Enquête sur l’empire de la sous-traitance Derichebourg
Derichebourg. S’il fallait inventer le nom d’un patron exploiteur et véreux dans un roman, ce serait peut-être celui là. De-riche-bourg. C’est le nom d’une grande entreprise privée, fondée par Daniel Derichebourg, classé 410ème fortune française, avec 210 millions d’euros hors biens immobiliers et personnels. Il s’est enrichi en exploitant des travailleurs précaires, dans le domaine du nettoyage, de l’industrie ou de l’énergie. Un véritable petit empire, qui a permis au grand patron d’acheter le Château de Crémat à Nice et de placer ses deux fils à la tête de la boite familiale.
À Paris, ces dernières nuits, un prestataire privé a ramassé les poubelles dans des arrondissements touchés par la grève des éboueurs. Qui sont les briseurs de grève ? L’entreprise Derichebourg, envoyé par la mairie de Paris pour collecter les déchets. La pratique est illégale en droit, et abjecte moralement : utiliser de la main d’œuvre précaire pour annuler les effets d’une grève, et mettre à genoux les salariés en lutte. D’autant plus que Derichebourg est connu pour son management toxique.
En 2018, Adama Cissé nettoyeur pour Derichebourg depuis 8 ans est pris en photo alors qu’il fait une sieste pendant sa pause. Il fait partie de ces milliers d’anonymes qui nettoient les rues, arpentent la ville avant l’aube ou tard le soir. Ceux qui remplissent des fonctions invisibles mais indispensables. Il a mal au pied, est fatigué, s’allonge un instant pour reprendre des forces. La photo est diffusée sur Twitter par une raciste notoire.
La personne accompagne la photo du commentaire : «voilà à quoi servent les impôts locaux, à payer des agents de propreté à roupiller». Délation et violence de classe teintée de racisme. En quelques heures, plutôt que de défendre son salarié, l’entreprise Derichebourg vire sans préavis ni avertissement le père de famille.
Juillet 2020 : l’entreprise Derichebourg profite de la crise sanitaire pour faire du chantage à ses employés. Elle utilise une mesure appelée «accord de performance collective», votée par le gouvernement Macron, qui permet d’imposer aux salariés une baisse des salaires, de supprimer des RTT ou de les obliger à accepter une «amplitude horaire plus importante»… le tout pour «éviter» les licenciements en cas de «difficulté économique». Du chantage pur et simple : vous acceptez des conditions indignes sinon on vous vire. Cette mesure est alors utilisée dans l’entreprise Derichebourg. La direction négocie alors avec les syndicats une vague de licenciements de 700 travailleurs, à moins que… les salariés acceptent de renoncer à différentes indemnités, et entrent dans le cadre des accords de performance collective.
2022 : Derichebourg emploie plusieurs dizaines de travailleurs sans-papiers comme sous-traitants dans des centres de tris postaux et à Chronopost. En clair, le service public qui a été démantelé est confié à des sous-traitants privés, qui exploitent une main d’œuvre marginalisée pour en tirer le maximum de profit. Les travailleurs sans-papiers vont lutter pendant des mois pour faire reconnaître leurs droits. Ils ont été recrutés par l’agence d’Intérim Derichebourg, qui ne les reconnaît pas, malgré un rapport de l’inspection du travail.
Et ce ne sont que quelques exemples des méfaits de Derichebourg, entreprise tentaculaire et prédatrice à qui les collectivités ont délégué des services publics. C’est donc le cas à Paris, où une partie de la gestion des déchets est déjà privatisée, et où Derichebourg est utilisée pour briser la grève. Soulignons l’ignoble duplicité des mairies PS. À Paris, Hidalgo fait semblant de s’opposer à la réforme des retraites mais sabote la grève des éboueurs. À Rennes, Appéré expulse la maison du peuple. À Nantes, Rolland déploie toujours plus de flics pour écraser les contestations. Le PS aurait dû disparaître, mais il a été ranimé par la NUPES. Il n’est pas trop tard.
Quant au siège de Derichebourg, il se situe au 119 avenue du Général Michel Bizot, dans le 12ème arrondissement de Paris.