Nantes, 18 mars : la folle journée


«Joyeux 49-3»


France, Saint-Herblain – 2023-03-18. Demonstrators opposed to the pension reform and wanting to denounce the application of article 49-3 by the government, have carried out a blocking operation on the Armor roundabout in Saint-Herblain, west of Nantes. This roundabout serves the Nantes ring road as well as the Atlantis shopping centre. Photo by Estelle Ruiz/Hans Lucas. France, Saint-Herblain – 2023-03-18. Des manifestants opposés à la réforme des retraites et voulant dénoncer l’application de l’article

France, Saint-Herblain – 2023-03-18. Demonstrators opposed to the pension reform and wishing to denounce the application of article 49-3 by the government, carried out a blocking operation on the Armor roundabout in Saint-Herblain, west of Nantes. Demonstrators briefly occupied the ring road. Photo by Estelle Ruiz/Hans Lucas. France, Saint-Herblain – 2023-03-18. Des manifestants opposés à la réforme des retraites et voulant dénoncer l’application de l’article 49-3 par le gouvernement, ont mené une opé

Ce samedi 18 mars, conclusion d’une semaine haute en couleurs sur le front de la révolte. C’est aussi le jour anniversaire du début de la Commune de Paris, une belle journée pour un soulèvement. Une folle journée. Récit :

À 10h, première action au rond-point de la porte d’Armor. Situé à l’Ouest de Nantes, il se situe à l’entrée du plus grand centre commercial de la région, à l’entrée de la ville et à l’intersection des routes menant aux villes voisines et du périphérique. C’est sans doute l’un des points les plus stratégiques de cette partie de la France. Malheureusement, deux compagnies de CRS sont déjà sur place lorsque 300 personnes arrivent sur le rond-point pour ralentir les différentes entrées et provoquer des kilomètres de bouchons. Une incursion sur le périphérique provoque une intervention de la CRS 8, qui a visiblement la matraque qui démange. Lorsque des pneus sont amenés sur la route, une compagnie débarque pour les encercler, fusil d’assaut en main. Le blocage se poursuit par une petite manif sauvage sur la zone commerciale, qui fait courir les forces de l’ordre, provoque une bousculade avec les agents de sécurité et vide la galerie de ses clients. À charge de revanche.

Deuxième round à 14h. Une manifestation a été appelée la veille au soir, après une semaine déjà chargée : ça n’était pas gagné. Pourtant, 15.000 personnes vont se retrouver. Il y a de l’envie. Le cortège, familial, démarre très tranquillement. Il est pourtant gazé dès le cours des 50 Otages, alors qu’il ne se passe pourtant rien. C’est désormais le tarif de base des manifs nantaises.

Après le petit tour classique, le parcours officiel termine à Gloriette. Mais la police envoie des déluges de gaz et charge le cortège syndical. Une provocation d’autant plus stupide que c’était le point d’arrivée annoncé. Le chef de l’UNSA est blessé dans la confusion, et la CFDT s’insurge dans la presse : «On n’a jamais vu ça. C’est hallucinant. D’autant qu’on fait tout pour que ces manifestations se passent bien.» Décidément, la collaboration avec la préfecture est mal récompensée. Ce grand n’importe quoi, provoqué par une répression aveugle, entraîne un deuxième tour inattendu. La vraie manifestation commence… et la journée devient folle.

Des milliers de personnes sont repoussées par les gaz vers les places commerçantes. Les mêmes zones très fréquentées qui, d’habitude, sont totalement bloquées par les forces de l’ordre. La police déclenche une guérilla chimique dans tout le centre ville. Syndicalistes, passant-es, cortège de tête, manifestant-es ou non, tout le monde est gazé. Entre deux charges, on peut lire en vert sur la façade d’un fleuriste : «Joyeux 49.3».

Pendant plusieurs heures, la ville est sillonnée par plusieurs cortèges qui vont sur les places importantes, allument des barricades, désorientent la répression. Le commissariat est entièrement recouvert de tags, et un feu prend contre la façade. Place Royale, une fanfare reprend les rythmes des slogans chantés. Un début de barricade est monté rue Crébillon. Le McDonalds de commerce reçoit de la peinture. La foule se disperse, se regroupe, la situation n’est plus contrôlable. Surtout que les rues sont pleines de client-es un samedi après-midi.

À la croisée des trams, une barricade de plusieurs dizaines de mètres est montée : des flammes, de la bonne ambiance. Un verrou a sauté : le sentiment d’étouffement entretenu par les autorités locales a enfin disparu suite à la manifestation nocturne de jeudi soir, la nuit des barricades suite au 49.3. Maintenant, plus question de se limiter aux parcours déprimants : la ville est à nous !

Vers 17h30, une voiture de police banalisée fonce dans la barricade, manquant de renverser les personnes présentes. Les charges ne dispersent rien. Jusqu’au soir, des flammes sont aperçues devant la préfecture et près de la mairie, et dans les petites rues de Bouffay. Il y a même un groupe très mobile derrière la Place Graslin. Il y a peu d’affrontements directs, mais des dizaines de petits gestes d’insoumission et de désobéissance, ce qui est tout aussi efficace.

Désorienté, le lourd dispositif continue à gazer partout. Une femme âgée est matraquée devant la préfecture par des CRS visiblement à bout de nerfs. Plusieurs personnes sont arrêtées, dont des lycéens mineurs. Les flics sont hués depuis les terrasses de bars. La nuit tombe quand les dernières grenades sont tirées, après plusieurs heures d’une révolte insaisissable et réjouissante.


La semaine fut agitée, mais ce n’est qu’un début : dès lundi, une multiplication de blocages, de manifestations et d’actions sont prévus. Restez en forme !


Images : Oli Mouazan, James C., Estelle Ruiz, CA

Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux