Impunité totale pour les responsables de la noyade du jeune nantais
Il y a cinq mois, nous étions le samedi 21 juin, à Nantes. La fête de la musique a lieu sur le Quai Wilson, comme chaque année. Des centaines de noctambules se retrouvaient sur cette esplanade déserte avec ses grues immenses, pour écouter du son jusqu’à l’aube.
Mais cette fois, la police attaque à 4h30 du matin. Les chiens sont lâchés. Selon les chiffres officiels, 33 grenades lacrymogènes, 10 grenades de désencerclement et 12 balles en caoutchouc sont tirées en quelques minutes contre une foule compacte.
Un nuage épais, jauni par les lumières du quai, coupe les respirations. On tousse, on court à l’aveugle, au milieu des gaz. Les corps se cognent. Trébuchent. «On n’a rien compris», raconte un témoin, «j’ai vu des gens tomber dans l’eau ». Une femme décrit : «Il faut imaginer des centaines de personnes qui hurlent en courant dans tous les sens, des bruits de ”plouf” dans l’eau, du gaz partout, des détonations de grenades, des flics qui frappent des gens».
Quelles sont les raisons d’un tel assaut ? Il n’y en a pas. Ou si peu. Selon les autorités, la musique aurait dépassé de quelques minutes l’horaire prévu.
Tout a commencé lorsqu’un DJ a passé le morceau «Porcherie». Cette vieille chanson qui critique l’extrême droite. Les paroles déclenchent la fureur des forces de l’ordre. «Deux tireurs visaient la tête des gens» dit un jeune homme. «Ils nous ont direct arrosés de lacrymos, sans sommation», raconte Gwen. Le DJ a reçu un coup de pistolet électrique. «Ils nous traitaient de sales gauchistes quand ils nous frappaient», « on était juste des objets à défoncer». «Ils ne nous laissent comme seule échappatoire que la Loire».
Alors que les policiers tabassent au sol plusieurs personnes derrière un mur de son, on entend crier «y’a des gens dans la Loire !». Les uniformes sont indifférents au sort des personnes tombées dans le fleuve par leur faute. «Quand on est allés voir la police pour leur dire qu’il y avait des gens à l’eau, on s’est fait envoyer balader : ”Cassez-vous ou on vous embarque !”».
Au terme de cette nuit d’horreur, Steve manque à l’appel. Ses amis ne reverront pas ce jeune homme amateur de théâtre et de musique techno, décrit comme souriant. Il y aurait pu y avoir des centaines de personnes dans l’eau, et des dizaines de morts ce soir-là, à cause d’une charge de la police contre la fête de la musique.
Cinq mois plus tard. Steve est mort, et les responsables restent totalement impunis. Ni les policiers tireurs, ni le commissaire donneur d’ordre, ni le préfet, ni le ministre de l’Intérieur n’ont été inquiétés.
La police continue à semer la terreur à Nantes : blessures, charges, arrestations, humiliations. Comme si de rien n’était. Et les mutilations se succèdent ailleurs en France.
Pas de justice, pas de paix
Photo : Magali Grégoire via Anne-Claire Lepage