Exercice de “risque majeur” dans les écoles de Loire-Atlantique : et si Yara explosait ?


Jeudi 12 octobre, un exercice de «mise à l’abri» est organisé par les autorités dans tout le département


Dans les lieux publics, et notamment les établissements scolaires, les exercices d’évacuation se multiplient depuis 2015 et l’état d’urgence de François Hollande. Si ce genre d’exercice permet aux secours d’anticiper d’éventuelles évacuations en cas de catastrophe et de protéger au mieux la population, leur multiplication revêt une motivation moins avouable : faire accepter l’idée à la population, et en particulier aux plus jeunes, qu’une catastrophe va se produire. Maintenir un climat de vigilance et de peur permanentes est une forme de contre-insurrection, un moyen bien pratique de désigner ses ennemis et, en même temps, insinuer l’idée que l’État agit pour notre protection. Les exercices d’évacuation ou de confinement ne sont pas de simples exercices : ce sont des opérations de communication.

Jeudi 12 octobre, vers 10h, un entraînement un peu particulier aura lieu dans toute la Loire-Atlantique. Il s’agit d’un PPMS «risque majeur» généralisé à tous les établissements scolaires du département, mais aussi adressé à des citoyens de Loire-Atlantique. La préfecture organise cette expérimentation de «plan particulier» avec pour objectif, entre autres, «d’informer en temps réel toute personne détentrice d’un téléphone portable d’une zone de danger et de lui indiquer les comportements à adopter pour se protéger» explique Ouest-France.

Le scénario est bien sûr fictif, mais réaliste : un «risque majeur», dans les exercices, c’est souvent un risque sanitaire ou sécuritaire imminent comme l’accident d’un camion contenant des produits chimiques, une attaque terroriste ou un incendie à proximité… À l’échelle d’un département, ce ne peut être qu’un risque industriel de type nucléaire ou SEVESO, comme Rouen en a déjà connu avec Lubrizol en 2019 ou Toulouse avec AZF en 2001.

En Loire-Atlantique les mouvements sociaux se sont assurés dans les années 1980 et 90 qu’il n’y aurait pas de centrale nucléaire, car les autorités voulaient imposer le projet fou et heureusement abandonné d’un réacteur en bord de Loire, aux portes de Nantes. Mais il existe tout de même un bassin industriel particulièrement néfaste à l’embouchure du fleuve, avec plusieurs sites à haut risque. Entre Nantes et Saint-Nazaire, c’est la foire au classement SEVESO et, au milieu, l’une des entreprises les plus dangereuses et polluantes du pays : Yara. Si cette usine qui fabrique, entre autres produits nocifs, du nitrate d’ammonium venait à exploser, cela équivaudrait à 30 fois la destruction du port de Beyrouth en 2020. Même la ville de Nantes, pourtant située à 50 kilomètres, serait directement touchée par le souffle destructeur.

S’entraîner à un risque majeur, c’est se préparer à la catastrophe. C’est bien, mais cela pourrait être mieux : l’État pourrait faire en sorte d’éviter la catastrophe, en obligeant par exemple Yara à respecter les normes de sécurité de base pour commencer, voire en fermant cette usine qui ne produit rien que la destruction au service de l’agro-industrie. Le risque majeur auquel les enfants de Loire-Atlantique s’entraîneront demain, c’est le risque du capitalisme.

Et si, pour réellement lutter contre les risques majeurs, les personnels et les élèves transformaient cet entraînement anxiogène en outil de protestation anticapitaliste ? Et si, au lieu de se confiner bien sagement dans leurs classes, les élèves allaient scander “Yara et le capitalisme, voilà le danger” dans le hall de leur lycée ? Et si les profs appelaient les secours afin d’alerter sur la poudrière située en bord de Loire ? Et si des affiches apparaissaient devant chaque école pour appeler à la manifestation prévue à Saint-Nazaire le 14 octobre, à 11h devant la mairie, par de nombreuses associations et riverain-es qui réclament la fermeture de Yara ?

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