Contre Attaque vous propose une série de 5 articles pour mieux comprendre l’intelligence artificielle. Quelle est son histoire et son état à l’heure actuelle, ses pratiques dans le domaine militaire, son impact sur l’environnement et que faire des ses “exploits” ? Le domaine de l’intelligence artificielle est gigantesque et les investissements dans ce domaine augmentent de 30% chaque année. Chaque jour des nouveautés apparaissent, cette série d’articles ne prétend pas être exhaustive mais donne des clés de lecture pour une techno-critique de l’IA qui s’impose dans nos sociétés.
Le développement d’IA génératives
Parmi les formes d’intelligences artificielles, il y a l’IA générative, celle capable de produire du contenu. La plus connue est ChatGPT, créée par OpenAI et publiée en 2022. ChatGPT est un robot conversationnel qui imite le langage humain à l’écrit. OpenAI a aussi créé DALL.E, une IA publiée en 2021 qui génère des images à partir d’une demande.
Ces deux intelligences artificielles sont caractéristiques de la fuite en avant de l’IA ces dernières années. L’IA n’est plus seulement une machine qui calcule vite et prédit avec une faible marge d’erreur, mais une machine qui crée. À tel point que certaines personnes y voient même de la conscience. C’est l’effet Eliza, qui provient du premier agent conversationnel créé dans les années 1960 et qui ne faisait que reformuler une phrase sous forme interrogative. Cette simple «prouesse» suffisait à donner l’impression à ses utilisateurs que la machine avait une conscience. De nos jours, c’est un ingénieur travaillant sur LaMDA, l’IA générative de Google, Blake Lemoine, qui considère que cette IA serait douée de sensibilité « comme un enfant » et aurait donc des droits. Blake Lemoine a été licencié par Google quelques semaines plus tard…
Le principe d’utilisation de l’IA générative est simple : l’IA génère un contenu à partir d’une demande. Derrière cette simplicité se cache un monstre, une destruction du langage. L’effet néfaste des réseaux sociaux, déjà largement démontré sur les enfants, pourrait être amplifié par l’IA. Les réseaux sociaux ont atomisé les capacités de concentration, volant du «temps de cerveau disponible» pour le marchander, au détriment des activités de lecture ou de socialisation réelle. L’IA pourrait ainsi voler le langage. En effet, s’il vous suffit de taper trois mots pour obtenir une argumentation qui vous convienne, les effets de replis pourraient être immenses et les capacités cognitives humaines réduites au strict minimum.
L’IA reniée par ses créateurs ?
De manière générale, lorsque qu’un progrès est possible, il est systématiquement intégré à nos sociétés sans qu’une analyse de ses conséquences néfastes ne soient envisagées. Afin d’illustrer ce propos, on peut reprendre le cas des géants de la Silicon Valley, en Californie, qui protègent leurs enfants de la technologie. Par exemple chez Bill Gates, pas de téléphone avant 14 ans. On trouve aussi une ex-cadre de Facebook qui reconnaissait interdire Facebook à ses enfants. Les effets néfastes sont bien connus des technocrates, mais ne suffisent pas à raisonner les usages. Les affaires sont les affaires.
En matière d’intelligence artificielle, Elon Musk est un exemple caractéristique. Elon Musk est un libertarien qui souhaite par principe la libre-entreprise et empêcher l’intervention de l’État dans le monde des affaires. Il a pourtant co-signé en mars 2023 un appel à un moratoire sur l’intelligence artificielle plus puissante que ChatGPT4, en évoquant «des risques majeurs pour l’humanité», rien que ça. Parmi les signataires on retrouve des membres d’Apple, Microsoft et Google.
Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) ont donc conscience, et même peur, de l’impact des technologies numériques sur les sociétés humaines. Un dernier exemple concerne Microsoft qui a développé une Intelligence artificielle si «puissante» qu’il n’ose pas la publier. Nommée VALL-E 2, cette IA permettrait notamment d’imiter la voix humaine et ses émotions avec une telle précision que Microsoft craint un usage «malveillant». Il donne comme exemple la possibilité d’appeler une personne en se faisant passer pour un proche en détresse afin d’arnaquer cette dernière.
Ces multiples exemples démontrent à minima l’importance de considérer l’impact de l’intelligence artificielle dans nos vies avant de l’utiliser, au mieux de s’en passer.
Les effets de l’IA sur le travail
Une autre facette de l’intelligence artificielle est à considérer dans le travail. Dans ce domaine se trouve la finalité de l’IA : «gagner en efficacité». Une autre manière de dire produire plus avec moins de moyens humains. C’est une nouvelle phase du capitalisme qui, après avoir brisé les corps et les esprits, entend se passer des corps et des esprits. Janine Berg, économiste à l’Organisation Internationale du Travail, une agence de l’ONU, estimait en janvier 2024 que 427 millions d’emplois dans le monde pourraient être transformées profondément par l’IA. Et 75 millions d’emplois automatisées, soit 2.3% des emplois dans le monde.
Les emplois concernés sont «les employés de centres d’appel, les secrétaires, les opérateurs de saisie, des activités linéaires et simples, avec peu de variations dans les tâches, peu d’interactions avec autrui, [qui] pourraient être remplacés par des bots». C’est-à-dire des métiers où la précarité est la règle et l’intérim la norme. Si des milliers d’emplois sont remplacés par des intelligences artificielles, quid des travailleurs et des travailleuses ? Non pas que le travail dans sa forme actuelle soit souhaitable, mais il permet toutefois à des millions de familles de survivre.
Face à ces craintes, les entreprises rassurent en promettant que l’intelligence artificielle va créer des millions d’emplois d’ici 2033, à des postes que l’on ne peut même pas encore imaginer. Le raisonnement des libéraux repose sur le concept de destruction-créatrice de Joseph Schumpeter (l’économiste préféré d’Emmanuel Macron) qui voudrait qu’une avancée technologique détruise nécessairement des emplois, voire fasse disparaître des corps de métiers, pour en créer d’autres dont la productivité sera supérieure.
Cette vision simpliste de Schumpeter conduit à tenir un discours techno-solutionniste : il y aura de nouveaux métiers qui restent à inventer et qui permettront aux gens sur le carreau de se reconvertir. Ceci est entièrement faux, il est tout à fait possible d’imaginer ce type de postes. Ce seront des postes pour les «élites» qui auront fait des formations inaccessibles, d’autant plus avec la casse des services publics et la sélection à l’université. En guise de reconversion des emplois détruits par la mise en place de l’IA : que dalle. Ce fût avoué à demi-mot par Arthur Mensch, fondateur de Mistral AI, IA française, qui considère que seul un millier de personnes dans le monde sont capables de créer ces meilleurs IA.
L’intelligence artificielle, c’est donc l’accroissement des inégalités. Pire encore, c’est la démonstration d’un système inégalitaire et patriarcal puisque parmi les 75 millions d’emplois supprimés par l’intelligence artificielle, ce sont les femmes qui seront 2,5 fois plus touchées. En effet, parmi les emplois concernés, beaucoup concernent les positions d’employées peu qualifiées dans le tertiaire, encore aujourd’hui très majoritairement occupées par des femmes.
L’intelligence artificielle est donc en train de transformer en profondeur nos sociétés et ses impacts estimés ne suffisent pas à contrôler son déploiement. Une partie non négligeable des technocrates, jusqu’aux libertariens qui participent pourtant à son développement, demande une forme de régulation. On dirait bien que l’ensemble de la société est dans une fuite en avant et que plus personne n’assume d’être aux commandes.
Et si on débranchait la machine, qu’on reprenait notre autonomie ?
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Une réflexion au sujet de « IA #02 : L’Intelligence Artificielle de nos jours »
La critique d’elon musk est tout sauf vertueuse, il s’agit d’une crapule qui n’a pas investit à temps dans l’IA et qui dénigre ses concurrents en espérant les ralentir afin qu’il rattrape son retard !
Quand aux emplois humain remplacés il faut souligner que ce n’est pas exactement la meme chose, une IA fournit un erzatz de service humain.
C’est comme quand vous remplacez la bouffe naturelle par ce qu’on mange actuellement mélange d’OGM d’hormones et d’antibiotiques.