Gaza : cessez-le-feu sur un champ de ruines ?

Les rues de Gaza entièrement ravagées : c'est sur ce champ de ruines que débute un cessez-le-feu.

«Enlever, massacrer, piller, voilà ce qu’ils appellent l’Empire, et là où ils ont tout transformé en désert, ce qu’ils appellent la paix». Ces mots auraient été prononcés il y a plus de 2000 ans, à propos des guerres de l’Empire romain, et résonnent étrangement avec notre époque. Ces paroles sont attribuées au chef celte Galgacus, avant une bataille contre les troupes romaines, au nord des îles britanniques. Elles résument la vraie nature de la «paix» impériale : régner sur des ruines.

Ce jeudi 9 octobre 2025, presque deux ans jour pour jour après le début du génocide à Gaza, le «plan de paix» de Donald Trump a été approuvé par le Hamas et Israël et inaugure, en principe, un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne. Il s’agit de la première phase d’un plan qui en compte trois : dans un premier temps les tirs doivent cesser et un échange de prisonniers israéliens contre des prisonniers palestiniens doit être organisé dans les 72 prochaines heures. En parallèle, au moins 400 camions d’aide humanitaire entreront chaque jour dans la bande de Gaza pendant les cinq premiers jours du cessez-le-feu. L’accord prévoit aussi «le retour immédiat des personnes déplacées du sud de la bande de Gaza vers Gaza (ville) et le nord».

Pourtant, ces dernières heures, des chars israéliens ont ouvert le feu sur des gazaouis qui tentaient de regagner leurs foyers. En début de soirée, l’aviation israélienne continuait de bombarder Gaza afin de continuer à voler des vies avant la validation de l’accord. Israël n’a jamais respecté les trêves. Le 3 octobre, alors que les négociations étaient sur le point d’aboutir, Donald Trump exigeait : «Israël doit immédiatement cesser les bombardements sur Gaza afin que nous puissions libérer les otages rapidement et en toute sécurité !» Mais les frappes avaient continué, faisant couler toujours plus de sang. Lors du précédent cessez-le-feu, conclu au mois de janvier dernier, l’armée israélienne avait continué de tirer sur des civils pendant toute la durée de la trêve.

Netanyahou a d’ailleurs cherché à prolonger au maximum l’effusion de sang. Il a déclaré qu’il fallait aussi faire voter son gouvernement ce jeudi soir, ajoutant plusieurs heures à l’échéance d’accord. Parmi les ministres, le fasciste Bezalel Smotrich a déclaré que son parti «ne se joindra[it] pas aux célébrations court-termistes et ne votera[it] pas en faveur de l’accord». Une grande partie de la population et de la classe politique israélienne n’a aucune intention d’arrêter le génocide, et désire l’élimination totale ou l’expulsion du peuple palestinien à Gaza comme en Cisjordanie. Après la libération de tous les otages, les colons vont probablement mettre la pression sur le gouvernement pour la reprise des attaques.

En échange des captifs israéliens, 2000 détenus palestiniens doivent être relâchés. Dans cette liste, il était réclamé la libération de Marwan Barghouti, personnalité palestinienne de premier plan, enfermé depuis 23 ans. Surnommé le «Mandela palestnien», leader du Fatah, il est une figure centrale de la résistance palestinienne, très populaire, interlocuteur reconnu et figure plutôt respectée. Cet homme est l’un des seuls à pouvoir assurer un rôle politique de premier plan en cas de reconnaissance réelle d’un État palestinien. Israël vient de faire savoir qu’il resterait en prison. Au mois d’août, le ministre israélien d’extrême droite Itamar Ben Gvir s’était rendu, avec des agents armés et des journalistes dans sa cellule. Devant les caméras, il avait déclaré au détenu : «Nous vous anéantirons, nous vous effacerons». Barghouti, âgé de 66 ans, était apparu très amaigri. Pour Israël, il faut absolument priver les palestiniens de toute figure de référence, capable de négocier et d’être audible sur la scène internationale.

On peut évidemment se réjouir d’un cessez-le-feu, même incomplet. Mais il ressemble à une opération de blanchiment. Benjamin Nétanyahou réclame ce jeudi que Donald Trump reçoive le prix Nobel de la paix. Un génocidaire réclame que celui qui l’arme et le soutient soit récompensé d’un prix pour la paix, alors que Gaza est anéantie. Car si les armes se taisent – ce qui restera à démontrer ces prochains jours – que vont devenir les survivant·es ? Leurs terres agricoles sont dévastées pour des décennies, leurs maisons sont détruites, il n’y a plus ni administration ni services publics. Et Gaza reste sous blocus, privée de tout. Comment continuer à vivre dans un tel désert ? Quelles sont les perspectives après un tel accord ? De plus, les phases suivantes du plan de Trump prévoient que Gaza devienne un protectorat dirigé par l’ancien Premier ministre anglais Tony Blair et par des hommes d’affaires, dans lequel les palestinien·nes n’ont ni droit ni possibilité de se défendre d’aucune manière.

Si le «plan de paix» tient dans la durée, cela signifierait un retour à une relative «normalité». Mais la normalité en Palestine depuis 1948, ce sont les massacres incessants, les vols de terre, l’apartheid… Les tueries seront peut-être moins industrielles que depuis deux ans à Gaza, mais s’inscrivent dans la continuité d’un nettoyage ethnique à petit feu, progressif, qui dure depuis plusieurs décennies, y compris en Cisjordanie.

Enfin, quand bien même l’opération génocidaire en tant que telle prendrait fin, les criminels contre l’humanité restent impunis. Puisque les États ne font rien, le mouvement populaire mondial qui s’est levé pour la Palestine devra traquer, mettre en lumière et punir les génocidaires, de la même manière que les criminels de guerre fascistes l’ont été par le passé. Le mouvement devra aussi dénoncer et couvrir de honte pour toujours les firmes qui, chez nous, ont armé le génocide. Un vaste programme.

AIDEZ CONTRE ATTAQUE

Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.

Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.