Sans caméra, cet acte hallucinant commis par un policier n’aurait jamais pu être prouvé. Les images ont été rendues publiques, entraînant une vague de manifestations au Brésil.
À Sao Paulo, la plus grande métropole brésilienne, dans la nuit du dimanche 1er décembre, un policier militaire tient un homme qu’il vient d’interpeller sur un pont. Les forces de l’ordre intervenaient pour faire cesser une danse dans la rue. Mais sans autre forme de procès, par surprise, l’agent soulève l’homme arrêté par la jambe et le fait glisser par dessus le rebord. Ses collègues regardent et laissent faire. Ils n’ont même pas l’air surpris.
Le père du jeune homme a raconté la suite à la chaîne TV Globo : son fils est tombé la tête la première en contrebas, heurtant le sol situé trois mètres sous le pont. Il a miraculeusement survécu, et a été secouru par des sans abris, qui ont permis une prise en charge à l’hôpital.
La diffusion de la vidéo des faits a donc provoqué un choc sur les réseaux sociaux et engendré des protestations contre les violences policières. Ce qui a poussé le gouverneur a demander le placement en détention du policier concerné, et la mise à pied de ses douze collègues présents sur place. Il faut dire que l’agent responsable avait déjà été mis en cause pour un meurtre. Une affaire classée sans suite.
Ce crime est loin d’être isolé à Sao Paulo. Début novembre, des images montraient un policier militaire tirer onze fois dans le dos d’un jeune homme noir dans un supermarché. Quinze jours plus tard, les bandes de surveillance d’un hôtel montraient un policier en train de tuer un étudiant d’une balle dans le ventre. Un enfant de 4 ans avait été abattu par un tir policier lors d’un échange entre policiers et trafiquants. Au moins 580 personnes ont trouvé la mort lors d’interventions policières dans l’État de Sao Paulo entre les mois de janvier et septembre 2024, soit une augmentation de 55% par rapport à l’année précédente.
À la tête de cet État depuis le 1er janvier 2023, on trouve le politicien d’extrême droite Tarcísio de Freitas. Celui qui est le nouveau gouverneur de Sao Paulo a été ministre et membre du cabinet de l’ancien président Jair Bolsonaro. Il se dit partisan du rétablissement de la monarchie et appelle à «tuer» les criminels. Son élection a décomplexé encore davantage l’usage de la violence par la police brésilienne, qui est déjà la plus meurtrière de la planète.
Entre 2015 et 2019, environ 25.000 brésilien-es ont été tué-es par des policiers. 6.429 personnes sont mortes lors d’interventions de police rien qu’en 2022, soit une moyenne de 17 personnes par jour.
Le mode opératoire des forces de l’ordre ? La guerre. Des unités militarisées issues de la période de dictature entrent dans les favelas avec des blindés et des armes de guerre, et tirent sur tout ce qui bouge. À Rio des milices composées d’anciens policiers ont même pris le contrôle de quartiers entiers et font régner la terreur.
Parmi les crimes sécuritaires atroces qui ont défrayé la chronique au Brésil, la mort de Thiago Menezes Flausino, âgé de 13 ans, tombé sous les balles de la police dans une favela de Rio, dans le célèbre quartier de la Cité de Dieu l’an dernier. Peu de temps après, une petite fille de 5 ans, Eloá Passos, était tuée d’une balle perdue alors qu’elle était chez elle lors d’une autre opération de la police dans la même ville. En une semaine, au moins 45 personnes étaient mortes lors de ces opérations destinées à lutter contre le trafic de drogue. Dans l’État de Bahia au nord du pays, une seule opération a tué 19 personnes début août 2023.
Le 25 mai 2022, une vidéo prise dans le Nordeste du Brésil montrait des policiers placer un homme noir et handicapé dans le coffre de leur voiture, avant de jeter une grenade lacrymogène à l’intérieur. La victime était morte asphyxiée dans d’atroces souffrances, en plein jour, au milieu des passants.
Le 14 mars 2018 Marielle Franco, une conseillère municipale de gauche de la ville de Rio de Janeiro, ainsi que son chauffeur étaient assassiné-es à coups de mitraillette dans leur véhicule. La jeune élue noire se battait pour la justice sociale, contre le racisme et les violences policières. Elle était la voix des démunis de la ville. Après plusieurs mois d’enquête, trois chefs miliciens ont été identifiés comme responsables de son assassinat. Deux étaient des anciens policiers.
Le personnage central, Adriano da Nobrega, était un ancien policier du BOPE – une troupe d’élite meurtrière de la police – en fuite depuis 2019 et proche de la famille Bolsonaro.
Les violences systémiques de la police brésilienne sont légitimées dans l’opinion par toute une industrie médiatique. Les films «Tropa de elite» montrent en deux opus les actions musclées de la police militaire et ont connu un succès immense. Ces films restent une référence dans l’imaginaire de la droite brésilienne. Les BOPE sont aussi mis à l’honneur dans le jeu vidéo «Tom Clancy’s Rainbow Six : Siege», comme s’ils étaient des héros.
Le jet d’un homme au-dessus d’un pont pour avoir dansé ou la mise à mort d’une personne handicapée nous choquent, mais la situation brésilienne est-elle si éloignée de celle de la France ?
Le 2 août 2019, un policier français, avait été photographié lors d’une manifestation en hommage à Steve, devant les locaux de l’IGPN à Paris, portant un T-Shirt avec un gros logo du BOPE. La police militaire du Brésil, qui inspire donc les factions radicalisées de la police française.
Plus récemment, nous avons vu dans les rues françaises un mode opératoire en tous points ressemblant à l’action des escadrons de la mort brésilien : l’État français a déployé des forces anti-terroristes comme le RAID et la BRI contre des populations civiles après le décès de Nahel. Les images d’agents cagoulés, lourdement armés et montés sur des véhicules blindés, tirant au fusil à pompe au hasard dans les rues de Marseille ou de Lille auraient pu être filmées à Rio ou Sao Paulo.
Plus troublant encore, l’État français vient de commander des munitions fabriquées au Brésil et utilisées par sa police. En novembre 2023, un énorme achat de grenades pour le maintien de l’ordre a été passé à la firme Condor, qui équipe les agents du Brésil, et qui fabrique une grenade à «effets combinés», qui explose en provoquant un blast sonore et déclenche un flash lumineux, destiné à aveugler.
Il semble donc que le Brésil soit un modèle à suivre pour les autorités françaises. En 2021, le syndicat d’extrême droite «France Police» réclamait que notre pays «s’inspire du modèle brésilien et Philippin» estimant que le président Bolsonaro obtient d’excellents résultats en ayant donné carte blanche à la police pour reprendre le contrôle des zones de non droit». Le syndicat France Police est dirigé par un membre du Rassemblement National, qui prétend gouverner le pays.
Le Brésil est l’un des pays les plus inégalitaires et violents au monde, où règne une ségrégation sociale et raciale généralisée, et où l’ordre ne s’obtient que par la violence. Voilà ce qui inspire une partie de l’échiquier politique français et de ses forces de répression.
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Une réflexion au sujet de « Un homme jeté d’un pont : au Brésil, une police ultra-violente »
La police c’est une institution facsiste, raciste, sexiste et homophobe, faite pour repondre à la violence bourgeoise et plus le régime sous lequel elle se trouve est d’extrême droite et plus elle est en roue libre.