Quand on dépense un demi million d’euros pour un seul blindé flambant neuf, la moindre des choses qu’on espère c’est que ce dernier tienne un minimum la route.
Le Centaure, nom qui évoque cette créature virile mi-homme mi-cheval de la mythologie grecque, est le nom du nouveau véhicule de la gendarmerie « made in France », commandé en 2021 afin de remplacer les précédents engins vieillissants. Coût total de l’opération : 70 millions d’euros.
On apprend sur le site de la gendarmerie que 90 de ces engins seront mis en service d’ici 2025. On a déjà pu apercevoir les premiers modèles face aux cortèges écologistes, notamment dans le cadre de la lutte contre l’autoroute A69, dans le sud-ouest de la France. Pesant 14,5 tonnes et équipé d’une caméra avec une portée de 9 kilomètres efficace de jour comme de nuit, de lanceurs de grenades, d’une mitrailleuse et de gadgets en tout genre, ce blindé est décrit comme un « concentré de technologies et de robustesse ». Une robustesse mise à mal par… Le climat kanak.
Le Canard enchaîné révèle en effet qu’au mois de mai dernier, 16 de ces petites merveilles de technologie ont été envoyées en Kanaky afin de mettre au pas la révolte. Malheureusement, les gendarmes n’avaient pas été prévenus que leurs jouets sont des colosses aux pieds d’argile : ils ont besoin d’être stockés au frais.
En effet, l’attirail technologique ne supporte pas la chaleur et l’humidité. Ce qui, vous en conviendrez, s’accommode fort mal du climat tropical kanak. La Cour des comptes avait d’ailleurs mis en lumière la nécessité d’un plan de maintenance pour les Centaures. Et donc, voilà nos 16 bestiaux, tous inutilisables… Les pauvres blindés avaient besoin de hangars climatisés pour rester fonctionnels, plus fragiles qu’un sénateur LR qui pantoufle depuis 40 ans.
La France est, rappelons-le, championne européenne du matériel répressif. Le Centaure, présenté comme un engin de protection, n’est qu’un énième élément de contrôle des populations non blanches et contestataires. En effet, il avait été utilisé notamment dans le cadre de la féroce répression des révoltes des quartiers populaires après le meurtre de Nahel en 2023. Christian Rodriguez, ancien directeur de la gendarmerie, en faisait l’éloge lors d’une audition à l’Assemblée nationale : «Un engin exceptionnel. Nous l’avons utilisé durant les émeutes urbaines des mois de juin et juillet, à la fois pour protéger les gendarmes qui se déplaçaient, mais également pour réduire quelques barricades. Il est doté de capacités de diffusion de lacrymogène impressionnantes».
Aucun de nos pays voisins ne dispose d’engins similaires, comme le soulignait la Cour des comptes, très critique vis-à-vis de l’utilité de telles machines : «De forts doutes entourent l’adéquation de la flotte de Centaure à l’usage réel qui en sera fait» indiquait son rapport. Les magistrats ignoraient qu’il suffisait d’un peu de chaleur et d’humidité pour mettre ces véhicules hors-service. Ça promet en cas de réchauffement climatique !
La France continue ainsi de dilapider l’argent public en attirail répressif et matériel de guerre. Cette semaine on apprenait que l’État avait aussi commandé pour 27 millions d’euros de grenades de désencerclement, une commande qui complète les 4 millions d’euros d’achats de matraques télescopiques en septembre. L’austérité oui, mais pas pour tout le monde.
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