25 millions d’euros pour poser des cercueils et enlever des arbres au cœur de Nantes


Analyse d’une projet urbain anti-écologique, hideux et répressif


Depuis 4 ans, le cœur de Nantes est couvert de grilles de chantiers dans le cadre d’un grand projet de «réaménagement» du secteur de la Place du Commerce. L’épicentre de tous les flux de transports et de piétons. 4 ans de travaux donc, 25,5 millions d’euros, 2,7 hectares transformés, 17 entreprises mobilisées…

Tout ça pour poser des cercueils noirs sur une grande dalle de roche grise ! Les résultats viennent d’être dévoilés. Il s’agit de «bassins» en forme de tombeaux, posés sur toute la zone. Ce symbole de mort dans tout le centre de Nantes pour quoi ? Illustrer l’effondrement écologique ? Dénoncer les mégabassines ?

Le projet incarne exactement tout ce qu’il ne faut pas faire dans une ville. En 2019, la plupart des arbres qui entouraient la croisée des trams ont été abattus. 70 platanes en moins dans cette zone très passante, disparus, et tous les magnolias coupés pour y implanter un magasin. Un fleuriste transformé en entrée de parking en forme de bloc anguleux et métallique. Le résultat : une vaste esplanade rocheuse, glissante sous la pluie, caniculaire au soleil. La mairie “sociale-écologiste” de Nantes va exactement à l’inverse du bon sens pour prévenir les canicules à venir et garder la ville vivable. Le résultat était déjà catastrophique l’été 2022 : une succession d’épisodes caniculaires ont rendu cette zone sans ombre tout simplement infernale.

«Avec ses nouveaux arbres, ses plantations et ses fontaines, l’espace Feydeau-Commerce offrira un bel îlot de fraîcheur au cœur de l’été», osait déclarer l’adjoint à «l’urbanisme durable» lorsqu’il présentait le projet ! Alors que la mairie a littéralement remplacé des allées d’arbres par une esplanade minérale. Et ce ne sont pas les quelques arbustes chétifs posés ça et là qui changent quoi que ce soit.

Rien pour se poser, à part des blocs à raz du sol, qu’on devine être des bancs. Rien pour s’abriter. Tout est hostile. C’est un lieu de passage qu’on a juste envie de fuir. Un endroit profondément inhospitalier. Les gens qui ont imaginé cet aménagement doivent détester Nantes et les nantais. À part pour mettre des caméras et des flics partout, on se demande quelle est l’idée… Que les commerçants ne viennent pas pleurnicher dans la presse qu’ils perdent des clients !

L’urbaniste jacqueline Osty, qui a imaginé cette horreur, parle d’un «espace unifié et cohérent où seuls les piétons, les vélos et le tramway circulent». Mais ce n’est même pas le cas. Il y a des tranchées et des trottoirs ton sur ton partout, peu visibles et dangereux, tant pour les vélos que pour les personnes à mobilité réduite.

En réalité, il s’agit d’abord d’un urbanisme de la surveillance. La police adore ces esplanades sans arbres, sans recoins. Les caméras de la mairie peuvent ainsi surveiller toute la zone, les forces de l’ordre quadriller tout l’espace. Et en cas de manifestation, c’est un champ de tir, extrêmement favorable pour réprimer, blesser ou arrêter. La mairie ne s’en cache même pas dans Ouest-France : «l’espace rendu aux piétons, est aussi plus “transparent”, sans recoin, dans le but lutter contre l’insécurité, la délinquance et les trafics».

Ce projet sans âme s’inscrit dans un aménagement bien plus vaste intitulé «de la gare à la Loire». Il s’agit de transformer tout le centre de Nantes en esplanade vide et minérale. Le parvis de la gare a déjà été terminé à coups de dizaines de millions. Le «miroir d’eau» est une vaste zone vide devant le château, truffée de caméras, idéale pour surveiller les manifestations. Maintenant les travaux de Commerce se terminent. Viendra le tour de Gloriette, où se tient un marché populaire tous les samedis. La mairie veut «renforcer l’attractivité commerciale de la zone». C’est aussi l’endroit du square Daviais, l’un des derniers encore intacts du centre-ville. On peut s’attendre au pire.

Cette ville, qui fut si belle autrefois, a été triplement défigurée depuis 100 ans. D’abord par les comblements du fleuve : Nantes, archipel au milieu de la Loire, traversée de canaux, de ponts et de bateaux, avec des quais partout, est devenue une ville banale, traversée par de grandes avenues en béton qui ont remplacé le passage de l’eau.

Ensuite, par les bombardements durant la seconde guerre mondiale, des rues remplacées par une architecture géométrique et des aménageurs qui ont profité de l’occasion pour détruire les habitats populaires. Et enfin, depuis 20 ans, l’aménagement infâme de la mairie socialiste : laid, répressif et au service des riches. Une calamité de plus.

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