Impunité des violences policières, armement permanent des policiers, inversion médiatique

Les faits sont à la fois terribles et extrêmement troublants. Selon la version officielle, tout commence vendredi, alors qu’un policier est absent de son service. Ses collègues se rendent immédiatement chez lui, et enfoncent la porte. L’agent est décrit comme «fragile». Dans l’appartement, le corps sans vie de la conjointe du policier. Étranglée. Lui est en fuite avec l’arme à feu que lui a fourni l’État français. Cette effroyable affaire mêle de nombreuses problématiques de l’époque : violences sexistes, impunité policière, armement des forces de l’ordre et infamie médiatique. Quelques éléments que vous ne verrez pas à la télé.
Port d’arme
Comment un policier qui vient, manifestement, de commettre un assassinat peut-il partie en cavale avec avec son pistolet de service ? En 2020, dans le cadre de la «Loi de sécurité globale», le Parlement vote l’autorisation pour les policiers de se promener armés dans les établissements publics.
Dès 2015, le gouvernement avait autorisé les policiers à garder leur arme de service en dehors du travail, y compris chez eux. Une mesure aux conséquences très graves : immédiatement, il y a une augmentation des féminicides perpétrés par des agents contre leur conjointe. Et une explosion de l’usage des armes : les tirs à balles réelles par la police augmentent de 54% à partir de 2016 selon l’IGPN.
Dans la nuit du 2 au 3 février 2019, un policier de la BAC de Nantes dérangé par «des éclats de voix» dans la rue alors qu’il était chez lui sort avec son arme. Une bagarre éclate. L’agent tire sur un homme et le blesse gravement. «Il y avait consommation d’alcool de part et d’autres» selon le procureur qui classe l’affaire.
En avril 2020, à Noisy-le-Grand, en banlieue parisienne, un policier fait feu avec son arme de service sur son voisin qui «faisait du bruit», le blessant gravement. Le policier diffuse des images sur l’application Snapchat en arborant son arme dans son pantalon puis une photo du sol maculé de de sang, avec ce sous-titre : «J’ai tiré». Armement 24h/24, permis étendu de tirer : voilà les conséquences.
Impunité sexiste
Le policier recherché depuis deux jours était déjà connu pour des faits de violences sur conjointe. En 2019, il avait même fait une Garde à vue pour ces violences. Selon Le Monde «il avait été sanctionné d’un avertissement, une sanction disciplinaire parmi les plus légères de la fonction publique, dont aucune mention n’est portée dans le dossier de l’agent». Aucune poursuite sérieuse.
Il s’agit d’un problème structurel : non seulement les plaintes pour violences conjugales ou agressions sexuelles sont très mal prises en charge par la police, conduisant parfois à des féminicides, mais en plus les agents baignant dans un univers violent et virilistes peuvent commettre eux-mêmes des violences sexistes.
Un livre intitulé «Silence on cogne» compile des témoignages accablants de femmes de policiers ou de gendarmes racontant leur calvaire, et l’impunité de leurs maris. Le tueur parisien en est une nouvelle illustration.
Les médias au chevet de l’assassin
Scène surréaliste sur BFM TV : un syndicaliste policier passe en direct à l’antenne pour «demander à ce collègue de se manifester très rapidement», il déclare : «on va tous trouver une solution ensemble, qu’il ne se sente pas seul et qu’il ne commette pas l’irréparable». Absolument rien ne va dans cette déclaration. On n’interroge pas de spécialistes de ces questions, ni d’enquêteur, ni de féministes, mais un «collègue» du tueur qui s’adresse à lui avec gentillesse. «On va trouver une solution ensemble». Laquelle ?
Plus hallucinant, lorsque ce policier dit qu’il ne faut pas «commettre l’irréparable», cela veut-il dire que tuer une femme n’est pas un acte «irréparable» ? Ce traitement abject s’inscrit dans un climat global où, quoiqu’ils fassent, les policiers seront de toute façon considérés comme des victimes. Et leurs victimes comme des coupables. Par exemple, BFM insinue que la femme tuée était elle-même violente, parle de «différend» et dit que le policier tueur aurait eu «le visage tuméfié». Un agent armé en fuite accusé de meurtre reste donc le «gentil».
Le policier a-t-il pris la fuite en train ?
Depuis le 1er janvier, le gouvernement offre le train gratuit aux policiers qui portent leur arme. Dans l’avalanche de cadeaux hallucinants offerts à la profession, il y a les voyages gratuits : un partenariat gagnant/gagnant selon Gérald Darmanin qui permettrait de «sécuriser les trains et faciliter la vie de nos policiers». Coût de la mesure : 100 millions d’euros par an, selon Le Canard Enchaîné. Des milliers de Sig Sauer vont donc se promener dans les wagons. Dont, peut-être, celui du policier recherché.
Nous sommes en France, en 2022, et ce féminicide est un aperçu de la noirceur de l’époque
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