Marie avait 6 ans. Sa maman, Fati, en avait 30. Elles sont mortes de soif dans le désert, aux confins de la Tunisie et de la Libye. Une photo de leurs cadavres, insoutenable, a fait le tour des réseaux sociaux. On y voit la jeune femme et sa petite fille sans vie, collées dans une dernière étreinte. Nous ne diffuserons pas cette image, mais elle illustre l’inhumanité à l’œuvre actuellement en Tunisie. La famille avait été arrêtée par les autorités tunisiennes et abandonnée dans le désert. Le père est lui aussi porté disparu.
Ce sont des véritables opérations de déportation et des traitements inhumains qui sont organisés par le gouvernement tunisien depuis plusieurs semaines contre les subsaharien-nes. La situation est gravissime de l’autre coté de la Méditerranée. Des centaines de personnes noires vivant en Tunisie ont subi des violences extrêmes et ont été déplacées de force dans des zones désertiques, sans eau ni nourriture, sous un soleil de plomb, par les forces de l’ordre.
Dans un contexte de montée du racisme, de pénuries et de difficultés économiques, le meurtre d’un tunisien, le 3 juillet, poignardé, selon les autorités tunisiennes par un migrant subsaharien, a servi de prétexte au gouvernement tunisien pour justifier la traque violente des migrants subsahariens. C’est une véritable «chasse aux migrants», comme le dénonce Courrier international, qui s’est déroulée dans les rues de Sfax en Tunisie. Des subsahariens témoignent de «raids, de racket, de tabassages, d’attaques à l’arme blanche, de personnes délogées et d’hôpitaux où le nombre de patient-es subsaharien-nes ne cesse d’augmenter». Amnesty International a recueilli le témoignages de victimes. Un homme explique que des tunisiens «ont fracassé sa porte, volé ses affaires et l’ont mis dehors avec sa famille. Ils lui ont dit : ”Tous les Noirs doivent partir”». Manuela, 22 ans, dit avoir été frappée à la nuque, être tombée à terre et avoir entendu crier : “Rentrez chez vous, bande de Noirs, on ne vous veut pas ici”. Elle a repris connaissance à l’hôpital, couverte de sang, ses vêtements déchirés.» Il y a des dizaines d’autres cas. Suite à ces opérations de lynchage, les autorités tunisiennes ont affrété des bus pour emmener ces personnes dans le Sahara, aux frontières libyenne et algérienne.
Le 21 février 2023, le président tunisien avait ouvert les vannes d’un racisme décomplexé, sur le modèle des discours d’extrême droite européens. Kaïs Saïed dénonçait les «hordes» de personnes exilées clandestines lors d’un Conseil de sécurité nationale. L’arrivée d’immigrant-es subsaharien-nes était décrite comme une «entreprise criminelle», les exilé-es seraient responsables de toutes les «violences». Pire, le président estimait que l’arrivée de noir-es en Tunisie serait un complot «visant à changer la composition démographique de la Tunisie» pour en faire un pays «africain seulement» afin de dénaturer son fond identitaire «arabo-musulman». C’est littéralement la version maghrébine du «grand remplacement» de Zemmour et des autres fascistes français.
Des centaines de personnes ont été abandonnées à une mort certaine en plein été, sans eau ni nourriture, dans des zones désertiques, pour leur appartenance raciale. On parle de 500 à 700 personnes, peut-être plus. Il s’agit d’un crime contre l’humanité. L’ONG Human Rights Watch a déclaré avoir réussi à mettre à l’abri plusieurs centaines de migrant-es expulsé-es de Sfax vers le désert. Des personnes déportées ont été retrouvées mortes dans le désert, et 150 à 200 personnes expulsées près de la frontière algérienne n’ont pas été secourues et risquent toujours leur vie.
Dans un communiqué, l’organisation d’aide aux réfugiés Refugees International dénonce «les arrestations violentes et expulsions forcées de centaines de migrants africains noirs» à Sfax, soulignant que certains étaient pourtant «enregistrés auprès du Haut commissariat aux réfugiés ou ont un statut légal en Tunisie». Le président Kaïs Saïed, quant à lui, nie tout des traitements inhumains organisés sur le sol tunisien.
Que fait l’Europe ? Elle est complice. En réalité, elle sous-traite même la gestion de l’exil aux pays d’Afrique du Nord. La dirigeante d’extrême droite italienne Giorgia Meloni a multiplié les déplacements en Tunisie ces derniers mois afin de signer un accord sur les migrations dites illégales. L’Union Européenne externalise le contrôle des frontières au président raciste de Tunisie. Nos États sont donc co-responsables de la déportation de centaines de personnes dans le désert.
Partout sur le globe, la haine raciste et les obsessions identitaires et nationalistes se propagent dans l’impunité la plus totale de la communauté internationale, qui regarde faire, silencieuse. L’obscurité ne cesse de gagner du terrain.
Sources :
2 réflexions au sujet de « Tunisie : déportations dans le désert et déchaînement raciste »
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