«Que les pauvres aient le sentiment de leur impuissance, voilà une condition première de la paix sociale»
Maurice Barrès
En 2021, Emmanuel Macron créait France Mémoire, une institution indépendante de l’État qui faisait suite à la délégation aux Commémorations nationales, jusqu’ici rattachée au ministère de la Culture. France Mémoire propose chaque année des anniversaires susceptibles d’être célébrés l’année suivante, un service de «Commémorations nationales».
Il s’agit de commémorations choisies, d’une mémoire sélective. Par exemple, en 2021, le journal Le Monde écrivait «s’il a commémoré Napoléon cette année, Emmanuel Macron n’a ainsi pas souhaité honorer la Commune de Paris». C’est tout un imaginaire historique décidé par le pouvoir politique.
Pour l’année prochaine, France Mémoire propose de commémorer l’écrivain Maurice Barrès. Une figure importante du nationalisme et de l’antisémitisme. Et même l’un des fondateurs d’une forme de fascisme français : dès la fin du 19ème siècle, Maurice Barrès menait une campagne politique pour un «socialisme national».
Barrès était évidemment dans le camp anti-Dreyfusard, contre ce militaire juif accusé à tort de «complot». Il écrivait : «Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race». Un autre antisémite forcené de cette époque, Édouard Drumont, invite l’écrivain à arbitrer un concours sur «sur les moyens pratiques d’arriver à l’anéantissement de la puissance juive en France» ? Maurice Barrès accepte.
L’écrivain nationaliste est xénophobe, obsédé par la «revanche» contre l’Allemagne. Il fait partie des personnalités qui endoctrinent les esprits avant la guerre qui éclate en 1914 et provoque des millions de morts. Pendant le conflit, Barrès est bien planqué à l’arrière, loin des bombes, mais il met toute son énergie dans la propagande de guerre, en exaltant les combats par de grands discours enflammés.
Barrès est aussi un ennemi de l’égalité sociale. Il écrit cette phrase d’un cynisme absolu que Macron pourrait faire sienne aujourd’hui : «Que les pauvres aient le sentiment de leur impuissance, voilà une condition première de la paix sociale».
En résumé, un structure pour la mémoire créée par Macron veut commémorer un écrivain d’extrême droite. Interrogé par Libération, France Mémoire prétend qu’il s’agit d’«éclairer sur l’influence de l’époque» et que «commémorer n’est pas célébrer». Pourtant, à la même époque que Barrès, les combats sociaux étaient nombreux, le syndicalisme naissait de façon très combative, le mouvement anarchiste était très actif. S’il ne s’agit que «d’éclairer l’époque», pourquoi aucune figure liée à ces courants n’est commémorée ?
En réalité, il s’agit d’un clin d’œil supplémentaire de Macron à l’extrême droite. Dans la lignée de sa déclaration sur Pétain comme «grand soldat», de la déclaration selon laquelle il «manque un roi» en France, de son soutien à Zemmour, de son hommage à Maurras, autre figure antisémite…
Macron a même nommé un Ministre de l’Intérieur issu des rangs de l’Action Française : Gérald Darmanin, chef de la police, a milité aux côté de ce groupuscule royaliste et nationaliste par le passé. En 2021, Darmanin publiait un livre sur le «séparatisme islamiste». Dans ce court texte, un passage ouvertement antisémite dans lequel les juifs sont décrits comme des «usuriers» qui causent des «troubles et des réclamations» est repris par le ministre.
Patricia Mirallès, la nouvelle secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la Mémoire, a participé à un rassemblement où l’on chantait un hymne pro-Algérie française. Et il ne s’agit là que de quelques exemples parmi d’autres que nous avions recensé ici.
Après Maurras, Pétain, Barrès, où ira le prochain hommage Macroniste ? Maurice Papon ? Jacques Doriot ? La Milice ? Le général Aussaresses ? Le sommet de l’État français semble imprégné par une vision du monde réactionnaire. L’alliance de Macron avec le RN n’est pas un concours de circonstances ni un calcul politique. Il s’agit, de façon de plus en plus évidente, d’une adhésion idéologique à l’extrême droite. Le pouvoir voudrait imposer sa mémoire, celle des oppresseurs et des tyrans, faisons vivre la notre, celle des résistances d’hier et d’aujourd’hui.
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