Les profs du public s’attaquent à l’école privée du Loquidy


Contre la réforme du “Choc des savoirs”, les profs confrontés au “Choc des cultures” en bloquant la bourgeoisie séparatiste du Loquidy


Nous en parlions hier, le secteur de l’éducation est particulièrement mobilisé en Loire-Atlantique. Le monde enseignant tente d’y impulser une grève plus dure, plus longue mais plus victorieuse que d’habitude. L’école craque de partout, et au centre de l’attention c’est une école à deux vitesses qui est vivement critiquée. Alors pour changer des blocages de bahuts publics et populaires, les profs et personnels d’éducation se sont donné un objectif : bloquer le collège-lycée Saint-Joseph-du-Loquidy.

Rendez-vous est donné vers 7h au lycée Michelet, au nord de Nantes. Le camion de la CGT contient une réserve de tracts qui paraît inépuisable, distribués par une poignée de syndicalistes en chasubles. Mais, très vite, une poignée de lycéen-nes récolte les poubelles du quartier et part les empiler devant les deux portails du Loquidy. L’établissement privé catholique est connu pour être particulièrement réactionnaire. Le blocage s’organise en un temps record et une poignée de profs s’amasse devant les poubelles, empêchant l’administration de libérer le passage.

Le temps passe et la foule des élèves s’amasse devant l’entrée. La direction envisage de forcer le barrage du portail principal avec un bus présent dans l’établissement, ou alors avec la tondeuse à gazon. Première sommation des profs en colère : si vous débloquez, on rentre et on fout le bordel. La direction se pisse dessus. Des parents d’élèves tentent de forcer l’entrée en tirant le bras d’une syndicaliste, mais c’est peine perdue : le collectif tient bon.

La deuxième sommation arrive lorsqu’un administrateur ouvre le second portail, plus petit. Mouvement de foule et course-poursuite pour rebloquer au plus vite. Les poubelles sont vite réinstallées, mais l’administrateur empêche physiquement la fermeture du portail. Quelques élèves particulièrement fanatisés se mettent alors à retirer les poubelles dans l’espoir de passer. La tension monte, un gréviste se fait écraser le doigt par une poubelle. L’administrateur dit au gréviste de calmer le jeu, ce à quoi il lui répond de laisser le portail se fermer et tout ira bien. Appeler au calme tout en jetant de l’huile sur le feu, une technique éducative qu’il fallait oser.

Quelques internes continuent à vouloir débloquer à tout prix, comme si leur vie en dépendait alors que de sympathiques gréviste leur offrent une journée de repos. On apprendra plus tard que ces fanatisés de 17 ans, qui traitent les grévistes de “fainéants qui font chier tout le monde”, sont de petits caïds qui animent un club politique au lycée : les autres élèves l’appellent le “club Zemmour”, ça pose une ambiance. Vu leur incapacité à développer un argumentaire cohérent en-dehors de la logorrhée fasciste qu’on entend tous les jours sur Cnews, ces sous-doués risquent d’avoir du mal à décrocher une mention au bac.

Mais il n’y a pas que les élèves qui sont déconnectés au Loquidy : les profs aussi. Non contents de se voir offrir une journée de congé alors qu’ils bénéficient déjà de conditions plus favorables que la moyenne, les profs râlent de se voir bloqués. Jamais content ! Il faut dire que leur idéologie transpire dans leurs propos. “Vous aboyez comme Mélenchon”, “On a le même métier mais on le fait juste mieux que vous”, “Nous on le mérite” ou encore “Vous êtes tout le temps en grève vous faites chier” !

Un véritable choc des cultures : des débats s’animent autour des inégalités. Mais les discussions sont stériles tant on ne vit pas dans le même monde. Chacun parle sa langue, personne ne s’écoute mais tout le monde s’engage dans un rapport de force. Des profs en souffrance ou qui dénoncent la situation, il y en a pourtant beaucoup dans l’enseignement catholique, mais visiblement pas ce matin au Loquidy. À ce sujet, on peut aller voir ce très bon blog.

Même la directrice de l’établissement, sapée comme une bonne sœur, sort des énormités : “Il n’y a pas de différence avec le public, on recrute les gens du quartier”. À Nantes, 40% des élèves sont dans l’enseignement privé, mais ils représentent 75% des CSP+ (cadres, professions supérieures ou encore chefs d’entreprises). Dans le jargon, on appelle ça un foutage de gueule stratosphérique. Il est possible que ça donne envie aux grévistes de revenir.

Finalement la direction décide d’annuler les cours pour la journée. La plupart des élèves rentrent chez eux, souvent heureux de ne pas subir leurs profs pour une journée. Ceux qui restent débattent plus calmement, l’enjeu n’est plus de rentrer à tout prix dans le bahut. Un enseignant du Loquidy discute avec des grévistes : “c’est pas la bonne méthode. – Qu’est-ce qu’on est censés faire ? – Je sais pas mais c’est pas la bonne méthode”. On assiste à un dialogue de sourds, les séparatistes ne vivent pas dans le même monde.

À partir de 10h les grévistes quittent le blocage pour se rendre au rectorat, tout proche, afin d’accompagner une délégation de syndicalistes. Puis ce sont les AED et AESH qui se rassemblent à 15h au même endroit pour communiquer sur leur grande précarité et l’absurdité des réformes de leur statut.


Ce qu’on retiendra de ce jour restera tout de même le blocage d’un lycée ultra-élitiste, qui est déjà en train de devenir une polémique nationale. Et si le Figaro ou Laurence Garnier s’insurgent d’une telle action, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : elle a visé juste.


Images : Sud Éducation 44


Ajout : Suite à l’accusation de “violences” de la part de Laurence Garnier, la réaction ne s’est pas faite attendre avec un communiqué de l’intersyndicale publié dès le lendemain.

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