«Reconnaissance» de la Palestine par la France : bonne nouvelle ou opération de com’ ?


Que reconnaissent les dirigeants français et anglais ? Un amas de ruines et de cadavres, un territoire morcelé et grignoté par les colons


Macron va reconnaître la Palestine devant l'ONU, une opération de com' totalement hypocrite.

Ce lundi 22 septembre, la France «reconnait» l’État de Palestine, à la suite d’autres pays comme l’Angleterre, la Belgique, le Canada ou le Portugal la veille. Emmanuel Macron se rend à l’ONU pour en faire l’annonce officielle, après avoir longtemps tergiversé. Cette reconnaissance devait avoir lieu au printemps dernier, mais avait été mise en pause lors de l’attaque israélienne contre l’Iran. En France, les médias parlent d’une décision «historique», mais est-ce vraiment le cas ?

Le 21 septembre 2025, 151 des 193 États membres de l’ONU avaient déjà reconnu l’État de Palestine, soit environ 78%. La France faisait partie d’une petite minorité de pays qui continuaient, fanatiquement et contre toute raison, à faire bloc derrière l’État colonial. L’année dernière, c’était la Norvège l’Espagne et l’Irlande qui avaient déjà reconnu la Palestine.

Cette reconnaissance est purement symbolique, en plus d’être très tardive. Le Parlement français avait déjà voté pour cette mesure il y a plus de 10 ans : en 2014, les députés avaient validé à 339 voix, presque toutes de gauche, contre 151, principalement dans les rangs de la droite, pour une reconnaissance de la Palestine. Un vote qui n’avait pas été appliqué par Hollande à l’époque. Une trahison de plus à mettre sur son compte. Si l’on ne voit que l’aspect positif, on peut se dire que la décision prise aujourd’hui isole un peu plus diplomatiquement Israël. Pour autant, elle ne change rien à l’horreur qui continue de se dérouler.

Cette reconnaissance a un goût de cendres et de sang. Cela fait deux ans qu’Israël commet un génocide à Gaza, dont les images font le tour du monde quotidiennement, que les dirigeants israéliens tiennent des propos fascistes et appellent à l’extermination du peuple palestinien. Depuis deux ans, la colonisation de la Cisjordanie s’est accélérée : Israël a volé des milliers d’hectares de terres palestiniennes, commis des pogroms, détruit des villages et des camps de réfugiés. Que reconnaissent les dirigeants français et anglais ? Un amas de ruines et de cadavres, un territoire morcelé et grignoté par les colons. Rien qui puisse constituer, en admettant que ce soit souhaitable, un véritable État.

Cette décision est donc hypocrite et opportuniste. Rappelez-vous l’automne 2023 : Macron s’était rendu en Israël et avait appelé Netanyahou «Cher Bibi» devant les médias du monde entier, comme s’ils étaient grands amis. Le dirigeant israélien d’extrême droite était pourtant totalement transparent, et son gouvernement parlait déjà d’éliminer les «animaux humains» et le «peuple des ténèbres». À cette époque, Macron était le seul dirigeant à proposer une coalition internationale pour bombarder Gaza, pendant que sa garde rapprochée hurlait son «soutien inconditionnel» à Israël. La France était aussi le seul pays du monde à interdire totalement les manifestations pour la Palestine pendant plusieurs semaines.

Cette reconnaissance pourrait bien, en réalité, être une opération de sauvetage d’Israël et de blanchiment du sionisme. Les soutiens du génocide sont trop stupides pour l’admettre : le gouvernement Netanyahou multiplie les menaces contre la France. Le Pen parle d’une «reconnaissance du hamastan», Marion Maréchal de «haine de la France» et Sarah Knafo d’un «siège de l’ONU offert au djihad».

Ces fanatiques n’ont rien compris, ou font semblant de ne pas comprendre. Cette décision des grandes puissances occidentales ressemble à une diversion pour préserver l’image d’Israël, car cela permet d’occulter des décennies de massacres, de nettoyages ethnique, d’apartheid, de colonisation. Tous les torts sont désormais attribués au méchant Netanyahou, et tout est centré sur les crimes qui sont actuellement commis à Gaza. Une façon de ne pas parler du problème de fond.

Israël a été créé en 1948 par une grande opération de destruction et de mort : la Nakba. 700.000 Palestiniens et Palestiniennes sont chassés de leurs terres, des centaines de villages sont rasés. Au fil des décennies, bien avant Netanyahou, Israël n’a jamais cessé de s’accaparer les ressources, de détruire tout ce qui rendait les territoires palestiniens vivables – eau et oliviers – de parquer les Palestiniens et Palestiniennes derrière des murs, de détruire leurs maisons, de tirer sur des enfants… L’opération en cours n’est que l’aboutissement, atroce, du processus. En fait, la décision de reconnaître la Palestine, aussi symbolique soit-elle, est un écran de fumée, qui se concentre sur les crimes commis depuis 2023 pour mieux valider le projet israélien qui existait auparavant, et qui était tout aussi criminel.

En centrant toutes les critiques sur Netanyahou et son gouvernement, cela réhabilite le mythe d’un «bon colonialisme», modéré et sympathique qui était mis en place avant son arrivée au pouvoir. De même, quel est le sens de réclamer une «solution à deux États» dont personne ne veut, et qui n’est de toute façon pas crédible ? La seule solution qui reste est un État démocratique et multiconfessionnel de la mer au Jourdain, avec une égalité des droits. Et cela implique de détruire le projet suprémaciste et colonial.

Enfin, si Macron et ses homologues veulent faire un geste pour la Palestine, qu’ils commencent par arrêter d’envoyer des armes à Israël. La reconnaissance palestinienne devrait, au minimum, s’accompagner d’un embargo total et immédiat sur toutes les munitions envoyées pour commettre des crimes coloniaux.

S’il était sincère, le gouvernement français s’occuperait aussi des milliers de soldats franco-israéliens. Il y a 4185 soldats de nationalité française sur le front, et la France est la deuxième nationalité étrangère représentée dans l’armée israélienne, derrière les États-Unis. Ces génocidaires doivent être arrêtés et traduits devant la justice internationale. Tout comme les colons franco-israéliens. Le code pénal français (article 461-26) punit la colonisation de la réclusion criminelle à perpétuité, mais cette loi n’est pas appliquée.

Pour aller plus loin qu’une reconnaissance cosmétique, des mesures efficaces peuvent être mise en place immédiatement pour enrayer la tragédie en cours.

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