«C’est l’OQTF qui l’a tué» : Mamadou Garanke Diallo, 21 ans, assassiné par le racisme d’État

Mamadou prenant la pose avant de mourir à cause d'une OQTF qui l'aura fait fuir d'une vie tranquille.

Mamadou avait 21 ans. Il est mort après avoir été percuté par un camion, près de Dunkerque dans le Nord de la France. Son corps a été retrouvé le 17 septembre, mais n’avait pas pu être identifié jusqu’à début octobre. C’est l’association «Pour un avenir meilleur», qui l’avait pris en charge à son arrivée en France, qui a reçu la nouvelle alors qu’il avait disparu. Ses proches, sous le choc, ont laissé éclater leur colère et leur indignation. « C’est l’OQTF [l’Obligation de Quitter le Territoire Français] qui l’a tué, il avait du travail, j’étais prêt à lui donner un CDI » rage le patron de la boucherie où il travaillait, Frédéric Bécu.

Originaire de Guinée Conakry et arrivé en France en 2019 à l’âge de 14 ans, Mamadou avait été pris en charge par l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) et s’était installé à Darnétal, près de Rouen. Apprécié de tous, il commence à travailler comme apprenti dans une boucherie dirigée par Claude Renard, qui le prend sous son aile. Après le départ en retraite de ce dernier, Mamadou continue à travailler pour Frédéric Bécu et obtient son CAP boucherie.

En 2023, à la fin de son année scolaire, il reçoit sa première OQTF, sous le motif qu’il n’aurait pas prouvé sa minorité à son arrivée en France. Mamadou et son entourage se mobilisent, lancent une pétition largement partagée, signée par plusieurs députés. C’est suite à cette mobilisation que le jeune homme obtient une carte d’identité consulaire qui lui permet de vivre et travailler en France pendant 2 ans.

Mais en mai 2025, Mamadou reçoit une nouvelle obligation de quitter le territoire. «Tout s’est écroulé pour lui. Donc il s’est dit, là , je n’ai plus d’espoir ici, je vais aller chercher ailleurs» explique à l’AFP Dominique Pierre, bénévole du «Réseau Éducation sans frontières» (RESF). Il part sans prévenir son entourage, pour ne causer de tort à personne. C’est dans cette errance que sa vie a été fauchée. Aujourd’hui, la colère est grande parmi les habitant·es de Darnétal. En signe de deuil, la boucherie a été fermée le jour de l’annonce de sa mort.

La mort de Mamadou n’est pas un accident. Des décennies de politiques migratoires racistes condamnent sciemment à la mort les personnes qui ont pris les routes de l’exil. L’arrivée au ministère de l’intérieur du néofasciste Bruno Retailleau a encore empiré les choses : la circulaire du 23 janvier 2025 prévoit en effet que tout refus de titre de séjour soit automatiquement accompagné d’une OQTF.

La mort de Mamadou révèle également le mensonge et l’hypocrisie de ces politiques, qui prétendent ne pas être racistes, qui promettent que les exilé·es qui «s’intègrent bien» et «travaillent d’arrache pied» sont accueilli·es à bras ouverts dans le «pays des Droits de l’Homme». Mamadou était en France depuis ses 14 ans, n’avait jamais cessé de travailler depuis, se voyait proposer un CDI, était apprécié de tous. Et tout cela n’a pas suffi à le sauver. Le discours sur les «bons» et les «mauvais» migrants ne sert qu’à créer de la division et alimenter les politiques racistes.

Début septembre, ce sont trois autres personnes qui sont décédées en tentant de rejoindre l’Angleterre, et trois autres étaient portées disparues. L’hécatombe, loin de diminuer, continue encore de s’intensifier à mesure que se durcissent les politiques migratoires de plus en plus racistes, ainsi que la violence des gardes frontières qui n’hésitent pas à percer des bateaux d’exilé·es en mer. Début septembre, le commandant de police Dominique Bott, ex-officier de Frontex (l’agence européenne de garde-frontières et garde-côtes) lors d’une visioconférence avec des demandeurs d’emploi, utilisait la perspective de mener des chasses à l’homme comme argument d’attractivité du métier de garde-frontières, comme s’il s’agissait d’une activité palpitante.

D’ici à début 2026, ce sont pas moins de 500 garde-frontières qui seront recrutés, pour un salaire de 3500 à 4000€ nets par mois. De l’argent pour les soignants ? Non. Mais de l’argent pour des chasses à l’homme racistes, oui. Fabrice Leggeri, cadre du RN et ancien directeur de Frontex de 2015 à 2022, est également visé par une plainte pour crime contre l’humanité.

Pour rappel, en 2022 lorsque la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine, une vague sans précédent d’exilé·es ukrainien·nes a été accueillie dignement, rapidement et sans condition partout dans l’Union Européenne, avec notamment plus de 65.538 Ukrainien·nes en France. Les discours mensongers justifiant de l’impossibilité d’accueillir «toute la misère du monde» tombaient. Cet épouvantail constamment agité par l’extrême droite n’est pas le problème : celui-ci réside bien dans les politiques qui ont fait de l’exilé·e non européen·ne un ennemi.

Les frontières tuent. Depuis le début de l’année, au moins 23 personnes sont mortes en tentant de passer en Angleterre. 23 personnes avec une histoire, une famille, des rêves. En mer Méditerranée, ce sont près de 30.000 personnes qui sont mortes depuis 2014. Dans l’indifférence générale. Abolir les politiques migratoires mortifères, abolir les frontières et décréter la liberté de circulation et d’installation pour toutes et tous, voilà la seule réponse humainement possible à ces drames.

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