L’esprit Charlie, “subtilement” raciste


Vous connaissez forcément «l’esprit Charlie» dont on parle tant. Cet esprit transgressif, sans limite, qui permet de rire de tout, même du pire. Cet esprit derrière lequel toute la France a fait bloc en 2015, après l’attentat qui a visé le journal.


Visiblement, «l’esprit Charlie» est à géométrie variable. Depuis une semaine, l’humoriste Guillaume Meurice, qui travaille chez France Inter, est attaqué de toutes parts pour avoir dit dans une de ses chroniques que le Premier Ministre israélien était «une sorte de nazi sans prépuce». Si le gag manque peut-être de finesse, cela a valu à l’humoriste un déferlement de haine : accusation d’antisémitisme, de terrorisme, appels à le licencier, menaces de mort… il a finalement été sanctionné par la direction de la radio. L’humoriste a publié un message sur Twitter avec le hashtag #JeSuisCharlie, rappelant qu’en principe, l’humour est encore autorisé en France…

On aurait pu s’attendre à ce que l’hebdomadaire provocateur mentionné lui apporte son soutien. Après tout, entre humoristes on se serre les coudes en faveur de la liberté d’expression non ? Pas du tout.

Son rédacteur en chef, Riss, a déclaré dans la presse : «L’esprit Charlie a bon dos», ajoutant que «l’esprit Charlie n’est pas une poubelle qu’on sort du placard quand ça vous arrange, pour y jeter ses propres cochonneries» et que «l’esprit Charlie» est «plus subtil et plus difficile à maîtriser qu’il n’y paraît». Le boss du journal est allé plus loin : «Depuis l’offensive israélienne sur Gaza, il y a un déferlement de propos visant à inverser les choses. […] La propagande joue en faveur des terroristes palestiniens» et fasse «presque oublier ce qui s’est passé le 7 octobre». 10.000 civils palestiniens tués, c’est de la propagande, et le rappeler c’est du terrorisme selon le rédacteur en chef. Sacré Charlie.

La «subtilité» de Charlie Hebdo, c’est se moquer des meurtres, viols et des religions, mais seulement quand ce sont des noirs et des arabes. Rire du Coran qui ne «protège pas des balles» après un massacre c’est marrant, montrer l’anus du prophète de l’Islam ou parler des «allocs» des esclaves sexuelles de Boko Haram, c’est subtil.

Par contre, qualifier un premier ministre israélien d’extrême droite qui tient des propos génocidaire de nazi, c’est pas subtil.

Le 18 octobre, Charlie Hebdo publiait une caricature de la députée Insoumise Obono reprenant tous les codes des dessins racistes des années 30. La députée noire, dessinée avec un visage rond, un gros nez et une bouche démesurée, et les israéliens avec des nez crochus, le tout titré : «Gaza/Israël, la paix, c’est possible ! La France échange Obono contre les otages israéliens». Subtil. Le dessin avait été massivement partagé par la fachosphère.

Le dessin avait évidemment choqué, mais Riss avait alors dénoncé «une gauche en perdition qui espère faire diversion pour faire oublier les prises de position abjectes sur le Hamas et le terrorisme.» En France, c’est Charlie qui fixe ce qui est subtil ou pas, ce qui est autorisé ou pas.

En 2008, Siné, dessinateur historique de Charlie Hebdo et militant anarchiste, avait été mis à la porte du journal pour antisémitisme, notamment en raison de ses positions pour la Palestine, pour s’être moqué du fils de Sarkozy, mais aussi parce qu’il était en désaccord politique avec la direction, de plus en plus à droite. Le journal avait finalement été condamné pour licenciement abusif.

Subtil on vous a dit.

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