Crépol : un déroulé éloigné des récits fascistes


«J’ai envie de taper des bougnoules» : un rugbyman au cours de la soirée


Il y a deux semaines, l’extrême droite se précipitait comme un vautour sur le cadavre du jeune Thomas, 16 ans, tué à Crépol à la fin d’un bal de village.

Depuis, nous avons tout entendu dans les médias. Qu’il s’agissait d’un «francocide» motivé par le «racisme anti-blanc», «d’ensauvagement», d’une «attaque» préméditée et même d’un «acte terroriste» inspiré par le Hamas…

Le prénom des suspects est devenu l’enjeu de débats nationaux obscènes. Les plus radicaux des groupuscules fascistes ont été invités sur les plateaux. Ces propos délirants et dangereux, complaisamment relayés à la télévision, ont encouragé une nouvelle poussée d’actes racistes : défilés néo-nazis dans plusieurs villes, tags islamophobes, attaque d’un quartier populaire de Romans-sur-Isère. Et de nombreux groupes d’extrême droite appellent ouvertement à la vengeance et à la guerre civile.

Ce 4 décembre, le journal Le Parisien publie des fuites sur l’enquête en cours, et écrit : «Rien n’accrédite la thèse d’un raid prémédité sur le bal. Et le tueur de Thomas n’est toujours pas identifié».

Répétons d’emblée que la mort de Thomas est terrible, irréparable, et que ses proches vivent une tragédie absolue. Tragédie prolongée par l’immonde récupération fasciste qui utilise le prénom du défunt pour servir ses propres obsessions.

Voici ce qu’écrit le parisien : «Deux jeunes hommes sont suspectés d’être le meurtrier. L’un d’origine maghrébine. Le second est un adolescent de 17 ans qui porte un prénom et un nom historiquement français». Pour l’instant, l’enquête n’a pas déterminé le responsable, malgré toutes les pseudo-certitudes de l’extrême droite.

Il ne s’agissait même pas d’une attaque, puisque «sur les 9 suspects, au moins quatre d’entre eux ont participé à cette soirée dansante et font partie des 450 personnes présentes à l’intérieur de la salle des fêtes, où ils sont restés près de deux heures avant que la bagarre mortelle n’éclate». Rien à voir avec un assaut extérieur préparé par une bande de barbares, comme cela a été répété en continu.

Le journal écrit que «deux univers se toisent» durant la soirée, d’un côté les rugbymans du village, de l’autre les jeunes venus de la cité, habillés en jogging. Les premiers reprochent aux seconds des «regards malsains». Rien de répréhensible… Un des témoins dira aux gendarmes : «Ils savent bien que personne ne peut les voir quand ils viennent. Ils cherchent des problèmes». Pourtant, «aucune intervention des vigiles» n’a été «nécessaire» avant le dénouement.

D’où part le conflit ? À la toute fin de soirée, un rugbyman est allé tirer les cheveux longs d’un des jeunes de Romans-sur-Isère en l’appelant «Tchikita». Les deux hommes sortent s’expliquer: «Allez, tu viens, on va dehors !» propose l’homme qui s’est fait humilier, selon sa déposition. À l’extérieur, il est «frappé à coups de poing et de pied par Thomas L. et deux ou trois rugbymen arrivés en renfort. Il finit «à quatre pattes», sonné.»

Le rugbyman reconnaît avoir «peut-être bousculé» le jeune homme frappé. Mais une de ses amies, qui n’a aucune raison de charger le côté des rugbymans, a dit aux enquêteur que son ami avait dit au cours de la soirée «J’ai envie de taper des bougnoules». Ce qui expliquerait cette altercation finale.

De cette embrouille minable découle une bagarre générale où la bande de Romans-sur-Isère, en infériorité numérique et dominée par les jeunes de Crépol, sort des couteaux.

Les médias ont répété que les jeunes de Romans auraient crié qu’ils venaient «tuer des blancs». En réalité, «neuf témoins sur les 104 auditionnés rapportent avoir entendu des propos hostiles aux Blancs». Mais aucun appel au meurtre. Le Parisien rapporte : «on va t’avoir, petit Blanc». Mais les témoignages seraient «contradictoires, évolutifs ou fragiles» selon les gendarmes.

En réalité, cette soirée dramatique semble être une confrontation entre deux groupes, une bagarre générale qui existait déjà dans de nombreux bals de villages il y a déjà des décennies. Le chanteur Renaud en 1979 racontait dans une chanson un bal avec sa bande de loubards, qui finissait par une bagarre à coup de manche de pioche et de fusil causant un mort. Personne ne parlait alors d’ensauvagement. Il y avait pourtant plus d’homicides en France en 1979 qu’en 2023.

Dernier mensonge, la prétendue «impunité» et le «laxisme» de la justice. L’un des suspects s’est présenté de lui-même au commissariat avec son père. «En garde à vue, nombre de suspects ont prononcé des mots de compassion pour les victimes» écrit Le Parisien. Les deux principaux suspects sont en fuite. Et six jeunes sont en détention provisoire alors même qu’il n’est, en l’état, pas prouvé qu’ils aient porté de coup fatal. Ils sont détenus le temps de l’enquête.

Début novembre, dans le Val de Marne, un crime particulièrement atroce a eu lieu : un baby sitter de 28 ans a assassiné sauvagement le petit garçon de 7 ans dont il avait la garde. Le corps du petit Adam portait «des traces de strangulation et de coups» et «la tête dans un sac plastique.» L’extrême droite n’a pas parlé de cette affaire atroce d’infanticide. Contrairement à la mort de Thomas ou à celle de la petite Lola l’an dernier, il n’y a pas eu de sujets en boucle à la télé, ni de condamnation politique, et personne n’a réclamé que «le nom» du tueur soit divulgué. Mystérieux n’est-ce pas ?

L’assassin s’appelle Karl Rieu. Il est blanc.

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