Le patronat français rêve d’un régime fasciste


« Plutôt Hitler que le Front Populaire » : chronique de l’ensauvagement des riches


Deux citations de Pierre Gattaz et Sophie de Menthon illustrant les rêves de fascisme du patronat : «J'ai plus peur de Mélenchon que de Bardella» et 
«Ils ne sont pas comme LFI qui veut la révolution et monter à Versailles»

Le patronat séduit par le RN

Le 8 septembre, alors que l’écrasante majorité de la population s’oppose aux cures d’austérité imposées par un gouvernement Macron en plein naufrage, le patron Pierre Gattaz, ancien président du MEDEF, est monté au créneau dans les médias.

Ce lobbyiste des riches et des chefs d’entreprise a été sans ambigüité sur la chaine RMC : «J’ai plus peur de Mélenchon que de Bardella», et qualifié le leader de LFI «d’extrêmement dangereux». Il a poursuivi : «Si un jour monsieur Mélenchon s’approche du pouvoir avec la haine qu’il veut transporter, le chaos qu’il veut emmener, il faudra que les patrons, petits moyens et grands, s’organisent». Que veut-il dire par là ? S’agit-il d’un appel à un coup d’État en cas de victoire électorale de la gauche ?

Dans le même registre, sur la chaine Cnews du milliardaire Bolloré, un animateur s’emportait le 11 septembre : «Jean-Luc Mélenchon représente la plus grande menace politique que la France ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale».

À la fin du mois d’aout, Jordan Bardella s’était rendu à l’université d’été du Medef, pour s’agenouiller devant le patronat. Dans un discours, il avait par exemple martelé «qu’il faut pousser les jeunes plus tôt sur le marché du travail». Ça tombe bien, c’est exactement le programme de Macron, qui jette la jeunesse prolétaire vers les emplois les plus durs et dangereux toujours plus tôt. Bardella a aussi insisté : « Il n’y a pas assez de gens qui travaillent dans notre pays ». Un foutage de gueule de niveau stratosphérique, puisque le leader d’extrême droite n’a jamais travaillé de sa vie, bénéficiant d’emplois fictifs au RN quasiment dès la sortie du lycée.

Le 3 septembre, Bardella enfonçait le clou, avec une «lettre aux entrepreneurs» expliquant que le RN «incarne le véritable garant de la stabilité économique» et va proposer «l’allégement massif des impôts de production»… Un projet réclamé par le Medef. Le RN a bien évidemment refusé de soutenir les revendications sociales du 10 septembre. Le parti d’extrême droite espère une dissolution de l’Assemblée Nationale pour arriver au pouvoir, et met les chances de son côté.

L’hybridation entre le néofascisme et la grande bourgeoisie est désormais évidente. Après avoir augmenté leurs immenses fortunes grâce à Macron, les riches et les patrons n’ont aucune intention de partager, et rêvent de dictature pour préserver leurs intérêts.

Le RN représentant de la bourgeoisie

Avant même les législatives de 2024, Patrick Martin, l’actuel président du MEDEF, avait rencontré Marine Le Pen en secret. En décembre 2023, Marine Le Pen dînait dans un grand restaurant parisien avec Henri Proglio, l’ancien patron de Veolia et d’EDF. Bardella tentait en 2024 de montrer patte blanche aux entrepreneurs : «En économie, on est des gens raisonnables. On n’a pas vocation à faire partir les patrons».

Il déclarait d’ailleurs au Monde dîner avec des grands patrons «plusieurs fois par semaine» et que «Marine Le Pen et le député RN Sébastien Chenu en faisaient autant». Une information confirmé le 17 juin 2024 par Emmanuel Lechypre, chroniqueur économique de BFM : «Ça fait deux ans que le Rassemblement National rencontre très régulièrement les patrons. Ils ont un petit appartement secret dans Paris, pour organiser ça. Je ne connais pas l’adresse malheureusement [rire] Appelez ça une garçonnière économique et financière, et le RN est très présent auprès des patrons pour les rassurer, pour les convaincre».

Sophie de Menthon, présidente d’Ethic, petit mouvement patronal lié à la famille Gattaz, aide le RN a séduire les milieux d’affaires. Sophie de Menthon est l’incarnation du capitalisme prédateur : en 2011, elle justifiait dans une émission le travail des enfants du Tiers-Monde : «Il faut maintenir le travail des enfants dans les pays sous-développés, car ils font vivre leur famille». À propos de l’affaire Benalla, elle s’exclamait sur Cnews qu’elle faisait «intuitivement confiance» au garde du corps de Macron, qui serait «victime d’un faux scandale d’État» puisqu’il a «juste cassé la gueule à des manifestants». Dans le monde de ces gens, tabasser un pauvre ou un contestataire et mettre des enfants en esclavage est normal et même souhaitable. Aujourd’hui, cette femme se dit «charmée» par le parti d’extrême-droite : «Ils ne sont pas comme LFI qui veut la révolution et monter à Versailles». Concernant Le Pen, elle estimait : «J’ai trouvé une femme libérée, souriante, à l’écoute».

Le 28 novembre 2023, Bardella avait déjà «lancé une opération séduction auprès des patrons, en se rendant sur le campus de la prestigieuse école de commerce HEC, où il était invité pour la première fois, pour parler aux « décideurs de demain » rappelait le quotidien Le Monde en juin 2024.

Enfin, le multimilliardaire Bernard Arnault martelait durant l’été 2024, après la victoire du Nouveau Front Populaire aux élections législatives : «Il faut à tout prix éviter un Premier ministre de gauche !» En pleine crise politique le richissime homme d’affaire rencontrait Macron et Sarkozy lors de dîners de vacances entre potes sur la Côte-d’Azur, pour se concerter sur la situation politique.

Il y a quelques jours, la branche faussement progressiste de la bourgeoisie, en la personne de Raphaël Glucksmann, était sur la même ligne. Dans un entretien à Libération le 4 septembre, le politicien excluait toute union avec LFI aux législatives, même dans les circonscriptions où le RN pourrait l’emporter. Glucksmann aussi préfère une victoire de l’extrême droite à celle de la gauche. On le savait, c’est désormais assumé.

Fascistes et patronat : une longue histoire d’amour

En réalité, la bourgeoisie a toujours su utiliser le fascisme et la dictature pour préserver ses intérêts. En 1973, le gouvernement chilien de gauche de Salvador Allende, élu démocratiquement, était renversé par un coup d’État militaire soutenu par les USA et les milieux d’affaire. Le Président Allende n’était pourtant pas un féroce anticapitaliste, mais il voulait nationaliser certains secteurs de l’industrie et mettait en œuvre des avancées sociales. C’était trop pour la bourgeoisie, qui a soutenu une dictature militaire sanguinaire, qui a appliqué un programme ultra-libéral au Chili.

C’est aussi ce qu’il s’est passé en 1936 en Espagne, avec le coup d’État du général Franco contre le Front Populaire, élu lui aussi, et menaçant les intérêts des grands propriétaires et industriels espagnols. Avant cela, les troupes de Mussolini avaient soutenues et financées dès les années 1920 par le patronat italien : les chemises noires allaient briser les grèves et tuer des syndicalistes et des communistes pour rétablir l’ordre. La bourgeoisie italienne a misé sur le fascisme pour maintenir sa domination.

Il en a été de même pour Hitler, initialement obscur agitateur nationaliste et antisémite, soutenu par les milieux d’affaire pour lutter contre la «menace communiste» en Allemagne. Plus récemment, on trouvait à la tête du CNPF – l’ancien nom du MEDEF – dans les années 1960, un certain Marcel Demonque, PDG de Lafarge, qui était un homme d’extrême droite monarchiste. Dans les années 1970, le service de presse du CNPF recrutait d’anciens militants néofascistes.

Il ne fait aucun doute que si demain Jean-Luc Mélenchon ou un autre candidat de gauche s’approchait du pouvoir en France, il ferait face à une menace de coup d’État des forces fascistes et policières, appuyées par la classe dominante. Les riches n’auront aucun scrupule à faire couler le sang et à enfermer massivement des contestataires pour garantir la stabilité capitaliste. Pour elle, même un programme timidement social comme celui de la FI, qui n’est rien d’autre qu’une redistribution keynésienne, est en soi un danger absolu. Il faut donc s’y préparer sérieusement dès maintenant.


La bourgeoisie est enragée, soyons sauvages.


AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.