Traceurs, caméras cachées : espionnage de masse contre les luttes sociales et écologistes


De nouvelles révélations sur la surveillance des militant-es anti-bassines : mêmes les cantines sont espionnées


Un homme muni d'un casque pour écouter des conversation : le symbole de la barbouze en flagrant délit d'espionnage

Médiapart révèle «l’offensive d’espionnage inédite» à l’encontre des opposant-e-s aux mégabassines. Des boîtiers GPS espions ont été retrouvés sur des véhicules et des caméras de surveillance dissimulées devant des lieux de réunions ont été identifiées.

En janvier dernier, Julien Leguet, militant contre les projets d’accaparement de l’eau, avait découvert une balise GPS bien planquée sous son véhicule, quelques mois après la découverte d’une caméra de surveillance et d’un relais radio utilisés pour la surveillance militaire devant sa maison. La préfecture assumait alors cette surveillance, sans en définir le cadre légal, en estimant que «les antécédents de violence de Bassines non merci justifient une surveillance pour prévenir des troubles graves et généralisés aux biens, voire aux personnes». En octobre dernier, deux caméras avaient également été identifiées sur des poteaux électriques face à l’entrée de deux lieux de réunion connus. En février, des militant-es découvrent une caméra placée dans une camionnette, positionnée là encore devant un lieu de réunion.

En mars dernier, quelques jours avant la manifestation à Sainte-Soline, ce sont deux personnes qui approvisionnent les cantines du mouvement contre les mégabassines qui découvrent des balises GPS fixées sur leurs voitures respectives. «Ce sont des voitures qui servent à transporter de la nourriture, du raisin, du jus de pomme, des produits paysans, pour les cantines du mouvement» explique l’une d’elle, «Comment on peut faire une surveillance militaire sur des cantinières ?» s’indigne l’une des personnes surveillées.

Il s’agit pourtant d’une surveillance totalement opaque. Contactés par Médiapart, «ni le ministère de l’intérieur ni la gendarmerie n’ont commenté la mise au jour de ces dispositifs de surveillance». Le procureur de Niort nie également avoir été au courant de telles procédures d’espionnage. Me Pierre Huriet, avocat de Julien Leguet, déplore l’opacité totale de tels dispositifs de surveillance : «On ne connaît pas de procédure ouverte qui ait pu servir de support à ces surveillances. Si c’est une information judiciaire, elle est secrète, et tant que personne n’est mis en examen, on n’en sait rien». Ces procédures qui menacent le respect de la vie privée et de la liberté d’aller et venir, se doivent pourtant d’être supervisées par un-e juge des libertés et de la détention ou bien contrôlée par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Nous ne disposons à ce jour d’aucune information sur les procédures qui justifient ces dispositifs de surveillance et le contrôle de la légalité de ceux-ci. Le journal La Lettre A évoque un « débat » entre Matignon et le ministère de l’intérieur : le cabinet de Borne aurait refusé, après l’avis négatif de la CNCTR, certaines surveillances jugées «insuffisamment fondée». Une «opposition entre les deux institutions» notamment sur la question des «demandes de sonorisation d’un lieu privé, de captation d’images ou d’aspiration des données d’un appareil électronique». Mais cela ne concerne que 1% des demandes selon le journal. Autant dire, rien. Quasiment toutes les barbouzeries gravissimes sont validées de bas en haut de l’État français.

Les deux cantinières visées par ces procédures de surveillance avaient l’intention d’informer publiquement de cette surveillance, dans le cadre d’un événement militant à Poitiers le 2 juin. Le préfet de la Vienne s’est empressé d’interdire ce rassemblement au motif qu’il représentait des risques de troubles à l’ordre public. Cela n’a pas empêché la colère de s’exprimer dans les rues de Poitiers où environ 250 personnes ont déambulé, flambeaux à la main, contre les projets d’accaparement de l’eau.

Trois mois après la violente répression de la manifestation de Sainte-Soline et l’annonce de dissolution des Soulèvements de la terre dans la foulée (toujours au point mort), la peur de l’État vis-à-vis des mouvements écologistes ne faiblit pas, à en croire les moyens de surveillance et de fichage déployés à l’encontre des militant-es. Si l’État est prêt à engager des moyens de surveillance digne d’un film d’espionnage à l’encontre de deux cantinières, il faut s’attendre à ce que ce type de dispositif soit utilisé à l’encontre de centaines d’autres militant-es.

La Lettre A évoque une explosion de la surveillance : «La proportion de personnes surveillées en France au titre de “la prévention des violences collectives”, qui intègre les activistes écologistes » est passée de 2100 individus en 2018 à plus de 3 500 aujourd’hui. Un quasi doublement depuis les Gilets Jaunes. On parle de plus de 3000 personnes surveillées à un instant T, mais le journal évoque «23000 cibles» ! Autant dire tout ce que la France compte de personnes engagées contre le climat et le capitalisme au sens large.

D’ailleurs, que ce soit au Carnet, en Loire-Atlantique, ou contre la mobilisation anti-nucléaire de Bure, les opérations de fichage et de surveillance ultra-intrusives ont été mises en place, au point même d’espionner un avocat de militants poursuivis !

Nous devons prendre la mesure des moyens de répression utilisés à l’encontre des personnes qui luttent pour la protection de l’eau et de la terre, et se préparer à s’en protéger. «La connaissance de l’existence de ces dispositifs doit inviter toute personne qui veut combattre le ravage environnemental à étudier comment se protéger de ces intrusions dans son intimité et à œuvrer contre le traçage permanent de sa vie privée» déclare un porte-parole des Soulèvements de la terre.

Face à un État en pleine fascisation et disposant de moyens d’espionnage inédits, celles et ceux qui s’opposent au monde tel qu’il est doivent apprendre à se protéger collectivement de la surveillance.

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