Répression hors du commun et rassemblement interdit. Blocage économique et manifestation improvisée dans le centre. Mobilisation en hausse au niveau national.
Toute la semaine, les menaces les plus affolantes ont été proférées par la classe politique et les éditorialistes sur les plateaux télés. Gilets Jaunes qualifiés de «terroristes», menaces de tirs à balles réelles, déploiement de l’armée, batterie de mesures hautement liberticides. L’histoire de France bascule sous nos yeux. Cette politique de la terreur n’a pas découragé les Gilets Jaunes. Dans tout le pays, des manifestations le samedi 23 mars. À Nantes, la mobilisation ne s’essouffle pas : elle a été asphyxiée.
Plutôt que de se risquer dans le centre-ville, l’appel de ce samedi se situe sur la route de Vannes. L’artère commerçante la plus fréquentée de la métropole, en périphérie de Nantes. Une route sans vie. Une enfilade de concessionnaires auto, de magasins sans âmes, de sièges de multinationales et de grandes surfaces. L’incarnation du monde de la marchandise et du profit.
Malgré cet appel hors du centre-ville, la répression s’est déchaînée. Implacable. L’ensemble de la zone était militarisée. Quadrillée par différentes forces de police, avec de nombreux check-points. Les véhicules contrôlés, les passants fouillés. Des manifestants sont arrêtés et mis dans des camions cellulaires avant même d’atteindre le point de rendez-vous. Beaucoup de matériel est confisqué, notamment des produits de soin.
Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de tenir même un simple rassemblement. Ramener une pancarte ou un gilet jaune relève de l’exploit. «J’ai été contrôlé 6 fois avant d’arriver» raconte un homme, «et moi 5 !» répond une jeune femme. Un petit cortège se met en marche, timidement, sous le soleil. La foule gonfle en avançant, jusqu’à atteindre au plus fort environ 600 manifestants. Mais la manifestation n’aura pas lieu. Après quelques minutes de marche à peine au milieu d’une artère verrouillée par les forces de l’ordre, c’est un déluge de lacrymogène. Tous les magasins ont fermé leurs portes.
Des gendarmes, en batterie, tirent sans discontinuer des grenades sur toute la longueur de la route. Un gaz très concentré, particulièrement toxique. La scène a de quoi rendre incrédule : on tire sur une foule nue, désarmée, passive, à visage découvert, qui n’a fait que chanter quelques slogans. Mais ce n’est pas tout. Castaner a donné l’ordre «d’aller au contact». Ordre respecté : tout en continuant à gazer, les gendarmes vont charger en courant sans s’arrêter vers les manifestants restants. Les personnes les plus âgées ou les plus fatiguées sont bousculées car elles ne courent pas assez vite. Une personne reçoit un tir de grenade dans la tête. Pure violence gratuite. On comprend aisément qu’une dame ait été gravement blessée à Nice, dans des conditions similaires.
Le cauchemar continue. Des camions banalisés sillonnent l’avenue et ses alentours. Des hommes cagoulés en surgissent pour chasser des manifestants. C’est la fameuse unité «anti-casseurs». Les personnes arrêtées sont molestées, insultées, humiliées. Des courses poursuites ont lieu dans des rues pavillonnaires. Après un moment d’hébétude, une partie des manifestants se donne rendez-vous dans le centre-ville.
Prenant de vitesse la répression, 200 personnes vont défiler dans les rues d’habitudes interdites par la police. Un petit moment de liberté, qui prouve qu’il est possible de déborder même les pires situations répressives en étant mobile et réactif. Assez vite, le dispositif arrive et nasse les derniers manifestants. Des arrestations et quelques affrontements auront lieu jusqu’à Gloriette.
C’est donc un blocage économique, largement réalisé par les forces de l’ordre elles-mêmes, suivi d’un cortège sauvage dans le centre qui ont eu lieu. À part à Nice, il semble que, malgré les menaces gouvernementales, des manifestations aient pu se tenir un peu partout ailleurs. Il y avait même plus de manifestants que la semaine dernière.
Nantes bénéficie donc d’un traitement spécial lors de cette journée, alors même qu’aucune interdiction de manifester n’avait été annoncée. Le fait de décentrer le lieu de mobilisation n’a pas permis de faire descendre la pression policière. Au contraire, les Gilets Jaunes ont été violentés loin des regards.
Pour retrouver du souffle et éviter l’asphyxie, lors des prochaines dates, sortons des écrans, retrouvons nous plus nombreux et déterminés que jamais, unis et solidaires !