IA #05 : Les exploits de l’intelligence artificielle


Contre Attaque vous propose une série de 5 articles pour mieux comprendre l’intelligence artificielle. Quelle est son histoire et son état à l’heure actuelle, ses pratiques dans le domaine militaire, son impact sur l’environnement et que faire des ses “exploits” ? Le domaine de l’intelligence artificielle est gigantesque et les investissements dans ce domaine augmentent de 30% chaque année. Chaque jour des nouveautés apparaissent, cette série d’articles ne prétend pas être exhaustive mais donne des clés de lecture pour une techno-critique de l’IA qui s’impose dans nos sociétés.


IA #05 : Les exploits de l'intelligence artificielle

« Les études sont unanimes : notre exposition constante aux IA diminue nos capacités à créer, à apprendre et à penser, altère nos liens sociaux et notre autonomie ». Ces mots sont de Marius Bertolucci dans son ouvrage L’Homme diminué par l’IA, publié l’année dernière.

Les Intelligences artificielles génératives pourraient en effet, d’ici 3 à 5 ans avec ChatGPT-7, être si «intelligentes» que face à la diminution de nos capacités cognitives, la puissance de l’intelligence artificielle nous ridiculisera. Voici quelques exemples d’usage de l’IA qui, à eux seuls, suffisent à démontrer le caractère dangereux de l’IA.

Les « DeepFake » (Faux profonds)

Les DeepFake sont des utilisations de l’IA afin de faire passer pour vrai un contenu créé par l’IA. Si cette tendance a commencé par des images trompeuses montrant le pape dans un doudoune, rapidement ces DeepFake sont devenus des vidéos. Au début de l’invasion Russe en Ukraine, une vidéo montrait ainsi Volodymyr Zelensky appelant ses troupes à rendre les armes. Rapidement démentie, la vidéo produite par le camp russe a tout de même permis la démoralisation du camp ukrainien en y semant le doute. Même si l’on sait immédiatement qu’elle est fausse, l’image d’un président défaitiste produit ses effets dans l’esprit des ukrainien-nes.

Les DeepFake sont souvent des vidéos si grossières qu’elles sont rapidement démenties, mais elles produisent tout de même des effets de confusion qui empêchent l’esprit critique d’analyser le monde et ses rapports de pouvoir. Au-delà de ce confusionnisme, les DeepFake pornographiques ont également vu le jour. Ce type de DeepFake représente 97% des contenus créés par cette technique. Ce n’est donc pas une frange marginale de personnes à l’esprit tordu qui auraient envie de nuire, mais bien la poursuite d’un système patriarcal qui considère le corps des femmes comme ses objets. Pour réaliser des DeepPorn, il suffit d’une seule photo de bonne qualité.

Ces « DeepPorn » ruinent des vies. Tout d’abord parce que le choc émotionnel de s’apercevoir soi-même dans une vidéo à caractère pornographique que l’on n’a pas réalisée est immense, mais aussi parce que retirer une vidéo d’internet est tout simplement impossible. L’essor des sites pornographiques le montrait déjà avec le combat de trop nombreuses femmes qui essaient de faire retirer les vidéos prises et diffusées sans leur consentement par des pourritures comme Dominique Pélicot.

IA Replika : Solution à la solitude

Elon Musk et Sam Altman sont tous deux à l’origine de projets dans le domaine de l’intelligence artificielle. Bien qu’ils se détestent, ils pensent que nous auront bientôt plus d’amis IA que d’amis humain. C’est l’objet de l’IA Replika, téléchargée plus de 30 millions de fois sur smartphone. L’IA Replika est une application qui permet de paramétrer un avatar personnalisé qui vous connaît mieux que vous-même et avec qui vous pouvez échanger. Si les chiffres varient, il est admis qu’une part non négligeable des utilisateur-ices entretiennent une relation amoureuse avec leur IA.

Nos sociétés font en effet face à un individualisme toujours plus marqué, et l’isolement social devient la règle dans des villes qui organisent des flux marchands et font disparaître les espaces de sociabilité non contrôlés. Au sein de ces déserts urbains, la mise en concurrence des emplois rompt la confiance sociale et tend à accentuer cette individualisation. Le monde rural n’est pas en reste : éloignées des flux urbains, les campagnes sont elles aussi de plus en plus isolées et prisonnières de transports individuels, sans compter la méfiance de « l’autre » alimentée par des chaînes d’infos toujours plus anxiogènes. Cette solitude de la modernité amène de plus en plus de gens à préférer une IA qui vous connaît, qui vous valide, à la réalité parfois complexe des relations sociales.

Somnium Space, HereAfter IA : Transcender la mort

Ce type d’IA est déjà très utilisé au Japon, en Chine ou aux États-Unis. L’objectif : faire parler les morts. Aussi hallucinant que cela puisse paraître, de multiples projets de ce type voient le jour. Le principe est d’utiliser l’intelligence artificielle pour poursuivre une relation à partir d’une grande quantité de données concernant une personne disparue.

L’argument qui justifie cette pratique est que cela permettrait, dans le cadre d’une disparition soudaine, de faciliter le deuil. Mais dans la réalité cela plonge les personnes endeuillées dans un deuil sans fin. Les étapes du deuil sont connues depuis longtemps, de même que leur importance dans le travail de reconstruction de soi et de son rapport au monde. En échangeant avec l’IA, le risque est de faire perdurer une relation « sociale » unilatérale. Le deuil ne peut alors jamais passer à l’étape suivante car la rupture du lien, vue comme trop douloureuse, ne peut se réaliser. De plus ces échanges toujours plus réalistes tendent à faire croire que l’IA est dotée d’une conscience. Mais si l’IA échange avec sens, elle n’a toutefois aucune compréhension émotionnelle de son impact sur l’interlocuteur-ice.

John Lenon a ainsi pu être ressuscité par l’intelligence artificielle en novembre 2023. Paul McCartney dévoilait alors un nouveau morceau de musique des Beatles : «Now and Then». Ce morceau enregistré, en 1978, a été retraité par l’IA afin d’extraire et recomposer la voix de John Lenon pour d’obtenir une qualité audio suffisante. Présenté comme le dernier morceau des Beatles, l’IA nous empêcherait presque d’y croire.

L’IA peut-elle être une artiste ?

Ai-Da est un robot humanoïde qui peint. Son premier tableau, une croûte représentant Alan Turing, a été vendu aux enchères à plus d’un million de dollars. Ce qui est hallucinant c’est que ce robot humanoïde définit lui-même avoir conscience de sa nature robotique. L’effet Eliza a tellement été intériorisé par ses créateurs qu’ils en ont empreint leur machine. L’IA générative ChatGPT est déjà considérée comme plus créative que 99% des humains, et voici désormais que les robots envahissent le monde de l’art. Mais sans intentionnalité, sans sensibilité ni désir de transformer le monde qui le reçoit, peut-on vraiment parler d’art pour qualifier les tâches de peinture d’AI-Da ?

L’intelligence artificielle Sora peut quant à elle créer une vidéo ultra-réaliste à partir d’une simple requête. Cette IA a récemment fait chavirer Holywood lorsque le réalisateur Tyler Péri a tout simplement abandonné un projet d’agrandissement de ses studios à 800 millions de dollars en découvrant ses productions. Le cinéaste se déclare choqué par la performance de Sora, et ajoute : «Je n’aurai plus besoin de me rendre sur les lieux de tournage. Si je veux être dans la neige au Colorado, c’est du texte».


Ces 4 cas d’usage de l’IA impliquent des transformations majeures sur l’ensemble des domaines de nos vies, notamment dans l’ordre de l’intime et de notre sensibilité. Si les défenseurs de l’intelligence artificielle prétendent soigner les maux des utilisateur-ices ou les manquements de nos sociétés humaines, ces exemples tendent à démontrer que son développement dans les sociétés capitalistes, patriarcales et impérialistes ne fait qu’accélérer les effets destructeurs de ces systèmes de domination.

Pourtant l’intelligence artificielle est aussi utilisée dans le domaine médical, pour détecter des tumeurs par exemple. Il y a donc bien des usages souhaitables de l’IA. Mais les conditions de notre environnement actuel ne permettent pas de les distinguer des effets néfastes. Les deux ne font que s’auto-alimenter vers une destruction du vivant.

À nous de voir : exploser ces systèmes de domination ou débrancher la machine ?


Les précédents articles de notre série sur l’IA :

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