Policier : un métier de plus en plus dangereux ?


La mortalité de la police baisse, la mortalité causée par la police augmente


À chaque fois que nous publions un article sur les personnes tuées ou blessées par la police, c’est la même rengaine sur les réseaux sociaux : ils l’ont bien cherché, ils n’ont pas le bon prénom, ont sûrement un casier et pas la bonne nationalité. Bref, une horde de fachos transforme les victimes en coupables qui n’avaient qu’à pas exister. Notre dernier article ne fait pas exception, les commentaires sur Twitter sont à gerber.

Mais l’un des principaux arguments des défenseurs de la police, c’est le soutien indéfectible aux forces de l’ordre qui font un métier indispensable et dangereux. Un argument de contre-poids donc : oui il y a des jeunes mutilés à vie, voire des morts, mais ça pourrait être bien pire et, d’ailleurs, regardez la quantité impressionnante de flics blessés ! Une façon de justifier l’horreur et la violence. Une position pourtant indéfendable :

  • Tout d’abord, rappelons le déséquilibre du rapport de force entre les révolté-es et la police. Parfois ce sont des gamins de 15 ans dotés d’un sweat à capuche et de cailloux ou de feux d’artifices qui sont mutilés à vie par des hommes (et des femmes) entraînés, dotés de protections rigides et de boucliers, munis d’armes potentiellement létales (LBD, grenades, arme de service). Les seuls avantages que peuvent avoir les révolté-es ou manifestant-es, c’est le nombre (de moins en moins vrai lorsqu’on voit les dispositifs délirants déployés) et la connaissance du terrain. Se cacher ou fuir, lorsqu’on est personnellement ciblé, est encore la réaction la moins risquée face à la police, qui n’hésite pas à tirer dans le dos ou avant même de laisser la possibilité de fuir.
  • Les victimes de violences policières, en particulier dans les quartiers, sont bien souvent de (très) jeunes hommes racisés. Cela vient renforcer le discours raciste de nombreux commentateurs, qui ne se privent pas d’y trouver « peu de Kevin ou Mattéo ». C’est qu’en réalité, les flics sont non seulement racistes, mais ils savent aussi viser. Les meurtres ou mutilations policières ne sont pas des « bavures » ou des « accidents » provenant de mauvais éléments mal formés : ce sont des assassinats à caractère raciste. Les LBD sont dotés d’un viseur laser Eotech de classe militaire, qui permet d’avoir une grande précision à 40m de distance. C’était d’ailleurs l’argument principal de leur généralisation, afin d’éviter des « bavures ». En réalité les mutilations provoquées par la police sont désormais légion.
  • La bataille des chiffres est elle aussi particulièrement inéquitable. D’un côté on constate une sous-déclaration des blessures, que ce soit par peur d’une répression judiciaire supplémentaire ou par la conviction qu’une plainte n’aboutirait pas. Les victimes ont tendance à ne pas se rendre à l’hôpital lorsque c’est possible et à ne pas rendre leurs blessures publiques. De l’autre côté, le moindre bobo est constaté par des médecins de complaisance (les mêmes que les flics appellent pour des consultations grassement payées en gare-à-vue). Cela assure des jours de congé aux policiers et leur permettra même de réclamer des dommages et intérêts, tout en gonflant les chiffres du ministère de l’Intérieur. Face aux portraits de 12 personnes tuées ou gravement mutilées lors des révoltes pour Nahel, des chiffres aussi délirants qu’imprécis sont balancés : 600, 700, 827, 1200 policiers blessés, qui dit mieux ? Mais derrière ces blessures anonymes, quid de la gravité ? Des contusions ou des douleurs articulaires peuvent entrer dans la catégorie « policier blessé en service », sans compter que les plus grave de ces blessures sont souvent causées… par leurs propres armes !
  • Et les morts ? Aucun. Lors d’attaques terroristes parfois, dans des accidents de la route plus souvent, mais en situation de maintien de l’ordre il s’agit d’une constante depuis des décennies : zéro. Quand bien même, les victimes de violences policières sont jugées par le tribunal médiatique comme étant là pour « tuer du flic », alors que des policiers tués, on n’en trouve plus depuis un bon moment. Les manifestants et émeutiers, les black-blocks ACAB et autres ingouvernables n’ont pas comme objectif de tuer du flic, mais de renverser un monde injuste, détruire ce qui les opprime. Le policier n’est pas un objectif, il ne fait que se mettre en travers de la route vers plus de justice.

Pour résumer, policier est finalement un métier peu risqué : un flic a par exemple six fois moins de risques de mourir au travail qu’un salarié du bâtiment. C’est toutefois un métier de plus en plus dangereux… pour les autres : selon les chiffres de l’IGPN, qu’on ne peut pas taxer d’être anti-flics, les crimes policiers ont plus que doublé entre 2017 et 2021, passant de 14 à 37. Cette augmentation, constante, s’explique notamment par la loi votée en 2017 qui offrait à la police, la gendarmerie et même aux polices municipales une très large autorisation de tirer, modifiant considérablement la doctrine policière en France. Votée par le PS dans une Assemblée quasiment vide, elle venait satisfaire les revendications des manifestations nocturnes, armées et autonomes, de dizaines de policiers cagoulés à l’automne précédent, qui réclamaient le permis de tuer.

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