Une justice bourgeoise au service des intérêts du capital, chapitre 1312
C’était une nouvelle qui avait mis un peu de baume au cœur en cette fin d’année morose : au Tribunal Administratif de Toulouse, la rapporteure publique Mona Rousseau proposait le 25 novembre l’annulation de l’autorisation environnementale au chantier de l’A69 en l’absence de « raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) ». Autrement dit : l’arrêt pur et simple du chantier. L’affaire s’annonçait plutôt bien : dans le cadre d’une procédure administrative, l’avis du ou de la rapporteure est presque systématiquement suivi. L’autoroute était presque enterrée.
Mais la justice bourgeoise ne défend que les intérêts du Capital, et il ne faut jamais croire qu’elle aura le courage d’affronter les grands industriels. La décision rendue hier lundi 9 décembre par le Tribunal Administratif de Toulouse est une entourloupe : l’instruction est rouverte, et une autre audience est annoncée « dans quelques mois ». En attendant, le chantier continue. Et dans plusieurs mois, il sera sans doute trop tard, quelle que soit la décision, car les arbres sont déjà en train d’être tronçonnés, les terres artificialisées, le béton et le bitume seront bientôt posés…
Selon les magistrats, les préfectures du Tarn et de la Haute-Garonne auraient apporté de nouveaux éléments au dossier, ce qui obligerait de décaler la décision. Excuse fallacieuse : il s’agit d’une baisse de 33% du prix du péage, ce qui n’est en rien un des éléments soulevés par la rapporteure. L’objectif est simple : gagner du temps, et permettre à Atosca de continuer à avancer dans les travaux pour que tout recours devienne impossible.
Les militants et militantes du collectif La voie est libre, qui luttent avec acharnement contre l’A69 depuis des années, parfois au péril de leur vie, ont fait part de leur profond dégoût face à ces magouilles politiciennes dans un communiqué : « Le droit nous a donné raison mais la Justice vient de temporairement nous priver de tout moyen légal d’arrêter ce chantier, laissant une longueur d’avance au passage en force de ce projet illégal. Alors, nous le lui demandons solennellement : que nous reste-t-il pour les désarmer ? »
La lutte contre l’A69 est menée de front par une myriade de collectifs comme les Soulèvements de la Terre, Extinction Rébellion, la Confédération Paysanne ou le GNSA, avec des modes d’action riches et variés. Rapports scientifiques prouvant la nocivité de ce projet, pétitions, grèves de la faim, mobilisations de masse (à chaque appel, dont le dernier s’est tenu en septembre, des dizaines de milliers de militant-es de toute la France et d’Europe répondent present-es), établissement de ZAD, désarmement d’engins de chantiers, debunkage de la propagande et de toutes les fausses informations qui inondent les médias.
Une autoroute au service de l’industrie pharmaceutique et des industriels du béton
Pour rappel, l’A69 est un grand projet écocidaire, dont le coût est évalué à 500 millions d’euros, dont une partie d’argent public, et qui est en train de détruire plus de 400 hectares de terres, notamment des forêts aux arbres centenaires qui sont rasées sur une bande de 60 kilomètres de long. Une autoroute qui ne ferait gagner que 12 minutes par rapport au trajet existant. Une autoroute des riches, avec un aller retour à près de 20€. Une autoroute qui ne répond à aucune nécessité de désenclavement.
En réalité, ce chantier ne tient que par le lobbying intense des industriels. Les firmes Pierre Fabre, Atosca, NGE, tout ce petit monde compte mener à bien son entreprise de destruction du vivant. Le média Reporterre documentait en 2023 ce lobbying intense et les procédés mafieux utilisés : « Pierre Fabre aurait obtenu l’accord de l’État en 2006 pour cette autoroute, lors d’un déjeuner avec le ministre des Transports de l’époque, Dominique Perben. En 2013, au soir de sa mort, l’industriel tarnais aurait même eu une entrevue avec François Hollande, selon des élus joints par téléphone, pour lui rappeler l’importance de cette autoroute pour le territoire. » Les intérêts publics et privés se confondent depuis des décennies dans le Tarn, car le patron d’industrie pharmaceutique Pierre Fabre a poussé des dizaines de ses cadres à faire de la politique locale.
Résultat : de nombreux-ses élu-es locale-aux sont d’ancien-nes de chez Pierre Fabre. De nombreux-ses élu-es et habitant-es du territoire ont dénoncé la pression insupportable, parfois violente, qu’iels subissent lorsqu’iels se dressent contre le géant de l’industrie pharmaceutique. Pas plus tard que la semaine dernière, les laboratoires lançaient un chantage à l’emploi en menaçant de quitter le territoire si le chantier devait être stoppé par la justice. Apparemment, le message a été entendu.
Comment ne pas comprendre la rage des militant-es qui y consacrent leur vie ? Quand tous les recours légaux sont épuisés, la justice bafouée, les militant-es écrasé-es, que reste-il aux opposant-es à part la confrontation avec les industriels et leur monde, et l’action directe ? La question est posée.
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2 réflexions au sujet de « A69 : le tribunal administratif de Toulouse se plie à la volonté des industriels »
Détruire la forêt devant nous, pour laisser un désert nous, c’est exactement comme ça que la bourgeoisie capitaliste utilise l’argent public pour se remplir les poches.
A69 :la bourgeoisie est ouvertement stupide, la planète est fichu et elle détruit le peu qu’il reste au vivant.