Coups de tronçonneuse dans le budget de la Région et ultralibéralisme réactionnaire à marche forcée.
Depuis une semaine la région des Pays de la Loire est sous le choc des annonces de la présidente de la région Christelle Morançais : 100 millions d’euros d’économies pour 2025, alors que le gouvernement n’en demandait «que» 40 millions. Dès lundi 25 novembre, plus de 3 000 personnes se massaient devant l’hôtel de région pour amorcer un mouvement de contestation rassembleur. Quasiment tous les secteurs sont frappés par les coupes : la culture (-73%), le sport (-66%), l’économie sociale et solidaire, l’égalité femmes-homme (-100%), la transition écologique, l’agriculture…. L’opposition a annoncé proposer un budget alternatif. Mais quelle sera l’impact concret derrière ces chiffres ?
Les acteurs des secteurs touchés se sont réunis mercredi 27 novembre à la cité des congrès, afin d’organiser la suite de la lutte et de mettre en lumière les mensonges de Mme Morançais. Celle-ci justifie cet élan drastique d’austérité par une baisse des recettes de la TVA et une participation à l’effort national pour éponger la dette. Or, comme l’explique Stéphane Ibarra, élu au conseil régional qui siège à la Commission, ces justifications sont fausses : les recettes de la région ne baissent pas contrairement à ce qui a été annoncé, elles ne progressent pas comme prévu, nuance (et mensonge).
Pour rappel, l’ancien ministre de l’économie Bruno Lemaire, qui appartient au même groupe parlementaire que Christelle Morançais, a été auditionné par la commission des finances du Sénat pour la dérive des finances publiques et notamment une mauvaise estimation du déficit : 4,4% prévu initialement, qui sera de 6,1% en réalité. Ces mauvaises estimations relèvent soit de l’incompétence la plus crasse, soit d’une manœuvre cynique pour justifier des coupes franches a posteriori.
Un élue autoritaire qui se gave d’argent public
Ironie du calendrier, le journal Médiacités sortait au même moment une enquête sur les notes de frais de la présidente. Cette dame charmante qui a fait fortune dans l’immobilier est loin d’être dans le besoin. C’est pourtant la présidente de région la mieux payée de France, avec son collègue de la région Bretagne : 6.880€ mensuels.
Plus que confortable, mais pas suffisant pour Morançais, qui affiche un grand intérêt pour la ville de Paris avec de nombreux déplacements et repas avec des journalistes ou dans des clubs privés de réseautage de la capitale. C’est pas cher, c’est le contribuable qui paie ! Restaurants, nuits d’hôtel, la vie est belle pour l’élue qui prône l’austérité budgétaire : elle a claqué plus de 40.000€ d’argent public entre 2021 et 2023 pour ces déplacements ou ses sorties dans le très chic club privé parisien « We are ». Elle s’est également offert un photographe personnel car “elle trouvait qu’il n’y avait pas assez de photo d’elle”… Un petit souci d’égocentrisme peut-être ?
Le train de vie de Madame la Présidente connaîtra-t-il lui aussi un coup de tronçonneuse, ou cela ne vaut-il que pour la plèbe ? S’il faut faire des économies, pourquoi ne montre-t-elle pas l’exemple ? Charité bien ordonnée commence par soi-même.
En coulisse, la Présidente est en outre vivement critiquée pour ses méthodes autoritaires et solitaires. Ainsi, Mediapart révélait cette semaine qu’elle n’aurait dû annoncer “que” 80 millions de coupes budgétaires et pas 100, mais qu’elle aurait pris cette décision de son propre chef pour avoir “un chiffre rond, plus fort médiatiquement”.
Les annonces de coupes ont été faites de manière extrêmement brutales, sans aucune concertation. Dans les agences de la région, on demande même aux agents de préparer des coupes qui impacteront potentiellement leur propre poste. Autodétruisez vos boulots en somme. Un mépris et une violence sans nom. Madame Morançais a de plus en plus de mal à cacher ses ambitions gouvernementales. Cette manœuvre sur le budget aurait-elle pour objectif de faire les yeux doux au candidat à la présidentielle Édouard Philippe en se présentant en bonne élève ?
Une politique ultra libérale à marche forcée, une attaque frontale aux structures ancrées à gauche
Avec Christelle Morançais, c’est donc une politique ultra libérale et réactionnaire imposée à la région, avec le soutien d’un gouvernement illégitime. Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser de plus prêt à ces coupes budgétaires, qui touchent en grande majorité les structures considérées comme étant proches de la gauche. La présidente ne s’en est pas cachée, dans son viseur : “la culture subventionnée et politisée”. Prenons quelques exemples concrets :
Pour la culture, dont les subventions sont donc amputées de 73% du budget, qui est épargné ? L’Abbaye royale de Fontevraud par exemple, qui devrait conserver 90 % des 5 millions d’euros de subventions accordées par la région. Le message est clair : la culture n’est importante que si elle sert le récit réactionnaire de la droite décomplexée. Sauvez l’abbaye, mais détruisez des milliers emplois.
Du côté des associations et de l’économie sociale et solidaire : le Mouvement associatif Régional qui accompagne les 106 000 associations Pays de la Loire s’est vu retirer sa subvention de 50 000€. Cela pourrait être le plus grand plan social jamais vu dans la région. Entre 13 000 et 22 000 suppressions d’emplois sont à craindre, selon le mouvement qui rappelle que cela fera le jeu de l’extrême droite dans la région car de nombreuses associations qui font du lien dans les zones rurales cesseront de fonctionner. Une étape de plus vers l’atomisation et la désocialisation dans les campagnes.
Chez les missions locales : les subventions passent de 3 millions à 0, elles sont donc purement et simplement supprimées, laissant sur le carreaux des dizaine de milliers de jeunes (en 2021, ce sont 96 000 jeunes qui ont été accompagnés par les missions locales).
Au planning familial, dont l’action consiste entre autres à réaliser des animations en milieu scolaire sur l’éducation à la vie affective et sexuelle, il est annoncé que les 33 animations financées par la région pourraient tout simplement disparaître si ce budget était voté. Cette coupe budgétaire intervient alors que cette association qui lutte pour le droit à la contraception et à l’avortement est la cible depuis de nombreuses années des réactionnaires. À présent même au sein du gouvernement, un ministre a repris les mots de l’extrême droite par l’intermédiaire du ministre délégué chargé de la réussite scolaire, qui a critiqué l’éducation à la vie affective et sexuelle soit disant «militant et faisant la promotion de la théorie du genre».
Le fait qu’un ministre reprenne à son compte le langage des catholiques intégristes est inédit et fait sauter un peu plus la digue qui sépare le gouvernement des fascistes.
D’ailleurs, la région, qui n’est pas à une provocation près, soutient l’association «La nuit du bien commun», une association financée par le milliardaire d’extrême droite Pierre Sterin, qui fait des interventions gratuites d’éducation à la sexualité sous un angle religieux et réactionnaire dans les lycées catholiques de la région. D’un côté, la fin de l’éducation à une sexualité saine et respectueuse pour toutes et tous, et de l’autre le soutien à une approche de la sexualité rétrograde. Il faut dire que Morançais participait déjà à la Manif pour tous il y a 10 ans.
Enfin, au niveau de l’écologie, c’est la fin du financement de nombreuses associations de la transition énergétique, que ce soit dans l’aide au développement de projets d’énergie renouvelable, la préservation de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique ou à l’éducation à l’environnement. Une adaptation qui est une question de vie ou de mort, comme on l’a vu récemment à Valence, en Espagne. Mais les calculs politiques de la Présidente de région valent plus à ses yeux.
Ainsi, le message est clair : on ne soutient plus que ce qui sert notre discours réactionnaire.