Un éditeur arrêté en Angleterre pour sa participation aux manifestations en France


Fuite en avant autoritaire et coopération policière internationale


Des bobbies, de dos en gilet fluo : la police anglaise qui a arrêté un éditeur pour sa participation au mouvement social en France.

À l’occasion d’un déplacement à une la foire du livre à Londres, Ernest, un représentant de la maison d’édition La Fabrique, a été arrêté arbitrairement ce lundi 17 avril.

À son arrivée à la gare de St Pancras, le responsable des droits étrangers aux éditions La Fabrique est interpellé par la police britannique et détenu sans avocat pour être interrogé en vertu de l’alinéa 7 de la loi antiterroriste, suspecté donc de vouloir commettre des actes terroristes.

Le motif de cette accusation de «terrorisme» ? Sa participation à des manifestations contre la réforme des retraites en France. Son ordinateur et son téléphone sont saisis pour être expertisés et fouillés. Ernest refuse de divulguer ses codes d’accès, il est alors accusé d’obstruction.

Par un communiqué du 18 avril, la maison d’édition s’insurge contre ces agissements qui représentent «des violations scandaleuses et injustifiables de la liberté d’expression et comme un nouvel exemple de l’arbitraire des lois antiterroristes. Attenter ainsi aux libertés d’une maison d’édition nous parait constituer un élément supplémentaire de l’escalade autoritaire du gouvernement français face au mécontentement populaire et aux mobilisations de masse. Nous appelons toutes les organisations et individualités attachées aux principes démocratiques à exprimer leur soutien avec force et clarté et à dénoncer ces mesures répressives».

Durant son interrogatoire, l’éditeur fut questionné par les enquêteurs sur sa participation aux manifestations, son point de vue sur le gouvernement ou encore sur son ressenti vis-à-vis de la gestion de la crise Covid… Il lui a également été demandé de «nommer les auteurs “antigouvernementaux” du catalogue des éditions La Fabrique» !

Une arrestation qui s’inscrit donc dans une «logique de censure politique et de répression des courants d’idée contestataires» déclare La Fabrique. L’initiative de cette arrestation vient manifestement des autorités françaises, qui ont communiqué des informations sur Ernest aux services anglais.

Après 24h de garde à vue, l’éditeur est relâché mais des investigations sont toujours en cours. Les autorités britanniques ont donc saisi son ordinateur et téléphone, et lui ont signifié qu’il encourt trois mois de prison s’il persiste dans le refus de fournir les codes d’accès. Il est convoqué dans 4 semaines devant la cellule antiterroriste britannique.

Dans un second communiqué de la maison d’édition, celle-ci «exige l’arrêt de toutes les procédures et poursuites à l’encontre de son responsable […]» et considère cette arrestation comme «un élément supplémentaire de l’escalade autoritaire du gouvernement français face au mécontentement populaire et aux mobilisations de masse».

Cette affaire, particulièrement inquiétante pour la liberté d’expression, révèle une fois de plus l’autoritarisme du régime français et la collaboration du Royaume-Uni dans la répression des opposant-es politique à la Macronie. Maison d’édition indépendante et engagée, La Fabrique publie des ouvrages et essais politiques qui traitent de nombreux sujets essentiels tels que l’antiracisme, le féminisme, l’écologie, l’histoire des luttes, la géopolitique, les arts et la littérature, etc.

«Cette affaire marque un précédent pour toute personne qui exerce un travail intellectuel et dont la production peut être jugée gênante par le pouvoir» souligne la maison d’édition. C’est une nouvelle étape franchie vers le fascisme.

Cette affaire illustre la coopération accrue des États européens en matière de répression. L’été 2019, un allemand travaillant en France, Luke S. est expulsé une première fois vers l’Allemagne quinze jours avant le début du G7 qui devait avoir lieu à Biarritz, sur des bases de fichage politique. L’expulsion est déclarée illégale par la justice. De retour sur le territoire français, le ministère de l’intérieur avait pris un deuxième arrêté, Luke S. est placé en centre de rétention et expulsé une deuxième fois.

Avant ce même G7, trois jeunes allemands sont contrôlés dans le Sud-Ouest de la France. Ils ont 18 à 22 ans et possèdent dans leur voiture de la «littérature d’extrême gauche». Ils disent être en route vers des vacances en Espagne, mais l’État français les suspecte de vouloir se rendre au G7. Ils sont séparés et incarcérés dans trois prisons différentes. Leur famille n’ont pas de nouvelles pendant des jours. Ces opérations sont clairement menées par des polices politiques des deux pays.

Le 24 mars 2023, juste avant la manifestation de Sainte-Soline, un jeune suisse sort d’une conférence sur l’eau à Melle. Il est intercepté et les autorités prennent à son égard une «interdiction administrative du territoire français pour cause de menace à la sécurité nationale». Il passe 24 heures en cellule à la gendarmerie, puis quatre nuits dans un Centre de rétention administrative avant d’être expulsé en Suisse par avion, menotté. Les polices européennes se partagent des informations sur les militant-es, procèdent à des surveillances coordonnées, des arrestations ciblées, ou à des expulsions d’un pays à l’autre.

Soutien à Ernest et à la maison d’édition La Fabrique, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui se défendent face au retour des régimes autoritaires en Europe ou ailleurs.

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