« Cathédrale de la diplomatie mondiale » pour certain-es, gabegie d’argent public pour d’autres, la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris a été l’illustration du soft power macroniste et un hymne frelaté à la France éternelle.
Réenchanter le roman national
« Moment historique. Ensemble, nous avons rebâti Notre-Dame. Cœur de Paris. Âme de la France. Joyau de l’humanité ». Emmanuel Macron n’avait pas assez de superlatifs pour décrire ce moment qui était tout à sa gloire. Comme s’il avait lui-même réparé le toit de l’édifice.
Alors que le pays est en pleine crise politique, que nous nous retrouvons sans gouvernement, sans budget, qu’un enfant sur cinq ne mange pas à sa faim, que des centaines de milliers d’emplois sont menacés en France avec des plans de licenciements sans précédent, que sa cote de popularité côtoie les bas fonds et que les appels à sa démission affluent de toute part, Macron ressort sa recette miracle : cacher la misère derrière un événement qui réenchante le roman national.
Tout comme les JO cet été, le rôle de la réouverture de Notre-Dame est primordial pour le récit de Macron. Il veut se poser en Roi bâtisseur, en référence à ces Rois de l’Ancien Régime qui dépensaient des sommes faramineuses pour construire des monuments à leur gloire et laisser leur trace dans l’Histoire. L’archevêque de Paris déclarait au chef de l’État « Nous savons ce que l’Église, Paris et la France vous doivent ».
C’est Clément Léonarduzzi, l’ancien conseiller en communication d’Emmanuel Macron devenu consultant, qui s’est occupé d’accompagner le diocèse pour sa communication autour de la reconstruction de la cathédrale. « La participation de Publicis se fait à titre gratuit, dans le cadre d’un mécénat » apprend t-on.
La laïcité ? C’est bon pour traîner les femmes qui portent le voile dans la boue et criminaliser les musulman-nes, le nouvel ennemi intérieur. Quand il s’agit de Notre-Dame de Paris, de participer au roman national de la France éternelle, c’est différent voyez-vous. Près de 120 ans après la Loi de séparation de l’Église et de l’État, la cérémonie avait une rance odeur d’Ancien Régime.
Un Roi et sa Cour
Tout comme pour la cérémonie d’ouverture des JO, une débauche de moyens a été employée pour faire de cette cérémonie un événement marquant. Dix millions d’euros, un tiers financé sur fonds publics, le reste par le diocèse de Paris via le mécénat. Et oui, faire venir Pharell Williams ou Vianney, Nicolas Sarkozy, Hollande, des duchesses anglaises et des centaines d’autres bourgeois venus en jet privé, et leur offrir un dîner à l’Élysée, ça coûte cher. Le tout encadré par pas moins de 6.000 policiers, un pognon de dingue.
La nécessité de faire des économies ? C’est bon pour la plèbe ! Les voix qui critiquent Emmanuel Macron en ce moment d’unité et de recueillement national ? Des troubles fêtes ! Jack Lang, l’ancien ministre de la culture, s’est ainsi indigné qu’on critique le Roi : « Un peu de dignité, bordel ! Alors que le monde entier se tourne vers la renaissance de Notre-Dame, des flots de haine se déversent sur la personne du Président de la République, occultant certaines de nos grandes réussites françaises, pourtant pleines de promesses ». De la dignité pourtant, on en cherche dans le comportement de Macron et de Jack Lang.
Invités stars de l’événement : le couple capitalo-fasciste Trump-Musk. Emmanuel Macron était le premier dirigeant européen à s’empresser de féliciter le milliardaire putschiste réélu aux USA. Il est aujourd’hui le premier à l’accueillir à l’extérieur des États-Unis depuis l’élection de novembre. Un tapis rouge étalé devant un dirigeant libertarien autoritaire, raciste et misogyne, qui demande la peine de mort pour tout migrant tuant un Américain. Mais Macron a une fascination morbide pour Donald Trump et les États-Unis depuis toujours.
Quant à Elon Musk, le milliardaire illuminé, aujourd’hui ministre de « l’efficacité gouvernementale », il avait été chaleureusement félicité par le ministre macroniste Guillaume Kasbarian à sa nomination.
Le cynisme des riches
À l’époque de l’incendie, en avril 2019, l’événement avait détourné l’attention de la révolte des Gilets jaunes : le feu dans la charpente était devenu LE drame qui servait à fabriquer une union nationale autour d’un symbole religieux.
Mais les dons records récoltés en quelques jours avaient fait grincer des dents. Plus de 843 millions, certains de petit-es donateur-ices, mais la plupart de « nos riches » : François Pinault (100 millions d’euros), Bernard Arnault (200 millions), TotalEnergies (100 millions), la famille Bettencourt (200 millions). Un étalage indécent alors même que des centaines de milliers de personnes déferlaient en France pour plus de justice sociale. La vraie générosité est celle qui ne se montre pas, parait-il. Les milliardaires se sont offert une campagne de pub pour pas cher.
Ingrid Levavasseur, une des figures des Gilets Jaunes, avait ainsi critiqué cette course aux dons : « L’inertie des grands groupes face à la misère sociale alors qu’ils prouvent leur capacité à mobiliser en une seule nuit un pognon de dingue pour Notre-Dame ». Mais le symbole que représente une cathédrale a plus d’importance pour ces gens là que la vie des travailleur-euses qu’ils exploitent.
En outre, ces dons, largement défiscalisés, faisaient en réalité peser les coûts sur… les finances publiques. Mais Édouard Phillipe avait à l’époque balayé toute polémique : « Nous devons nous réjouir de ce que des personnes physiques […] parfois très riches, que des entreprises souhaitent participer à l’effort de reconstruction […] Notre-Dame n’est pas seulement un bâtiment » mais est « au cœur de la France, au cœur de notre histoire ».
Les riches peuvent tout détruire, tant qu’ils peuvent contribuer au roman national. On songe à un autre roman, Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, qui était au contraire une ode aux vieux Paris, celui des exclus, et une charge contre les superstitions et l’injustice des puissants.
Une opération diplomatique ?
Le journal 20 minutes n’a pas hésité à qualifier Notre-Dame de « cathédrale de la diplomatie mondiale ». Plus d’une cinquantaine de chefs d’État étaient présents. Rencontre hautement symbolique, Macron a pu se faire photographier entre Trump et le président ukrainien Zelensky, invité surprise. Il s’agit de la première rencontre entre les deux hommes politiques depuis l’élection de Trump. Élection qui risque de changer la donne pour la guerre en Ukraine, puisque Trump avait promis de « régler le problème en moins de 24h », sans jamais expliquer comment…
Si Macron s’est longuement fait photographier au milieu de dirigeants étrangers, c’est justement parce qu’il a complètement détruit la diplomatie française et anéanti la voix de la France sur la scène internationale, par ses outrances, ses mensonges et ses revirements, notamment à propos de la Palestine.
En définitive, l’inauguration de Notre-Dame est un merveilleux coup de pub pour Macron, mais il ne suffira pas à masquer la haine que lui vouent de plus en plus de Françaises et Français qui attendent sa chute avec plus de hâte que les enfants qui attendent d’ouvrir leurs cadeaux de Noël.
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3 réflexions au sujet de « Inauguration de Notre-Dame de Paris : le show d’un monarque déchu »
Manu peut faire tout ce qu’il veut, il est considéré, à l’international, comme une quiche (on l’a bien vu avec les gendarmes français humiliés par les israéliens, ou avec l’absence de solidarité des ministres européens avec la France lorsque panier-runnacher a décidé de ne pas se rendre à Bakou pour la COP 29 du fait des tensions géopolitiques lourdes entre la France etl’Azerbaïdjan). C’est un gamin de 10 ans qui continue à vouloir jouer dans la cour des grands avec l’argent public.
Et comme le disait Pierre-Emmanuel Barré sur Nova dimanche soir, en énumérant tout le « beau monde » présent samedi dans la cathédrale, « personne n’a pensé à rallumer un incendie », « on est passé à un bidon d’essence d’un monde meilleur »…
Femmes du monde, stars et putains , Notre Dame de Paris à accueilli le ramassis des culs bénis de la bourgeoisie.
Ça me fait penser à la chanson Kingdom du groupe électronique (des années 90) Ultramarine – adaptée d’une poème d’Ernest Jones (The Song of the low – La chanson des miséreux) et chantée par Robert Wyatt.
https://www.youtube.com/watch?v=BTbHxoAttyk
C’est Macron (et Sarkozy et Hollande avant lui) qui pense que ‘We’re low, we’re low, mere rabble we know’ – ‘Nous somme miséreux.se…une simple cohue, (et) nous le savons’. Mais c’est à nous de prouver qu’il a tort!