«Les démissions au sein de la police nationale et de la gendarmerie atteignent des niveaux record». Au premier abord, on est tenté de se dire qu’il y a de plus en plus de gens qui quittent les rangs forces de l’ordre, et que c’est tant mieux. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Pas forcement. Pour trois raisons.
Reconversions dans le privé
La plupart des policiers n’ont pas de compétences particulières en-dehors de la répression. Lorsqu’ils quittent le métier, beaucoup partent faire la même chose, mais dans le privé. Une fois dans la nature, les «reconversions» de flics dans des services de sécurité para-étatiques explosent. L’exemple le plus célèbre, c’est Bernard Squarcini : il a été à la tête des services de renseignement sous Sarkozy avant de monter sa propre entreprise de surveillance. Il a ainsi bossé pour le milliardaire Bernard Arnault, tout en conservant ses anciens réseaux policiers. Et ce n’est qu’un cas célèbre parmi de nombreux autres moins connus, qui partent dans la sécurité privée, en gardant leurs pratiques policières et leurs liens dans la «maison».
D’ailleurs la loi de sécurité globale votée en 2021 organisait cette privatisation de la police, en déléguant aux agents privés de sécurité des pouvoirs réservés à la police judiciaire. Les vigiles d’entreprises privées peuvent notamment contrôler les identités, verbaliser, et même priver de liberté une personne contrôlée.
Un niveau toujours plus bas
Autre effet pervers : l’État continue de recruter massivement chez les forces de l’ordre. Macron ne cesse d’annoncer des créations de postes cher les gendarmes et les policiers. S’il y a des démissions et moins de candidats pour plus de postes, le niveau baisse. C’est mathématique : plus de départ = toujours moins d’exigences.
Le journal Le Parisien évoquait déjà le problème dans un article de 2020, citant des policiers formateurs eux-mêmes inquiets : «Près de dix fois plus de postes ont été ouverts pour un nombre de postulants sensiblement égal […] Les grilles d’évaluation ont été revues à la baisse ces dernières années pour éviter les notes éliminatoires […] Lors de leurs examens, les policiers peuvent désormais oublier une signature ou la date sur un procès-verbal et ne perdre que quelques points. Pourtant, c’est une erreur qui entraîne la nullité d’une procédure. Ce nivellement par le bas se répercute directement sur le terrain en Île-de-France, ceux qui arrivent dans les commissariats franciliens sont généralement dans les derniers de leur promotion».
Un formateur ajoute : «Il y a encore cinq ou six ans, on n’aurait pas pris en dessous de 9/20, depuis deux ans on descend à 7 ou 8/20, assure un autre formateur. 12 c’est déjà très moyen, alors 7… C’est du niveau collège». À propos de l’écriture et du langage : «Quelquefois on est à la limite du phonétique. Une part des stagiaires ne sait pas s’exprimer clairement. Ils perdent facilement leurs moyens et deviennent agressifs dans une discussion car ils n’ont pas le langage suffisant pour argumenter.» Le phénomène va donc s’aggraver encore. Et ces gens sont lourdement armés !
Des volontaires zélés dans la police
Dernier motif d’inquiétude : un basculement dans le grand n’importe quoi, avec des «volontaires» chargés d’appuyer la police. BFM diffusait un reportage fin avril 2023 sur ces citoyens volontaires qui «suivent une formation accélérée pour devenir policiers réservistes». On imagine les idées des personnes qui postulent par les temps qui courent… Quelques jours d’entraînement, une ou deux séance de tirs et c’est gagné ! L’État donne des flingues et un uniforme à ces gens, qu’on envoie directement dans la rue pour compenser les effectifs manquant.
La vague de «démissions» dans la police ne signifie donc pas la baisse du nombre d’agents et encore moins une diminution de la répression. En additionnant les 30.000 policiers municipaux aux 150.000 fonctionnaires de la police nationale et aux 170.000 employés des sociétés privées de sécurité, l’État dispose d’environ 350.000 membres dans les forces de maintien de l’ordre et de sécurité intérieure, sans compter les 99.000 membres de la gendarmerie nationale. Grâce à la loi «sécurité globale», l’État a ainsi à sa disposition au quotidien, pas loin d’un demi million d’agents de sécurité, soit un agent de l’ordre pour 150 habitants. Et les recrutements continuent d’augmenter.
L’Allemagne de l’Est, régime policier par excellence qui fichait l’intégralité de sa population, comptait 91.000 agents pour 17 millions d’habitants en 1989. Un ratio inférieur !
La France devient, de loin, le pays le plus sécuritaire et policier d’Europe, démissions ou pas.