Accords franco-algériens : pour la première fois, une résolution du RN est approuvée à l’Assemblée


Une étape de plus vers la normalisation de l’extrême droite et vers une union entre Les Républicains et le RN


À une voix près, jeudi 30 octobre était votée une résolution visant à dénoncer l’accord de 1968 entre l’Algérie et la France.

À une voix près, jeudi 30 octobre était votée une résolution visant à dénoncer l’accord de 1968 entre l’Algérie et la France. Cet accord, signé à Alger six ans après la fin de la guerre d’indépendance, visait à définir un régime spécifique pour les citoyens algériens voulant travailler ou séjourner en France.

Grâce à cet accord, l’immigration des citoyens algériens était facilitée : ils pouvaient s’établir librement et exercer une activité de commerçant. Un Algérien pouvait obtenir un certificat de résidence d’une validité de 10 ans après 3 ans de séjour en France contre 5 pour une autre nationalité. Enfin, un principe majeur de cet accord est le regroupement familial qui a permis à des membres d’une famille d’obtenir un certificat de résidence si la personne qu’ils rejoignaient en possédait déjà un.

Évidemment, la France n’a pas signé ces accords par bonté d’âme : ils s’inscrivaient dans le contexte des 30 glorieuses et de la reconstruction d’après-guerre. Un contexte où la main-d’œuvre bon marché manquait cruellement. À la sortie de la guerre d’indépendance, l’Algérie semblait le candidat idéal pour servir de réservoir de travailleurs à bas prix.

Cependant, si cette dénonciation n’a pour l’instant aucune portée juridique, elle revêt un caractère symbolique par bien des aspects. D’une part parce que c’est la première fois qu’une proposition de résolution portée par le RN est approuvée à l’Assemblée, ce qui montre l’ascendant que prend le parti et ses idées racistes dans le jeu parlementaire. La droite et l’extrême droite assument de voter ensemble et d’aligner leurs positions. Évidemment Marine Le Pen s’est empressée de se féliciter, parlant de «journée historique pour le parti». Mais cette victoire n’est pas à mettre à son seul compte : elle a pu bénéficier du vote de la Droite républicaine et d’Horizons. Comme s’il fallait une preuve supplémentaire que les différences idéologiques sont de plus en plus ténues entre les trois groupes. Les macronistes, quant à eux, ont brillé par leur absence.

Symbolique aussi parce qu’il cristallise encore un peu plus les tensions qui subsistent entre les deux pays depuis quelques années. Si Macron a bien tenté de recoller les morceaux en avril dernier en appelant son homologue algérien alors que Bruno Retailleau faisant, en même temps, monter la pression, les différentes affaires qui ont eu lieu ces dernières années ont porté les tensions entre les deux pays à leur paroxysme. On citera d’abord le changement de cap de Paris vis-à-vis du Sahara Occidental, occupé à 80% par le Maroc. Jusqu’ici la France s’en tenait à la résolution de l’ONU recommandant un référendum d’autodétermination, mais il y a un an Macron déclarait au roi du Maroc que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivaient dans le cadre de la souveraineté marocaine». Il s’agissait ni plus ni moins d’un revirement visant à retrouver une présence en Afrique par le biais du Maroc plutôt que de l’Algérie, ce qui n’a pas plu à cette dernière compte tenu des relations tendues avec son voisin.

Il y a ensuite l’affaire des OQTF prononcées contre des ressortissants algériens. Retailleau avait réclamé l’expulsion de plusieurs influenceurs résident en France ayant tenu des propos jugés belliqueux envers la France. La justice l’avait ensuite désavoué. Enfin l’affaire de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal qui avait été condamné à une peine de prison en Algérie pour avoir déclaré que l’ouest du territoire algérien appartenait au Maroc dans la revue d’extrême-droite Frontières. Son islamophobie notoire lui a ensuite permis de devenir l’égérie des réactionnaires tricolores.

Il s’agit également d’une victoire idéologique pour le RN qui a toujours dénoncé ces accords, les accusant de contribuer à la soi-disant submersion migratoire que subirait le pays, bien avant que l’idée de grand remplacement devienne à la mode dans les débats politiques. Le RN avait déjà un lien spécial avec l’Algérie. À commencer par Jean-Marie Le Pen qui, s’il n’a jamais masqué son antisémitisme, était également un tortionnaire d’Algériens.

En 1957 en pleine guerre d’Algérie il déclarait «Nous avons reçu une mission de police et nous l’avons accomplie, selon un impératif d’efficacité qui exige des moyens illégaux…» Par moyens illégaux, il faut entendre torture. Et si certains n’étaient pas encore convaincus on peut encore citer sa déclaration dans le journal Combat en 1962 : «Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire». Enfin il faut rappeler que certains membres fondateurs du FN faisaient partie de l’OAS – Organisation Armée Secrète – groupe terroriste et raciste qui a lutté clandestinement pour garder l’Algérie française, comme Roger Holeindre, vice président du FN.

Même si le nom a changé, il ne faut pas oublier la proximité idéologique entre l’OAS et le RN. Son hostilité à la gauche, son racisme et son nationalisme identitaire ont nourri la culture politique du FN à ses débuts. Pour cela, la nostalgie de l’Algérie française et la haine contre les Algériens infusent profondément les rangs du RN et de la droite classique.

Ainsi, en juillet dernier, le site Les Jours publiait les propos chantant les louanges de l’OAS de Laure Lavalette, élue du Var proche de Marine Le Pen et visage de la “dédiabolisation”. Elle a notamment écrit un texte à la gloire de Jean Bastien-Thiry, l’organisateur de l’attentat du Petit Clamart contre le général de Gaulle – qui, soi dit en passant, se retournerait dans sa tombe de savoir que les descendants du FN se revendiquent gaullistes aujourd’hui, comme aime à le faire Marine Le Pen.

À propos de Jean-Bastien-Thiry, Laure Lavalette parlait d’un «héros français et chrétien qui a porté jusqu’au bout l’idéal du sacrifice» en 2016. Elle évoque l’OAS comme une «noble cause», un «juste combat», citant la chanson d’un ex agent de l’OAS, Jean-Pax Méfret, Les barricades : «Le drapeau tâché du sang d’Hernandez / La foule qui crie Algérie française».

En janvier dernier, Marine Le Pen n’hésitait d’ailleurs pas à déclarer que «Venir globalement dire que la colonisation a été un drame pour l’Algérie c’est pas vrai». Le révisionnisme, un impondérable de l’extrême-droite. Cette propagande anti algérienne a été largement diffusée par les médias, que ce soit ceux des milliardaires comme CNEWS ou RMC, mais aussi aujourd’hui dans le service public, qui la reprend aujourd’hui à son compte en toute tranquillité. Ainsi sur France Info, le journaliste Georges Marc Benamou pouvait vomir cette propagande sans aucune contradiction jeudi 30 octobre, appelant «bug politique révélé par Marine Le Pen» les accords de 68, et demandant le prix Nobel pour Boualem Sansal.

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