Retour sur une affaire invraisemblable faite de homard et de parapluies qui obsède le parquet nantais

Le 14 septembre 2019, deux personnes étaient mises en examen après avoir été arrêtée en présence d’une banderole, de la peinture ayant servi à confectionner celle-ci et de parapluies. Dans le même temps, 3 personnes étaient également arrêtées avec un homard géant et toutes les 5 étaient associées dans la même affaire pour «association de Malfaiteurs». Les deux premières faisaient l’objet de poursuites et étaient placées sous contrôle judiciaire pendant 20 mois.
En juillet dernier, la juge a désavoué le parquet sur la nécessité d’un renvoi en procès d’une telle mascarade, en prononçant un non-lieu total : c’est-à-dire qu’il était conclu l’absence même d’élément pouvant donner matière à de quelconques poursuites ! Quelques jours après, malgré le ridicule de l’affaire retentissant dans les médias, le parquet s’enfonce et se fend d’un appel de la décision de la juge… Un fait peu banal dans le monde judiciaire.
Nous sommes donc en présence d’une procédure purement politique. Dès le départ, le but a bien été de mettre un coup d’arrêt aux mobilisations sociales de 2019 en arrêtant arbitrairement des militants, sur simple profilage. Ensuite, le dossier est incroyablement vide. Absolument rien ne vient justifier pourquoi ces jeunes ont été ciblés et aucun élément ne vient appuyer l’hypothèse d’une volonté de dégradation ou de violence. C’est une poursuite pour de simples suspicions, sans aucunes preuves, par une intuition douteuse dont seul le parquet a le secret.
La poursuite pour « groupement en vue de » ne vise effectivement pas un délit réalisé mais bien la suspicion d’avoir éventuellement pensé à commettre peut-être des faits possiblement délictueux… On est dans la mystification. Ce qui contraste inexplicablement avec des poursuites pour association de malfaiteurs et l’ouverture d’une information judiciaire… si ce n’est une volonté du pouvoir publique de réprimer quiconque ose le contester.
En faisant appel pour un procès dont la relaxe fait peu de doutes, quel intérêt a le parquet de s’enfoncer encore davantage dans un dossier honteux et d’engorger un peu plus les tribunaux ? Il est aberrant de constater que le personnel judiciaire est surchargé de travail mais que parallèlement le parquet se permet de mobiliser des magistrats sur des affaires sans aucun fondements.
L’article de Ouest France complet :
«Arrêtés en 2019 en amont d’une manif avec un homard géant et des parapluies, ils dénoncent le fait que le parquet fasse appel d’un non-lieu rendu par le juge cet été. « Une absurdité dans un dossier vide».
L’Histoire remonte au 14 septembre 2019. Ce jour-là, deux trentenaires, Fleur et Adrien, sont arrêtés place Mellinet vers 9 heures du matin en amont d’une manifestation mêlant gilets jaunes et rentrée sociale. «Quatre policiers cagoulés nous ont interpellés près de ma voiture» indique Fleur « et nous ont embarqué au commissariat».
«Nous dénonçons le ridicule, l’absurdité et la partialité du parquet»
On leur reproche alors d’avoir dans le coffre 80 parapluies, une banderole, de la peinture et des outils de bricolage. Tous les deux seront mis en examen au final pour «groupement en vue de commettre des violences et des dégradations sur des biens publics», poursuit Fleur. A 13 heures, le même jour, trois autres militants de gauche, Mathilde, Romain et Emilie, sont arrêtés en possession d’un homard géant de 2,50 mètres dans leur camionnette ainsi que des ballons gonflables du même crustacé. Si le homard fait référence au cas du ministre déchu François de Rugy, les parapluies font écho aux manifestants de Hong Kong pour se protéger des forces de l’ordre. Tous placés en garde à vue 48 heures, ils sont alors poursuivis en tant que témoins assistés pour Association de Malfaiteurs. «On a appris qu’une enquête préliminaire avait démarré dès le 28 août 2019 sur renseignement anonyme et qu’un trombinoscope de sept personnes, dont quatre de nous, était alors dans les mains de la police. Pourquoi ? On ne l’a jamais su. » La voiture et le camion ont été confisqués, les téléphones portables mis sous scellés, et Adrien et Fleur mis sous contrôle judiciaire avec obligation de pointer au commissariat une fois par mois, l’enquête de personnalité suivra.
Au final, «le dossier est vide, il n’y a pas matière à faire un procès», expliquent Romain et Mathilde, et un non-lieu général est prononcé le 24 août dernier par la juge d’instruction. Le parquet fait appel quelques jours plus tard. Désormais, il faut attendre que la chambre d’appel de l’instruction rédige une nouvelle ordonnance. S’il y a un second non-lieu, c’est terminé. «On est dans la mystification. Nous dénonçons le ridicule, l’absurdité et la partialité du parquet», réagit Fleur, aujourd’hui médecin et qui ne peut finir sa thèse sur le thème de l’impact psychologique de l’enfermement en centre de rétention en raison d’un avis défavorable du préfet. Cette histoire a gâché deux ans de sa vie et l’ensemble des protagonistes qui travaillent dans l’hôtellerie, le spectacle ou l’animation, en ressentent encore des effets négatifs. «On est toujours obligés de s’expliquer», confie Mathilde. «Tout le monde s’est focalisé sur le homard sans se rendre compte de ce qu’on vivait».
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.
Faites un don à Contre Attaque, chaque euro compte.