
La mort de Charlie Kirk, influenceur d’extrême droite abattu le 10 septembre dernier lors d’une conférence sur un campus de l’Utah, sert de prétexte à Donald Trump pour accélérer la marche vers la dictature aux États-Unis. La figure de martyr que Trump et sa clique lui créent, l’érigeant au rang de héros national et même de nouveau Saint religieux, a pour vocation d’en faire un symbole afin d’exalter tous les fascistes du pays et lancer une chasse aux sorcières contre leurs opposants. Nous assistons en direct à la création du mythe fondateur d’une dictature présidentielle néofasciste.
Attaques en série contre la liberté d’expression et la séparation des pouvoirs
Depuis son arrivée au pouvoir, Trump a multiplié les attaques contre la liberté d’expression. Dès le mois de février, un décret était publié pour détruire toutes les politiques, programmes ou projets de recherche sur des sujets jugés «woke» et donc dangereux pour la sûreté de l’État : le réchauffement climatique et l’environnement, le genre, la diversité, la race, l’inclusion… Une liste de 20 termes avait été distribuée en interne au CDC, le centre de contrôle des maladies (la plus grosse agence gouvernementale étasunienne pour la santé publique) afin de retirer ou d’éditer certaines informations du site. On trouvait notamment dans cette liste les termes «transgenre», «LGBT», «personne enceinte», «biologiquement femme»… Certaines pages sur le virus du SIDA avaient également disparu.
Au mois de mai, un décret coupait les financements de deux importants réseaux, la télévision PBS et la radio NPR. Reporter sans frontières a de son côté évoqué “un recul significatif de la liberté de la presse”. Le pays est aujourd’hui classé 57ème sur 180 en la matière, soit un niveau historiquement bas. En juin, Alex Padilla, sénateur démocrate, avait été exclu et menotté dans un bâtiment officiel, après avoir interpellé la secrétaire à la sécurité intérieure, Kristi Noem, lors d’une conférence de presse sur la situation migratoire. Le 16 septembre, Trump annonçait intenter un procès et demander 15 milliards de dollars au New York Times pour un article lui attribuant une lettre écrite à Jeffrey Epstein en 2003.
Et l’offensive continue : le meurtre de Charlie Kirk servant d’alibi au trumpisme. Une vague de licenciements a lieu dans différents secteurs, visant quiconque aurait critiqué l’administration Trump ou Charlie Kirk, notamment dans l’enseignement. Le vice-président J. D. Vance a appelé à dénoncer toute personne célébrant le meurtre de l’influenceur néofasciste, et à appeler leur employeur pour les faire licencier.
Mercredi 17 septembre, c’est l’animateur vedette Jimmy Kimmel, du « Jimmy Kimmel Live ! » qui a été visé : son émission a été suspendue sous la pression de l’administration Trump. Certains diffuseurs comme Disney et Nexstar ne la diffuseront tout simplement plus. Il était de retour sur ABC le 23 septembre, au bord des larmes, affirmant qu’il n’avait «jamais été dans [s]on intention de minimiser le meurtre d’un jeune homme». Brendan Carr, président de la Federal Communications Commission (FCC), a annoncé qu’il ne s’agissait là que d’un début, évoquant «l’immense changement qui est en train de se produire dans l’écosystème médiatique». Le même jour, Donald Trump déclarait que les licences des diffuseurs programmant des émissions négatives à son sujet seraient simplement révoquées.
Les États les plus Républicains prennent aussi des mesures. Ainsi l’Oklahoma veut soumettre les enseignants venant de Californie et de New-York à un test de loyauté à la culture MAGA.
«Justice doit être faite, maintenant !» a déclaré Donald Trump samedi dernier, mettant la pression sur le ministère de la Justice pour qu’il poursuive des adversaires politiques, dont deux sont accusés de fraude. Le président américain multiplie les offensives directes depuis son retour à la Maison Blanche, déclenchant des inquiétudes sur un risque de remise en cause de la séparation des pouvoirs.
L’alliance entre Trump et l’oligarchie contre les «ennemis intérieurs»
Tout comme les fascistes ont pu bénéficier du soutien des capitalistes pour arriver au pouvoir, Donald Trump est largement appuyé par l’oligarchie américaine. La semaine dernière encore, au palais de Windsor, ils étaient réunis en un joyeux banquet autour du roi Charles III. On y retrouvait tout le gratin du patronat étasunien : Tim Cook d’Apple, Sam Altman d’OpenAI, Satya Nadella de Microsoft, Larry Fink de BlackRock et Brian Moynihan de Bank of America.
«La dictature est la forme de gouvernement préférée» des riches, rappelle le World Socialist Website dans un article paru le 20 septembre dernier. Le capitalisme en crise veut se débarrasser de tous les conquis sociaux du dernier siècle. Or, pour ce faire, il a besoin d’un régime autoritaire. «Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise» disait Bertolt Brecht. Nous en avons la preuve sous les yeux.
Les capitalistes américains ont besoin de continuer à trouver de nouveaux marchés. Mais la situation géopolitique actuelle ne leur est guère favorable. C’est pourquoi ils poussent à intensifier l’effort de militarisation et à engager toujours plus d’argent dans leur armée. Le 5 septembre dernier, Trump signait un décret visant à renommer le ministère étasunien de la Défense en celui de la Guerre. «Nous avons gagné la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale, non pas grâce au ministère de la Défense, mais grâce au ministère de la Guerre» expliquait Pete Hegseth, le nouveau ministre, un fasciste notoire qui rêve visiblement d’un troisième conflit planétaire. Les États-Unis dépensent actuellement plus de 1000 milliards de dollars par an dans leur armée, ce qui représente 3,7% de leurs PIB, un montant qui est trois fois plus élevé que la Chine et 7 fois plus que la Russie, mais que Trump vient à nouveau d’augmenter de 150 milliards de dollars en taillant dans les dépenses sociales.
La préparation à la guerre nécessite également une attaque violente contre les opposants politiques, présentés comme des «ennemis intérieurs». C’est ainsi que l’antifascisme, la «mouvance antifa» comme ils l’appellent, a été classée comme organisation terroriste le 22 septembre. Avant même de connaître le mobile du meurtre, en décrivant Tyler Robinson comme un dangereux extrémiste de gauche, le narratif était crée et la droite trumpiste pouvait appeler à démanteler le «terrorisme intérieur» que constitue la gauche. «Le problème de la violence vient de la gauche» explique l’administration Trump, alors même que 93% des meurtres politiques sont commis par l’extrême droite aux États-Unis.
Une cérémonie grandiose pour célébrer le martyr du trumpisme
Une immense campagne vise à sanctifier la personne de Charlie Kirk, qui bénéficie d’un véritable culte de masse aux USA. Des cérémonies gigantesques sont organisées, de la même manière que les nazis avaient utilisé la mort d’un de leur militants, Horst Wessel, pour créer un récit fondateur de leur mouvement.
Dimanche 21 septembre dans l’Arizona, les trumpistes ont rempli un stade à ras bord pour une énorme commémoration en l’honneur de Charlie Kirk. «Il y a moins de deux semaines, notre pays s’est fait arracher l’un des plus grands esprits de notre temps, un géant de sa génération» a osé Donald Trump, qui a ajouté «Charlie Kirk ne détestait pas ses adversaires. Il voulait leur bien. C’est bien là que ne je suis pas d’accord avec Charlie. Je déteste mes adversaires et je ne veux pas leur bien. Je suis désolé». Une menace à peine voilée. Donald Trump s’est également lâché contre son prédécesseur, déclarant : «Joe Biden est un sale fils de pute». Des propos d’une violence sans précédent de la part d’un président en exercice.
Lors de cette fête lugubre, pétrie de fanatisme religieux, l’un des idéologues du trumpisme, Stephen Miller, a carrément repris des pans entiers d’un discours de Joseph Goebbels. Et le secrétaire d’État à la Défense a martelé : «Ce n’est pas une guerre politique ni une guerre culturelle, mais une guerre spirituelle».
Dans cette lancée, l’administration Trump envisage de classer les personnes trans comme «menace intérieure», les mettant dans une catégorie «d’extrémistes violents voire nihilistes». L’une des premières informations sur Tyler Robinson avait en effet été qu’il vivrait avec une personne trans, ce qui a excité les réactionnaires transphobes de tout le pays.
Les contre-pouvoirs évaporés
Et que font les Démocrates face à cela ? Absolument rien. Ils accompagnent même le culte de la personnalité de Charlie Kirk. Lorsque le Sénat américain a voté le 14 octobre (jour anniversaire de l’influenceur défunt) «Journée nationale du souvenir de Charlie Kirk», aucun Démocrate ne s’y est opposé. 90 d’entre eux ont même voté une résolution «rendant hommage à la vie et à l’héritage de Charles Kirk». Donc un hommage à un individu dont le seul mérite a été de répandre des idées d’extrême-droite.
Comment s’en étonner ? Le parti Démocrate n’est pas un parti de gauche, il défend avant tout les intérêts de Wall Street et de ce fait préférera toujours «Hitler au Front populaire». Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser aux propos d’une Kamala Harris qui n’a pas hésité à agiter l’éventail de la peur Rouge pour soi-disant discréditer Donald Trump : «On a affaire à un dictateur communiste» s’exclamait-elle le 23 septembre. Alors que ce même Donald Trump dans ses premiers décrets évoquaient «les communistes, les socialistes et les marxistes» comme des ennemis intérieurs.
On aurait donc tort de cristalliser la responsabilité sur Donald Trump lui-même. Il n’est que le produit du capitalisme en crise. La preuve : on assiste de manière concomitante à un phénomène similaire dans de nombreux pays. En Europe déjà, avec l’Italie de Georgia Meloni ou la Hongrie de Victor Orban. Cette dernière vient d’ailleurs de demander à l’Union Européenne de placer le mouvement «antifa» comme terroriste, emboîtant le pas aux États-Unis. Il en va de même aux Pays-Bas, qui ont également de classer le mouvement comme organisation terroriste, alors que des émeutes anti-migrants viennent d’y avoir lieu.
Les partis d’extrême-droite montent en puissance au Royaume-Uni et en Allemagne, et en France Emmanuel Macron continue de brutaliser les institutions et de tenter de mettre l’extrême-droite au pouvoir. Les capitalistes de tous les pays européens rêvent de voir des régimes autoritaires s’installer en Europe : il n’y a qu’à voir Bernard Arnault qui, de retour de la cérémonie d’intronisation de Donald Trump, déclarait avec des étoiles dans les yeux comme il avait «pu voir le vent d’optimisme qui régnait» aux États-Unis. Un vent d’optimisme, ou un vent de fascisme ?
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