« Nous sommes là ce soir pour défendre les droits de tout un chacun. Il y a beaucoup de jeunes qui dorment dehors au bord de la Seine, et ça ce n’est pas normal »

La célèbre salle de spectacle parisienne de la Gaîté lyrique, dans le troisième arrondissement de la capitale, est occupée depuis une semaine par 200 mineur-es isolé-es. Récit du refus d’un État raciste d’accueillir des enfants.
Si l’on changeait la couleur de peau de ces adolescent-es, l’histoire serait toute autre : 200 mineur-es qui dorment à la rue depuis des mois. Oui mais voilà, ces jeunes ne sont pas blanc-hes, ne bénéficient de l’accueil inconditionnel offert aux refugié-es ukrainien-nes. Et pour le système raciste dans lequel nous vivons, cela change tout.
Depuis le mardi 10 décembre, le collectif des jeunes du parc de Belleville occupent la Gaîté lyrique à Paris. Ils et elles étaient 215 au démarrage, dont 2 femmes enceintes et un bébé de 18 mois. Leur nombre atteint près de 300 aujourd’hui. Ces jeunes l’affirment : « Nous sommes en situation de précarité, nous avons besoin qu’il y ait des réquisitions de logements et que la Mairie réagisse. Précédemment, ils nous ont montré qu’ils avaient les moyens pour héberger les jeunes. Il y a déjà eu des hébergements suite à des occupations. Des places, il y en a pour tous, ce qu’il manque juste c’est la volonté politique ! »
En avril dernier, grâce à leurs actions d’occupation, 800 jeunes avaient été pris en charge. En effet, il n’y a aucune excuse à laisser des enfants dormir dehors lorsqu’on sait que 300.000 logements sont vacants ou bien en résidence secondaire à Paris, selon une enquête de la mairie de Paris à laquelle Mediapart avait eu accès. 58% des locations parisiennes appartiennent à des bourgeois multi-propriétaires d’au moins 5 appartements.
Laisser les gens dormir dans la rue n’est pas une fatalité, c’est un choix politique. C’est choisir de laisser les spéculateurs immobiliers s’enrichir toujours plus en laissant mourir dans la rue les plus précaires. Dont des enfants.
Cet appel à l’aide envoyé par le collectif des jeunes du parc de Belleville à l’État et à la ville de Paris, qui ne cessent de se renvoyer la balle, reste sans réponse. Si la députée de Paris Danielle Simonet rappelle « qu’il s’agit d’une violation de la Convention européenne des droits de l’enfant », l’avocate Emmanuelle Gave nous rappelle que la bourgeoisie place la défense de la sacro-sainte propriété privée au-dessus de la vie humaine : « Qu’est-il arrivé à la notion de propriété privée dans ce pays… La première des choses à reprendre est ce droit et le droit évidemment de faire respecter son titre de propriété par tous moyens proportionnels dans l’usage de la force ».
La force donc pour mettre des mineur-e-s à la rue en plein hiver, une condamnation à mort pour certain.es. La violence de la bourgeoisie est sans limite. Ces jeunes vivent donc dans ce lieu depuis près d’une semaine, sans perspective pour le moment, sous la menace d’une répression policière qui s’est déjà manifestée samedi. Et le 12 décembre, l’extrême droite a tenté d’entrer dans le bâtiment, avant d’être repoussée.
Racisme structurel de l’accueil des MNA
Un MNA – Mineur Non Accompagné – est la qualification administrative d’un enfant étranger qui vit en France sans parent ou représentant légal. Ces jeunes font l’objet de mesures de protection, notamment via la Convention Internationale des droits de l’enfant (CIDE). En principe, l’État a le devoir de les protéger. Mais même lorsque ces jeunes parviennent à être pris en charge par les autorités, la discrimination des institutions est criante.
Le média Streetpress publiait il y a quelques jours les chiffres de la honte : les MNA sont placés dans des structures d’accueil différentes des enfants français, et bénéficient d’un budget d’au moins 35% inférieur. Ce sont les conseils départementaux qui gèrent la protection de l’enfance, mais ils lancent des appels à projet pour la création de foyers d’accueil dédiés. La plupart des départements allouent des sommes bien plus faibles à ces enfants qu’aux enfants français. Une discrimination avérée.
Ainsi, on apprend que « là où le prix journée en internat collectif s’établit habituellement plutôt entre 180 et 240 euros, aucun appel à projet pour les MNA n’approche cette fourchette : 130 euros dans les Côtes-d’Armor, 110 en Vendée, 145 à Paris, 120 dans les Bouches-du-Rhône, 127 dans l’Orne, 135 dans le Morbihan, 95 en Seine-Saint-Denis, 120 dans l’Hérault, 92 dans le Tarn, 75 dans les Pyrénées-Orientales ou encore 85 euros dans la Nièvre ».
Leur excuse est que ces enfants seraient « plus autonomes » du fait de leur parcours de migration difficile. Argument fallacieux : ils ont au contraire des besoins d’accompagnement très importants justement à cause de la violence de ces parcours. La vérité est que ces enfants dérangent parce que nos institutions sont profondément racistes.
À la Gaité Lyrique, des AG ont lieu tous les jours à 18h.
Une soirée de soutien au collectif des jeunes du parc de Belleville est organisée le 21 décembre à Montreuil, et une cagnotte disponible pour les soutenir.
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