Cameroun : le dirigeant le plus vieux du monde, vassal de la France, réélu pour la 8ème fois, violente répression de la révolte

Le Cameroun, pays d’Afrique de l’ouest de 30 millions d’habitants, est un pays jeune : l’âge médian de sa population est de 18 ans. Pourtant, c’est aussi un régime autoritaire dirigé par des vieillards liés à la France, qui règnent sans partage depuis des décennies.

Lundi 27 octobre, le président camerounais Paul Biya était officiellement déclaré réélu, avec 53% des voix, au terme d’un scrutin contesté. Il est âgé de 92 ans, n’apparaît que rarement en public, n’anime quasiment plus les conseils des ministres et réside la plupart du temps en Suisse. L’annonce de la victoire a été faite par le président du Conseil constitutionnel, lui-même âgé de 91 ans. Le chef de l’armée est lui aussi nonagénaire. Paul Biya est le dirigeant élu le plus vieux du monde, il est au pouvoir depuis 1982, à une époque où la grande majorité des camerounais n’étaient même pas nés. Le régime est également massivement corrompu.

Cette victoire est contestée par l’opposition, qui dénonce une «mascarade», et par une jeunesse qui n’en peut plus. Dès le dimanche 26 octobre, jour du scrutin, des révoltes éclataient dans tout le pays et étaient durement réprimées. La police utilisait des gaz et des canons à eau, mais aussi des tirs à balles réelles contre les cortèges. Quatre personnes ont été tuées à Douala, la capitale économique. À Yaoundé, la capitale administrative, les rues ont été quadrillées par la police et les manifestations ont été interdites pour 72 heures. Deux jours avant l’élection, des responsables d’organisations d’opposition avaient été arrêtés chez eux. En 2018 déjà, des manifestations contre la précédente élection présidentielle avaient été fortement réprimées.

Comment expliquer la longévité de Paul Biya à la tête du Cameroun ? Le dirigeant a pris le pouvoir il y a 40 ans avec le soutien du gouvernement de François Mitterrand. La France a toujours maintenu ses intérêts au Cameroun : elle y a mené une guerre sale contre les indépendantistes dans les années 1950 et 1960, puis a toujours voulu conserver un pied dans le pays. C’est au Cameroun qu’a été inventée la «Françafrique», ce système néocolonial mis en place par la France dans ses anciennes colonies. Et Paul Biya en est un symbole : la France préfère maintenir ce géronte au pouvoir que voir émerger de nouvelles figures politiques plus jeunes et moins contrôlables.

Pour illustrer cette influence persistante, on peut citer cette anecdote lamentable : en 2022, Macron se déplaçait au Cameroun en compagnie de Paul Biya, dans le cadre d’une «tournée africaine». Sur le trajet emprunté par le président français, les autorités avaient détruit de nombreux bâtiments, avec l’appui de la police, pour donner l’illusion de rues bien entretenues et effacer les signes de pauvreté. Une opération d’une grande violence pour que Macron, durant les quelques secondes de son passage, ne soit pas indisposé.

Sur le plan matériel, les militaires camerounais sont formés et équipés, entre autres, par la France. Notre pays envoie des formateurs et des conseillers auprès de l’armée et de la police du pays. Selon l’association Survie, les décorations remises par les militaires français aux gendarmes et officiers camerounais, malgré les arrestations arbitraires, la répression et les actes de torture, sont un signe de cette collaboration active.

En juin dernier, le Directeur général de la Gendarmerie nationale française organisait une visite officielle au Cameroun. Dans ce contexte, et malgré l’opacité, il est presque certain que certaines armes de maintien de l’ordre utilisées dans le pays sont fabriquées en France, comme pour d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. On a vu des grenades lacrymogènes françaises tirées au Sénégal récemment par exemple. Les livraisons d’armes militaires made in France sont, quant à elles, régulières et assumées.

Les entreprises françaises sont également nombreuses au Cameroun, par exemple la firme Orange, qui peut ainsi couper internet sur ordre du régime, l’empire Bolloré, qui est installé depuis longtemps dans le pays, le pétrolier Pérenco, les constructeurs Vinci et Bouygues… Un véritable partenariat colonial, qui permet de maintenir l’ordre.

Enfin, le pouvoir camerounais a aussi tissé des liens avec Israël, qui lui fournit depuis les années 1980 des équipements de surveillance et des formations. Des soldats israéliens dirigent notamment le Bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise, réputée pour sa cruauté et placée sous les ordres directs de Paul Biya.

Pour autant, tous les régimes ont une fin, et celle du gouvernement camerounais s’approche. La jeunesse du pays pourrait même en précipiter l’issue.

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