L’histoire d’Amélie sonne comme un avant-goût de la «Loi de sécurité globale». Cette jeune femme a subi une répression terrifiante pour avoir simplement filmé et «surveillé» des forces de l’ordre. Elle subit aujourd’hui des campagnes gravissimes de menaces, d’insulte et de harcèlement de la part de centaines de policiers et de fascistes.
Amélie H., cette étudiante dont le pseudo sur les réseaux était Marie Acab, est l’objet de messages d’insultes et de menaces de mort par centaines. Sur les forums de forces de l’ordre, elle est surnommée «la chasseuse de flics» et cristallise l’attention des forces de l’ordre.
Les premières persécutions contre la jeune femme sont judiciaires. En mai 2019, elle est condamnée pour complicité d’outrage pour une publication sur Facebook. À l’époque, elle poste des photos de policiers sur sa page et déclare détenir des identités et des adresses de policiers. En décembre 2019, la militante de 22 ans est à nouveau très lourdement condamnée pour harcèlement et envoyée en prison immédiatement. Une peine extrême, pour l’exemple, qui préfigure ce qui pourrait se produire avec la «loi de sécurité globale».
Cela ne s’arrête pas là, Amélie obsède de nombreux policiers. Le média StreetPress s’est procuré plus de 500 captures d’écrans de Facebook ou WhatsApp évoquant l’étudiante. Une liste infinie de propos haineux, sexistes jusqu’à des appels aux meurtres ou au viol rédigés par des fonctionnaires de police. Sur le célèbre forum regroupant des policiers d’extrême droite, TN Rabiot, un administrateur la menace immédiatement : «Toi la pute, la taupe qui se permet de balancer des captures d’écrans à des sites anti-flic ! Assume, porte tes couilles et écrit moi, je t’attends en MP !!»
Son identité sera publiée en novembre 2019 par l’administratrice du groupe, un mois avant sa dernière condamnation. C’est le début d’un harcèlement violent : sa photo mais aussi son adresse sont publiées. Un brigadier-major lâche : «Comme je ne suis plus de la première jeunesse, je veux bien avaler une ou deux petites pilules bleues (viagra), passées avec un Jack D… Histoire de bien lui prouver mon amour le plus profond et des deux côtés». Un autre : «Sache qu’on t’aime… Surtout en levrette en tirant ta tignasse et en te claquant les fesses», ou encore : «Marie et ses fameux boukak avec des compagnies de CRS».
La vie privée d’Amélie est dévoilée. Après qu’elle ait rapporté avoir été frappée au ventre par la police alors qu’elle est enceinte, un policier se lâche : «On se plaint du tout répressif et il faudrait blâmer un collègue qui fait de la prévention ? On frôle même le principe de précaution…» Un autre : «Que celui qui a mis enceinte cette cassos se dénonce de suite». Une réponse : «C’est moi. J’étais en pleine dépression et puis on devait tous mourir alors je me suis lancé un défi…» Amélie reçoit des injures telles que « pute », «grosse pute», «salope» ou «grosse tchouin à Black Block».
Encore plus grave, les nombreux appels au meurtre. Certains agents veulent aller chez elle, dévoilent son adresse ! Un fonctionnaire de l’Aveyron préconise «une cartouche de 12 pour cette ordure», un policier marseillais promet : «Elle se fera écraser un jour. On pensera que c’était un sanglier». Alors qu’Amélie est arrêtée à Paris, un policier signale sur le groupe Facebook : «La petite pute est en Gav dans le 11… Elle s’est chiée dessus… Et ils l’ont laissé dans sa merde. Vengeance ! C’est bon ça !!!» Amélie sera relaxée suite à cette arrestation : «Pas de justice ! Faut la faire nous-mêmes !» En prime, le portrait d’Amélie sera diffusé dans de nombreux groupes d’extrême droite et néo-nazis illustrant la porosité entre police et milieux fascistes.
À l’origine de ce défoulement horrible ? Une simple soif de justice. Amélie explique à Street Press : «C’est en militant que j’ai réalisé que l’image que je m’étais faite de la police était très loin de la réalité». Lors de la Loi Travail en 2016, elle est choquée après avoir «assisté à des violences policières. Je repense à une personne prise à partie, étranglée, j’étais impuissante». Pour elle, «c’était le moment de m’engager à observer la police, à les filmer, à les dénoncer». Mais elle fera vite face à un rouleau compresseur judiciaire. Pour avoir simplement filmé des flics à Versailles , la justice s’acharne, des ITT sont distribués aux agents qui parlent d’un «préjudice psychologique» : celui d’avoir été filmé par un téléphone ! Une policière obtient même huit jours d’ITT car l’affaire représente un contexte «particulièrement traumatique» et «un retentissement majeur sur sa vie quotidienne». Les blessés graves par la police apprécieront l’obscénité de la situation. Amélie écope de 15 mois de prison et 4600€ de dommages et intérêt !
Une jeune femme jetée en taule pour avoir filmé des fonctionnaire. Et un harcèlement durable, extrêmement violent, de policiers assermentés et armés contre une jeune femme. Des sanctions face à ce déchaînement collectif ? Aucun. Amélie a déposé plainte, mais un policier sur le groupe TN Rabiot s’en moque : «Je pense que l’IGPN en a un peu rien à foutre des dénonciations d’une récente condamnée». Derrière Amélie, nous sommes toutes et tous concernés. Cette affaire incarne l’incommensurable bêtise, la violence, le danger et le fascisme ambiant qui règne dans les ranges de la police française. Désarmer la police, politiquement, médiatiquement et matériellement est une priorité vitale.
Notre article précédent à propos d’Amélie :