Noyade de Steve : quatre mois plus tard


Impunité totale pour les responsables


Il y a quatre mois, samedi 21 juin, à Nantes. C’est la fête sur le Quai Wilson, comme chaque année. Les noctambules se retrouvent sur l’esplanade déserte et ses grues immenses. Il y a du son jusqu’à l’aube. Mais cette fois, la police attaque à 4h30 du matin. Les chiens sont lâchés. Selon les chiffres officiels, 33 grenades lacrymogènes, 10 grenades de désencerclement et 12 balles en caoutchouc sont tirées en quelques minutes contre une foule compacte.

Un nuage épais, jauni par les lumières blafardes du quai, coupe les respirations. On tousse, on court à l’aveugle, au milieu des gaz. Les corps se cognent. Trébuchent. «On n’a rien compris», raconte un témoin, «j’ai vu des gens tomber dans l’eau». Une femme décrit l’ambiance : «il faut imaginer des centaines de personnes qui hurlent en courant dans tous les sens, des bruits de  »plouf » dans l’eau, du gaz partout, des détonations de grenades, des flics qui frappent des gens».

Quelles sont les raisons d’un tel assaut ? Il n’y en a pas. Ou si peu. Selon les autorités, la musique aurait dépassé de quelques minutes l’horaire prévu. Tout aurait commencé lorsqu’un DJ a passé le morceau «Porcherie». Cette vieille chanson de la gauche des années 1980 qui critique le Front National. Les paroles déclenchent la fureur des forces de l’ordre. «Deux tireurs visaient la tête des gens» dit un jeune homme. «Ils nous ont direct arrosés de lacrymos, sans sommation», raconte Gwen, qui explique que le DJ a reçu un coup de pistolet électrique. «Ils nous traitaient de sales gauchistes quand ils nous frappaient», «on était juste des objets à défoncer». «Ils ne nous laissent comme seule échappatoire que la Loire».

Alors que les policiers tabassent au sol plusieurs personnes derrière un mur de son, on entend crier «y’a des gens dans la Loire !». Les uniformes sont totalement indifférents au sort des personnes tombées dans le fleuve par leur faute. «Quand on est allés voir la police pour leur dire qu’il y avait des gens à l’eau, on s’est fait envoyer balader :  »Cassez-vous ou on vous embarque ! »», ou encore : «c’est pas notre boulot, c’est celui des pompiers».

Au terme de cette nuit d’horreur, Steve manque à l’appel. Il y aurait pu y avoir des centaines de personnes dans l’eau, et des dizaines de morts ce soir-là, à cause d’une charge de la police un soir de fête de la musique.

Quatre mois plus tard. Steve est mort, mais les responsables sont impunis. Ni les policiers tireurs, ni le commissaire donneur d’ordre, ni le préfet, ni le ministre de l’Intérieur n’ont été inquiétés.


Pas de justice, pas de paix


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