L’opération de manipulation, digne d’une dictature poussiéreuse, fait froid dans le dos. Ce dimanche, différents médias répètent que le jeune Souleyman, qui avait été agressé par la BRAV fin mars est de nouveau arrêté. Souleyman avait été frappé, victime d’insultes racistes, menacé de se faire «casser les jambes» et palpé aux parties génitales par des policiers lors d’une manifestation. Un enregistrement de cette agression avait été diffusé et Souleyman avait dénoncé publiquement les agissements de la BRAV, mettant la police en difficulté.
Ce week-end, BFM TV, canal de propagande du pouvoir, affichait ceci : «L’homme qui a dénoncé la BRAV arrêté» et ajoutait en bandeau toute l’après-midi : «Il a tenté de mettre le feu selon des sources concordantes», lors d’une manifestation parisienne vendredi. Sous-entendu : «Vous voyez, cette personne qui dénonce la police était en fait un dangereux casseur».
Il y a deux semaines, BFM justifiait le fait que des manifestants soient dans le coma après avoir reçu des grenades à Sainte-Soline parce qu’ils étaient «fichés S». Le régime voudrait rendre acceptable de tuer les opposants car fichés. Ce dimanche, la chaîne est allée encore plus loin. Subir des violences policières est rendu légitime a posteriori par une arrestation ultérieure. C’est totalitaire.
BFM titre qu’il «avait dénoncé la BRAV». En réalité, Souleyman a produit des preuves audio incontestables des sévices subis. Même face aux faits les plus objectifs, ces chiens de garde prendront toujours la parole policière comme une vérité absolue et celle de leurs victimes comme un mensonge a priori.
Dans cette meute Le Figaro, insistant sur ses origines Tchadiennes, écrivait ce dimanche que Souleyman et deux autres personnes «ont informé les policiers en civil – qu’ils ont pris pour d’autres fauteurs de troubles -, qu’ils voulaient mettre le feu à des poubelles». Scénario grotesque, écrit directement par les autorités.
Sur BFM, un syndicaliste policier au visage porcin assène : «Une arrestation une fois ça peut être du hasard. Il avait dit que c’était la personne innocente même. Là, le 14 avril, ça fait la deuxième fois, donc ça devient une habitude. C’est plus un hasard.» On a compris. Tous les éléments de langage ont été préparés. Il faut salir Souleyman par tous les moyens, alors qu’il est en cellule et qu’il ne peut pas se défendre. Son visage apparaît sur des millions d’écrans. C’est une vengeance d’État.
Souleyman, comme les milliers de personnes frappées, arrêtées ou blessées ces derniers mois par la police, aurait toutes les raisons du monde de se révolter. Et un feu est bien peu comparé à la brutalité inouïe qui nous est imposée. Mais ce n’est même pas le cas.
À 20h ce dimanche soir, l’avocat du jeune homme annonce qu’il est libre, après 48h en cellule pour rien : «Les policiers avaient menti. La préfecture avait menti. Les policiers ont-il provoqué et participé à des incendies ? Est-ce une pratique courante sur instruction de la préfecture. Les vidéos parleront. À suivre»
Peu après, Médiapart révèle que des agents provocateurs ont incité Souleyman à «brûler des trucs» avant de l’arrêter. Les images montrées en garde à vue ont d’ailleurs été filmées de très près, dans la manifestation, par des agents infiltrés. Il s’agit d’une opération de barbouze. Approcher une victime de la répression pour l’inculper et la salir dans les médias aux ordres.
Cela veut dire que Souleyman a été pris en filature, que le commandement a validé l’opération, que des agents provocateurs ont été envoyés pour l’inciter à passer à l’acte puis l’arrêter. Et que toute la communication était déjà prête à destination des médias. C’est une affaire d’État.
Ce dimanche soir, Souleyman enfin libre précise qu’un de ses compagnons de cellule n’est toujours pas sorti : «des policiers en civils (en mode manifestants) l’ont incité à mettre du feu dans une poubelle et ils l’ont filmé. J’ai passé 48h avec lui en GAV, il est absolument innocent car c’est les policiers qui lui ont demandé de mettre du feu avec eux. Il est déféré au tribunal, il va être jugé demain». Il appelle à le soutenir, victime comme lui d’une opération de barbouze abjecte.