Il y a quelque chose d’inexorablement macabre, un climat monstrueux qui règne à l’égard des exilés dans le Nord-Pas-de-Calais. Des milliers de personnes en errance s’entassent dans des campements de fortune en attendant de pouvoir rejoindre l’Angleterre.
Depuis plusieurs années, les autorités françaises ont mis en place une politique de harcèlement systématique des sans-papiers et ont déclaré la guerre aux associations d’entraide.
En 2009, Sarkozy organise le débat public autour de thématiques racistes sur l’identité nationale et l’immigration Vichy. Tout un symbole. Dans un fracas médiatique, son ministre Eric Besson annonce le démantèlement de la « jungle » de Calais. L’État envoie les bulldozers raser les lieux et des centaines de migrants sont arrêtés. En juin 2016, Janan, un réfugié afghan était mutilé à l’œil par un tir policier. En mars 2024 le quotidien Le Monde, vidéos à l’appui, révélait que des équipages de gendarmerie et de police pratiquaient la technique du « pushback » en mer pour intercepter et terrifier de celles et ceux qui se lancent dans la traversée. Il s’agit de percuter ou faire chavirer les embarcations des exilés en mer. Le 9 avril dernier, une embarcation prenait feu après avoir été touchée par des palets de grenade lacrymogène au niveau de Oye-Plage.
La policiers traquent les exilés quotidiennement, confisquent leurs effets personnels, mettent à sac les camps. Des entreprises privées lacèrent les tentes sous l’œil des forces de l’ordre, les agents percent les cuves d’eau potable, gazent et tirent des cartouches de LBD sur les personnes qui tentent la traversée de la Manche.
De Calais à Dunkerque, les récits sont les mêmes, ceux d’un enfer permanent. Entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023, 729 expulsions ont été recensées rien que pour le littoral nord, soit deux expulsions par jour. Après chaque expulsion, les mairies et la préfecture saccagent les espaces qui servaient à l’installation de ces lieux de vie informels. Les engins de chantier en labourent les champs ou disposent des blocs de pierres ou de bétons sur les terrains vagues, comme à Calais, au niveau d’un point d’accès à l’eau, pour le rendre inaccessible.
Les associations solidaires sont aussi frappées par la répression, victimes d’intimidations et de violences policières. Des arrêtés préfectoraux interdisent régulièrement les distributions alimentaires. Les militant.e.s qui s’opposent physiquement aux démantèlement des camps sont poursuivis par la justice, parfois condamnés. L’État bloque les accès et complique le travail des collectifs de soutien.
Image de cette barbarie ordinaire contre les populations en exil, un mur à Grande-Synthe sous un pont, a été érigé comme une frontière. Vendredi 19 avril 2024, l’association Utopia 56 annonçait sur les réseaux sociaux : « Avant la construction de ce mur il y a deux semaines, des centaines de personnes passaient sous ce pont pour accéder aux distributions alimentaires près de Grande-Synthe. Hier, un jeune homme a voulu passer en traversant la route, il est mort renversé par une voiture. »