Il y a 109 ans, le génocide arménien


Aujourd’hui, la Turquie ne reconnaît toujours pas le génocide, et l’Arménie est attaquée par l’Azerbaïdjan, pays armé par Israël


Génocide arménien

Le 24 avril 1915,

les autorités turques ordonnent la déportation et de l’assassinat de plus de 2.500 intellectuels arméniens d’Istanbul. Cette date est retenue comme le début du génocide du peuple arménien, qui a tué près de 1,5 millions de personnes sur 2 millions d’Arméniens vivant dans l’Empire Ottoman.

A l’époque, l’Empire Ottoman, gouverné par un Sultan musulman, compte 36 millions d’habitants, et son vaste territoire englobe une mosaïque de peuples et de religions. En plus de différentes branches de l’Islam, de Kurdes et d’une minorité juive, la population compte entre 30 et 40% de chrétiens. Parmi eux, le peuple Arménien, situé dans le Caucase.

L’Arménie, intégrée à cet Empire, possède une riche histoire : elle a été le premier Royaume a épouser le christianisme, et conserve des traditions, une langue et une culture propre. Ces Arméniens sont la cible de persécutions régulières qui augmentent à la fin du XIXème siècle, lorsqu’ils réclament l’égalité des droits. Entre 1894 et 1896, des milices turques massacrent sur ordre du Sultan entre 200 000 et 250 000 arméniens.

Le 27 avril 1909,

un mouvement nationaliste qui prétend moderniser le pays, les Jeunes-Turcs, prend le pouvoir et installe un nouveau Sultan. Inspiré par les nationalismes d’extrême droite européens, il rêve d’une Turquie ethniquement «pure» et homogène, donc débarrassée des minorités. Ce mouvement est à l’origine de l’actuelle Turquie. À nouveau, des arméniens sont massacrés.

En 1914,

l’Empire Ottoman participe à la Première Guerre Mondiale du côté de l’Allemagne, et combat notamment contre la Russie, alliée à la France. Le pays enchaîne les défaites militaires, et accuse ses minorités d’en être responsables. Le pouvoir rejette la faute sur les chrétiens, accusés d’être des traîtres, en particulier les Arméniens. Des dizaines de milliers de soldats arméniens sont exclus de l’armée puis massacrés. Des troubles agitent l’Empire, les Jeunes Turcs en profitent pour exécuter leur objectif : éliminer les Arméniens.

C’est donc le ministre de l’Intérieur de l’époque, Talaat Pacha qui ordonne le 24 avril 1915 l’assassinat des élites arméniennes de la capitale. C’est le point de départ d’une élimination méthodique des arméniens dans tout l’Empire, avec l’organisation de déportations de masse dans des camps au milieu de déserts et d’exécutions sommaires.

Dès l’été 1915,

les deux tiers de la population arménienne sous domination ottomane ont déjà été assassinés. En 1916, un télégramme du ministre de l’Intérieur destiné aux Jeunes-Turcs d’Alep – aujourd’hui en Syrie, à l’époque province ottomane – explique : « Le gouvernement a décidé de détruire tous les Arméniens résidant en Turquie. Il faut mettre fin à leur existence, aussi criminelles que soient les mesures à prendre. Il ne faut tenir compte ni de l’âge, ni du sexe. Les scrupules de conscience n’ont pas leur place ici ».

Avec l’horreur des tranchées, le massacre passe relativement inaperçu en Europe. Pourtant, le peuple arménien a quasiment été éliminé du territoire. Après guerre, l’Empire Ottoman se trouve dans le camp des vaincus, et s’effondre de lui même. Il se divise en plusieurs pays, et donne naissance à une République Turque, construite dans le sang, par l’élimination des minorités. Car en plus du génocide arménien, des centaines de milliers de chrétiens sont déportés en Grèce, et des milliers de musulmans vivant en Grèce sont à leur tour déportés vers la Turquie. C’est une grande opération d’épuration ethnique nationaliste et religieuse.

Certains génocidaires iront se réfugier en Allemagne, notamment l’horrible Talaat Pacha. L’histoire n’oublie pas, il sera assassiné à Berlin le 16 mars 1921 par un jeune Arménien.

À partir des années 1920,

le nouveau dirigeant du pays et père de la Turquie moderne se nomme Mustafa Kemal, autoritaire et admirateur des fascistes, qui partage lui aussi l’idée de « turquifier » le territoire. Il décrète d’ailleurs une amnistie générale en 1923 concernant le génocide.

Aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, l’État turc ne reconnaît toujours pas le génocide, et les autorités affirment que les Arméniens auraient été tués lors “d’affrontements” internes, en dépit des preuves historiques. Le président d’extrême droite Erdogan rêve même d’un nouvel Empire Ottoman.

Que devient l’Arménie ?

Aujourd’hui, c’est un petit pays de trois millions d’habitant-es dans le Caucase, coincé entre plusieurs grandes puissances hostiles : la Turquie, l’Iran, la Russie et l’Azerbaïdjan. Il est menacé dans son existence même.

L’Azerbaïdjan et la Turquie sont alliées, et rêvent de reconstituer un grand territoire allant de la Mer Noire à la Mer Caspienne. L’Arménie est donc le caillou dans la chaussure de ce rêve impérialiste. Elle subit, depuis des années, les attaques régulières de l’armée d’Azerbaïdjan, pays trois fois plus peuplé, beaucoup mieux armé, plus riche et soutenu par des puissances de l’OTAN.

Un véritable nettoyage ethnique a lieu dans la zone arménienne du Haut-Karabagh. Cette enclave de 150.000 personnes était peuplée à 95% par une population de culture et de langue arménienne. Le dictateur Aliyev a lancé plusieurs attaques sur ce territoire et en Arménie depuis 2020 : des massacres avec l’envoi de mercenaires syriens et l’usage d’armes interdites par les conventions internationales. Les arméniens sont décrits par le régime azéri comme des «cafards et des nuisibles» à «éliminer». Des civils ont été torturés et décapités, des vidéos de démembrements fièrement diffusées par des soldats azéris.

Ces opérations s’inscrivent malheureusement dans la continuité des politiques racistes anti-arméniennes depuis le génocide de 1915. L’armée présente dans le Haut-Karabagh désormais vidé de ses arménien.nes a d’ailleurs renommé symboliquement une rue au nom d’Enver Pasha, l’un des organisateurs du génocide arménien.

Comment cela est-il possible ?

Comment l’histoire peut-elle bégayer à ce point ? C’est simple, l’Azerbaïdjan est soutenu par l’Occident. En 2022, l’Union Européenne a signé un accord prévoyant de doubler les importations de gaz azerbaïdjanais. La présidente de la Commission Européenne s’est rendue à Bakou et a qualifié l’Azerbaïdjan de partenaire «fiable», et Macron a lui aussi rencontré le président Aliyev.

Enfin, cet État criminel est armé par Israël. Les deux pays sont partenaires, et entre 2016 et 2020, Israël a fourni 69 % des armes importées par l’Azerbaïdjan.


Ce sont donc les mêmes bombes qui tuent les palestiniens et les arméniens. Et les mêmes régimes d’extrême droite, en Israël comme en Turquie, en apparence ennemis, qui travaillent ensemble pour écraser les peuples opprimés aspirant à vivre en paix sur leurs terres.


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