de la violence d’État.
À l’antenne, la voix off explique que «les forces de l’ordre ont appris des gilets jaunes à être plus efficaces». Un commentaire particulièrement écœurant. Ainsi, la CGT s’indigne que France 2 ne rappelle pas que «depuis que Macron est au pouvoir la répression policière n’a jamais été aussi violente, avec des dizaines de personnes mutilées et éborgnées, et même trois personnes tuées depuis 2015» et tourne «le dos à cette population française qui continue de défendre le droit légitime de manifester».
Le syndicat précise : «Léa Salamé aurait pu rappeler que la France est le pays européen le plus violent en matière de maintien de l’ordre, ou même, évoquer la note envoyée cet été par le Ministère de l’Intérieur aux forces de l’ordre». Il n’en a évidemment pas été question. En guise de seule explication du mouvement du 10 septembre, le JT se contente d’assimiler «Bloquons tout» à l’extrême droite, et «rien sur le naufrage des services publics, les milliardaires qui se gavent, les vraies revendications de gauche». Pour salir le mouvement, Retailleau l’aura donc qualifié «d’ultra-gauche» et France 2 «d’extrême droite», pratique pour le diaboliser et empêcher la population de s’y joindre.
Clou du spectacle pour terminer, Léa Salamé reçoit sur son plateau l’évêque Bustillo, invité pour la promotion de son dernier livre, qui appelle à la réconciliation et l’apaisement, c’est-à-dire à «sortir de la lutte des classes» décrypte la CGT de France Télévision. À l’antenne, Léa Salamé déplore le «vide spirituel qu’au fond, on le comble en allant chez le psy, chez le coach, chez le naturopathe, mais plus à l’église» : pour la fameuse laïcité, on repassera. «Félicitations pour ce journal d’Ancien Régime» conclut la CGT, soulignant que France 2 méprise les citoyens en quête d’information honnête et ses propres journalistes qui y travaillent «dans l’adversité».
Derrière ce journal scandaleux, on trouve le petit monde consanguin de la mondanité parisienne liée au pouvoir. Léa Salamé est la compagne de Raphaël Glucksmann, le nouveau Macron encensé par la presse parisienne. En mars dernier, la propagandiste Nathalie Saint-Cricq était propulsée à la tête de la rédaction de France Télévision : cette dame est la maman du charmant présentateur Benjamin Duhamel qui officie sur BFM. Un enfant qu’elle a eu avec Patrice Duhamel, directeur général de France Télévision et président d’une école de journalisme. Elle est aussi la tante de l’éphémère Ministre de l’Éducation, Amélie Oudéa-Castera. Enfin, elle était invitée à un dîner secret à l’Élysée, au début du mouvement contre la réforme des retraites, pour diffuser les éléments de langage du pouvoir. Chez les Saint-Cricq Duhamel, la politique et les médias, c’est une affaire de famille. Et quand une famille ou un clan détient le monopole dans un secteur, on appelle ça une mafia.
Suite à cette nomination, un délégué syndical du SNJ-CGT France Télévisions déclarait : «On est révolté de cette décision, d’autant que nous n’avons pas été prévenus». Un autre : parlait d’un «clan qui se serre les coudes et qui se répartit les postes en circuit fermé ! Nathalie Saint-Cricq représente l’ostracisation, le contraire du pluralisme, et le management toxique très présent dans ces nominations». Les nouvelles directions des médias publics s’accompagnent de purges qui visent les humoristes et les journalistes trop indépendants, comme on l’a vu sur France Inter ou TV5 monde à propos de la Palestine.
Dès 2022, Aurore Bergé, présidente du groupe Macroniste à l’Assemblée Nationale, avait été nommée au conseil d’administration de France Télévision. Les syndicats avaient déjà dénoncé «une volonté de reprise en main politique» et déclaré «le loup est dans la bergerie». Agnès Vahramian, la nouvelle directrice de France Info, a carrément retweeté un message pro-Trump sur son compte officiel en novembre dernier, et assume une idéologie pro-israélienne et néolibérale. Bientôt, rien ne différenciera la ligne éditoriale des médias publics des empires médiatiques contrôlés par Bolloré et Bernard Arnault.
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