1er octobre à Nantes : une manif pas à la hauteur de l’enjeu


4000 personnes défilent sagement sous la pluie


“On a vu pire”. Un manifestant lâche ce commentaire comme pour exorciser la morosité ambiante. C’est pourtant vrai : on a vu pire comme manifestation. Des manifs sous la flotte à se demander ce qu’on fout là, quelques centaines à s’humidifier face à des flics surarmés. On se souvient même, il y a des années, d’un Premier Mai annulé par les syndicats tellement la pluie faisait le jeu du patronat.

On a vu pire, mais on ne va pas se mentir : la manifestation nantaise n’était pas à la hauteur de l’enjeu ce mardi 1er octobre. Depuis cet été les syndicats appellent à cette date tardive : dès la rentrée c’est trop tôt, “une grève ça se prépare”. C’est vrai, mais on voit le résultat. Un cortège moribond qui peine à faire face au rouleau-compresseur fasciste qui s’est installé au gouvernement.

Dès le rassemblement devant la préfecture, les prises de parole donnent le ton : ça parle services publics, CSG, du « pouvoir d’achat »… mais bien peu du climat politique général et du besoin de révolution qui frémit dans les rangs de parapluies. La banderole de tête, imprimée, parle laconiquement de «retraites» et «d’industrie», mais rien sur le coup d’État en cours. Comme si, finalement, tout était normal, et que le fascisme n’était pas aux portes du pouvoir.

Le cortège devait s’élancer vers Talensac, pour une fois le parcours n’était pas trop pourri, mais des policiers en tenue de maintien de l’ordre font face à la foule. Ça part finalement rue de Strasbourg, un axe rebattu mille fois, facile à contrôler. La préfecture a fait savoir que le parcours n’avait pas été déposé, elle impose donc le sien aux syndicats.

De toute façon, personne ne tente de débordement. Même pas de cortège de tête, c’est la banderole de l’intersyndicale qui mène la marche. Devant, des policiers en civil. Derrière, une petite foule bigarrée et des k-ways noirs qui espèrent un peu d’action sans trop y croire. Deux mégaphones cherchent à mettre de l’ambiance, mais une sono syndicale surpuissante les couvre de slogans insipides, qui ne sont repris par personne.

Après un petit tour, retour à la préfecture. La place est cernée de CRS, on se demande bien pourquoi. Il n’y a eu aucun tag, aucune action, aucun cortège sauvage ni moment de joie, Nantes a rarement été aussi calme. Fin du supplice, il n’y aura pas de deuxième tour : la buvette des camions syndicaux vaut mieux que continuer à se ridiculiser.


Rien de bien réjouissant à dire sur cette manifestation du premier octobre, donc. Mais il y a tout de même quelques leçons à en retenir :


  • Arrêter de se laisser imposer le même parcours mortifère depuis des années, et se donner les moyens, collectivement, avec la diversité du cortège, de le suivre.
  • Ensuite qu’il y a toujours une bonne raison pour ne pas faire monter la colère de la rue et pour saper le moral des luttes sociale. Les JO, la rentrée, la trêve de Noël… Aux yeux du pouvoir, ce n’est jamais le bon moment. Or le bon moment, c’est quand la colère est mûre et que le mouvement social dicte son calendrier. Cette journée de grève arrive ainsi trois mois trop tard, et n’est suivie d’aucune perspective.
  • Il vaut mieux pas de sono qu’une sono qui déprime tout le monde. Ambiancer les manifs, inventer des slogans, répandre de la joie dans les oreilles et sur les murs, le cortège de tête sait le faire. Mais passer la même playlist depuis 1995 ou laisser une personne s’égosiller “Oui à la retraite, non à la CSG” n’est pas du genre à enflammer les foules. Les processions funèbres n’ont jamais permis de réunir des forces, et encore moins de gagner.
  • Enfin, comme le dit le slogan, “une kermesse syndicale ne sera jamais une lutte sociale”. Si la grève n’est pas accompagnée par des assemblées décisionnaires, si elle ne se donne aucune perspective et qu’il n’y a aucune reconduction possible, ce n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. En fin de manifestation, un représentant syndical déplore : “On a déjà du mal à mobiliser nos adhérents, alors la base…” Mais comment pourrait-on reprocher à des personnes déjà précaires, pressurisées dans un monde du travail toujours plus violent, de ne pas faire grève dans ces conditions ? Perdre une journée de salaire, d’accord, mais s’il y a un minimum de chance de gagner et d’enthousiasme.

Des luttes sociales puissantes, il y en a pourtant eu ces dernières années. La Loi Travail en 2016, les Gilets Jaunes, les réformes des retraites en 2019 et 2023… Si ces mouvements n’ont pas forcément été victorieux, ils ont eu le mérite d’être massifs, d’insuffler de l’espoir et de politiser des générations ou des pans entiers de la société. Leur point commun ? Avoir vu le syndicalisme de lutte et le cortège de tête avancer main dans la main et planifier des actions, notamment avec le CAN – Comité d’Action Nantais – qui unissait paysan-nes, syndicalistes et jeunesse révoltée.


Voilà la marche à suivre : construire les luttes et dicter notre calendrier, en-dehors des cercles de pouvoir, pour détruire le pouvoir.


Faire un don à Contre Attaque pour financer nos articles en accès libre.

Pour ne rien manquer de nos publications, suivez-nous sur nos réseaux



Une réflexion au sujet de « 1er octobre à Nantes : une manif pas à la hauteur de l’enjeu »

  1. Bonjour Contre Attaque, ailleurs ce n’était pas ouf non plus, même si la pluie ne s’est pas inviter à toutes les manifestations. Un dégoût, un ras le bol, un nombre de manifestant.e.s très en dessous de l’enjeu et certain. e. s, à se demander ce qu’iels fichaient là. Pas de débordements dans le cortège que j’ai suivie et à la fin, des prises de paroles d’abord prises par les délégués syndicaux venus nous rappeler tout ce que l’on sait déjà, sauf quand un manifestant courageux vient prendre la parole pour dire a tout le monde que l’heure est grave et qu’il va falloir que les partis , les collectifs et les syndicats se remettent en question, qu’aujourd’hui le nombre de manifestant.e.s en baisse possède forcément une explication, qu’il fallait peut être penser à tisser du lien avec celleux qui se sentent complètement abandonné.e.s, Après ça, quelques réactions dans la foule dont celle d’un militant syndiqué , qui disait : “moi ça fait plus de 40 ans que je milite., je ne suis pas là pour recevoir des leçons et d’ailleurs en France on devrait faire comme en Allemagne, rendre l’adhésion à un syndicat, obligatoire.” Ensuite avec quelques personnes nous avons décidé d’aller prendre un verre et d’inviter ce camarade qui disait que pour réussir à créer un mouvement social d’ampleur , il fallait peut être que les partis de gauche , les collectifs et les syndicats se remettent en question dans leur fonctionnement et leurs actions .

Laisser un commentaire