Des violences policières atroces se suivent dans l’impunité. Les manifestations sont écrasées. Des lois et décrets dignes de dictatures sont imposés. La police manifeste tous les jours pour réclamer le droit de tirer. Dans cette ambiance pré-fasciste, la priorité de certaines organisations n’est pas de résister, mais de maintenir l’ordre. Ce qui s’est passé ce mardi soir à Nantes est un cas d’école.
Depuis trois semaines, la mobilisation est massive pour les libertés à Nantes avec jusqu’à 10.000 personnes dans les rues. Pourtant, le collectif « contre la sécurité globale » local rechigne depuis le début à appeler à la mobilisation. Absence de défilés les samedis, parcours trop courts et verrouillés. Fin de manif sur l’île de Nantes pour permettre à la police de bloquer les ponts sur demande du préfet… La semaine dernière, ce collectif a même diffusé un communiqué dont le seul message était de «dénoncer fermement les violences». Pas celles de la police, mais celles des manifestants. En conséquence : pas d’appel à manifester samedi dernier, alors que toute les villes de France étaient mobilisées. Pour faire bonne figure, un rendez-vous était fixé ce mardi à 17h30.
Un rendez-vous en forme de traquenard
Devant la Préfecture, le camion syndical appelle à «se disperser» dès 18h et annonce que, finalement, la manifestation contre la sécurité globale n’aura pas lieu. Au même moment, un cortège «pour la culture» rejoint le point de rendez-vous. Musique, flambeaux, et bonne ambiance. L’occasion de partir en défilé ? Absolument pas. Le slogan entonné : «Oui oui oui à la culture, non non non à la violence». La violence supposée des manifestants, évidemment.
Un véhicule crachant de la musique se met alors en travers de la rue, empêchant un éventuel départ en manif. Et hausse le son lorsqu’une grappe de manifestants tente malgré tout d’initier un départ. Après de longues minutes de sidération, quelques centaines de jeunes tentent d’avancer. Et sont immédiatement visés par de grandes quantités de grenades lacrymogènes sans sommation. Le message est clair : rien d’autre qu’un « rassemblement statique » ne sera toléré. À peine le temps de reculer, les camions syndicaux ont disparu. Et une énorme nasse s’était refermée. De tous les côtés : lignes de forces de l’ordre, matraques, boucliers, et même un canon à eau. Les agents sont bien plus nombreux que les manifestants ! Et au dessus des têtes, le bourdonnement d’un hélicoptère. Délirant.
Le rendez-vous se révèle être un piège, une souricière. Au moindre déplacement, des grenades sur les groupes restant. Qui se retrouvent à errer sur quelques dizaines de mètres, entre les gaz et le jet d’eau. Les organisations officielles sont déjà loin. Mais selon nos sources, elles ont été reçues en préfecture quelques heures plus tôt.
Tout s’est bien passé
Des arrestations préventives, une répression démesurée et gratuite, une manifestation anéantie avant même d’avoir pu commencer. Tout le monde contrôlé et fouillé pour pouvoir sortir de la nasse. Et surtout, un fort sentiment d’humiliation. Mais les organisations sont sans doute satisfaites : il n’y a pas eu de «violences». Tout s’est «bien passé». Pour les autorités en tout cas.
Cette scène est une nette évolution dans l’histoire des mobilisations locales : les organisations de gauche ont manifestement co-construit une nasse avec la Préfecture, alors même que la surenchère autoritaire est sans précédent.
Pendant que l’extrême droite se radicalise et que la police fait corps, avec des protestations sauvages et des revendications toujours plus dures, ce qui reste de la gauche est tétanisé. Et pire : elle tente de saboter ce qui reste de vitalité sociale. C’est aussi ce qui s’ est passé samedi à Paris, avec le refus d’appeler à une manifestation de la part des organisations « contre la sécurité globale ». Construire de larges fronts pour résister efficacement avant qu’il ne soit trop tard semble vital.
Images : Nantes Révoltée, presse locale