Fabrice Leggeri : de l’agence européenne Frontex au Rassemblement National


De l’abattoir à la porcherie


«L’Europe, c’est la paix et les droits de l’Homme» nous avaient promis les européistes. À elle seule, l’agence Frontex prouve qu’il s’agit d’un énorme mensonge. Frontex, c’est la contraction de «frontière extérieure», le nom donné à une institution créée en 2004 par l’UE pour «sécuriser les frontières» européennes, c’est-à-dire traquer les réfugié-es, les repousser en Méditerranée et organiser une forteresse autour de notre continent.

Frontex bénéficie de 500 millions d’euros de budget annuel, qu’elle utilise pour construire des camps aux portes de la Grèce ou de l’Italie, pour patrouiller au-dessus de la Méditerranée ou de la Manche ou pour repousser des réfugiés à l’Est de l’Europe. Frontex met aussi au point des méthodes de surveillance extrêmement invasives depuis des années pour contrôler et frapper les corps : drones, vidéosurveillance, biométrie, capteurs thermiques et canons à son. L’agence est un laboratoire d’expérimentation du pire de la répression et de la technopolice.

L’agence Frontex est régulièrement accusée de graves violations des droits humains. Notamment avec la pratique du «push back», qui consiste à refouler illégalement des personnes exilées, notamment en faisant chavirer des embarcations chargées d’êtres humains. Quand ils n’interviennent pas directement, les gardes côtes peuvent aussi délibérément ignorer les appels de détresse de réfugiés en mer, ce qui est une non assistance à personne en danger.

En juin 2023, 79 corps étaient repêchés et des centaines de personnes portées disparues au large de la Grèce. Parmi elles, une centaine d’enfants. C’était le pire naufrage en Méditerranée depuis des années. Un avion de Frontex avait repéré l’embarcation en détresse deux jours plus tôt, mais personne n’était venu secourir les naufragé-es.

En avril 2021, un pêcheur libyen avait alerté sur un bateau en difficulté avec 150 personnes à bord, hommes, femmes, enfants. Les associations de secours avaient alors désespérément relayé l’appel à l’aide à Frontex, qui avait les moyens de les sauver. Mais l’Europe n’a pas bougé : seulement l’envoi d’un avion de reconnaissance, 7 heures plus tard, qui n’a pu que constater la mort de tous les occupant-es.

La Méditerranée est devenue un cimetière, notamment à cause de Frontex. Le chercheur camerounais Achille Mbembé a forgé en 2003 le concept de «nécropolitique» : politique de mort. C’est-à-dire quand les autorités décident quel type de population laisser mourir et qui il faut sauver. Voilà qui définit bien cette agence européenne.

Devinez qui dirigeait l’agence jusqu’en avril 2022 ? Un français ! Il s’appelle Fabrice Leggeri, c’est un énarque à la mâchoire carrée, et il était à la tête de Frontex depuis 2015. Combien de naufrages, de coopérations troubles avec des gardes côtes libyens et de violation des droits fondamentaux sous la direction de Leggeri ? Nous ne le saurons jamais.

Par contre, on sait qu’il a démissionné en 2022 après une enquête pour «harcèlement», «mauvaise conduite» et «refoulements de migrants» menée par l’Office de lutte antifraude de l’UE. Le rapport faisait état de «transgressions des droits fondamentaux» des exilés par Frontex.

Leggeri s’était aussi opposé au recrutement de 40 agents des droits fondamentaux au sein de Frontex et affirmait, devant le Sénat, que sans son intervention les institutions se seraient transformées en associations «humanitaires». Ouf ! Grâce à lui, nous avons échappé à un État qui viendrait en aide aux personnes dans le besoin… Lors de sa démission, il était défendu par l’extrême droite, le Rassemblement National estimant qu’il a été «persécuté pour avoir tenté de défendre les frontières».

Leggeri vient de se présenter comme candidat pour le parti d’extrême droite. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche, récemment racheté par Bolloré, il annonce rejoindre la liste de Jordan Bardella pour les élections européennes. Selon lui, «le RN possède un plan concret et la capacité de le réaliser. Nous sommes déterminés à combattre la submersion migratoire, que la Commission européenne et les eurocrates ne considèrent pas comme un problème, mais plutôt comme un projet : je peux en témoigner».

Voilà qui l’Union Européenne a placé pendant des années à la tête d’une institution aussi puissante que Frontex. Un néofasciste qui déshumanise les exilés et viole les droits fondamentaux, quitte à sacrifier des enfants.

Ce passage de Frontex à une liste d’extrême droite montre la mue progressive du système. De plus en plus de hauts fonctionnaires, d’élus et de grands patrons optent pour le fascisme. L’extrême droite contrôle déjà des leviers de pouvoir de plus en plus important, notamment les secteurs qui disposent du pouvoir de décider de tuer ou de laisser vivre. Avant Leggeri, l’ancien directeur de la DST, le service de contre-espionnage français, s’était présenté sur une liste du RN, entre autres.


D’une certaine manière, le fascisme est déjà installé, au moins en partie, au sommet des États, de la police, de certaines institutions. Fabrice Leggeri en est la preuve vivante.


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