Entre les fascistes français et la dictature syrienne : une longue histoire d’amour

Un régime totalitaire

C’est entendu : le régime totalitaire de Bachar Al Assad a utilisé des méthodes dignes des régimes fascistes contre sa population. Les images de tas de vêtements retrouvés dans la prison de Saidnaya, et les cadavres décharnés des prisonniers affamés, ne peuvent que rappeler les camps de concentration.

Le massacre filmé de Tadamon, qui a eu lieu en 2013, montre des soldats du régime exécuter d’une balle dans la tête des dizaines civils, précipités dans une fosse commune remplie de pneus, avant d’être incendiés pour faire disparaître les corps. Des dizaines d’autres charniers secrets se trouvent dans toute la Syrie.

Un officier vient d’être arrêté car il avait donné de la chair humaine, celle d’opposants, à ses lion. L’usage systématique de torture, de viols et de disparitions forcées de centaines de milliers de Syrien est une terreur industrielle exercée par des dizaines d’officines militaires et policières, disposant d’innombrables centres sur tout le territoire.

Une filiation nazie

Ces méthodes atroces ne viennent pas de nulle part. Elles ont littéralement été enseignée par un dignitaire nazi aux officiers Syriens : le SS Aloïs Brunner. L’un des pires criminels de l’humanité, qui a organisé la solution finale en Autriche, en Grèce et en France. Il est notamment responsable de la destruction totale de l’importante communauté juive de Thessalonique, en Grèce.

Après la guerre, Aloïs Brunner s’est réfugié en Syrie à partir de 1954. «À son arrivée en Syrie, il est allé voir directement Hafez al-Assad [le père de Bachar] en se présentant comme un proche d’Hitler. Et c’est là qu’il a été désigné comme un de ses conseillers» ont raconté ses gardes bien des années plus tard.

C’est le nazi Aloïs Brunner qui a créé et formé les groupes de «mukhabarat» – « informateurs » en arabe – qui ont été la base du régime pendant des décennies. C’est grâce à ce SS que le clan Al Assad a mis sur pied un système de terreur très efficace et opaque, d’une grande complexité, chaque branche de la police et de l’armée disposant de services secrets qui se surveillent et se concurrencent dans l’usage de la violence. Afin de remercier le nazi pour ses conseils, le clan Assad finira par l’enfermer dans un cachot miteux de Damas, où Brunner finira ses jours en 2001, isolé et oublié. Les élèves avaient dépassé le maître.

Par la suite, la Syrie comptera de hauts dignitaires qui ne cachaient pas leur sympathie pour le régime nazi, par exemple Mustafa Tlass, ministre proche d’Hafez al Assad, antisémite et admirateur d’Hitler.

Le mouvement Baas, nationaliste arabe, auquel appartient le régime syrien, a été proche du régime de Vichy. Plus généralement, il a toujours admiré l’extrême droite européenne et réciproquement. François Duprat, le fondateur du Front National avec Jean-Marie Le Pen, qui était un authentique fasciste, était aussi un sympathisant du Baas.

Derrière le clan Assad en Syrie, on trouve également le Parti social-nationaliste, qui est un copié collé du parti nazi à la sauce syrienne : son logo imite la swastika, son fondateur était appelé «führer», ses membres font le salut nazi… Le Parti Social-nationaliste syrien s’est illustré par sa cruauté et son efficacité dans le cadre de la guerre civile qui dure depuis 2011.

Le soutien unanime de l’extrême droite française

Ces rappels historiques étant posés, il faut donc préciser que l’extrême droite française actuelle a soutenu jusqu’au bout Bachar Al Assad, en toute connaissance des crimes effroyables qu’il commettait. Petit tour d’horizon :

Thierry Mariani

Thierry Mariani, qui est actuellement eurodéputé du RN. C’est l’un des plus importants agents d’influence syrien en France. Ancien ministre sous Sarkozy, partisan d’une ligne de droite extrême depuis toujours, il se rend très régulièrement en Syrie et a rencontré plusieurs fois Bachar Al Assad. Parmi ses provocations les plus honteuses, en 2019, Thierry Mariani s’est rendu dans un restaurant de la ville de Saidnaya avec un autre représentant du RN, Nicolas Bay. Les deux hommes se sont photographiés en train de déguster du vin français. Publiée sur Twitter, la photo était accompagnée d’un commentaire se félicitant de trouver du Côte du Rhône en Syrie malgré les sanctions diplomatiques.

À quelques centaines de mètres de ce repas arrosé se trouvait la pire prison du régime, où 30.000 syrien-nes ont été tué-es. Et alors que dans le reste du pays, des centaines de milliers de personnes souffraient de famine. En 2021, Mariani toujours organisait une nouvelle visite amicale à Bachar Al Assad avec d’autres membres du RN : Hervé Juvin et Andrea Kotarac.

Frédéric Chatillon

Frédéric Chatillon, est un membre de la garde rapprochée de Marine Le Pen. Ancien du groupuscule fasciste GUD, Chatillon est patron d’une entreprise de communication qui a travaillé pour le FN et est conseiller de la dirigeante. C’est aussi un soutien acharné du clan Al Assad depuis plus de 20 ans.

Sa société a directement reçu des fonds du régime syrien pour assurer la communication du ministère du tourisme, à hauteur de 100.000 à 150.000 euros par an. En 2009, il a fait circuler un bus à Paris arborant le slogan « Syrie, une nouvelle ère ». Après le début de la révolution, Chatillon participe dans la capitale française à une manifestation pour soutenir le régime syrien. Il dispose même d’un bureau à Damas, où il se rend chaque année.

En avril 2018, il affichait sur sa page Facebook une photo de lui serrant la main du dictateur en souriant, avec ces mots : «Soutien au peuple syrien et à son président». Quelques années plus tôt, il emmenait déjà des figures de l’extrême droite française faire du tourisme militant en Syrie : une photo montre notamment Dieudonné et Alain Soral posant sous une photo du dictateur.

Chatillon assume tout. Interrogé par Mediapart, il affirme : «Je n’ai aucun, je dis bien aucun regret d’avoir soutenu et travaillé pour la Syrie de Bachar al-Assad».

Gauthier Bouchet

Autre membre du RN, local celui-là, Gauthier Bouchet. Ce garçon est une figure de l’extrême droite de Loire-Atlantique depuis 15 ans. Il est aujourd’hui conseiller régional, délégué départemental de Loire-Atlantique et membre du conseil national du RN.

En 2011, après le début de la révolution, il se rend en Syrie avec son papa, un militant nazi notoire et membre du FN à l’époque, et pose fièrement devant un portrait de Bachar al-Assad. Il était alors membre de la délégation «communication numérique» du FN.

Marine Le Pen

Marine Le Pen elle-même expliquait en 2015 sur la chaine LCP que le dictateur syrien n’était «pas un barbare» : «Aussi contestable soit-il, l’État tenu par Bachar al-Assad est un État, et en cela il protège de la barbarie de l’État islamique» et ajoutait : «Il faut faire une coalition avec Bachar al-Assad».

En 2017, elle déclarait que le dictateur était «la seule solution viable». Un mensonge : tout le monde sait qu’Al Assad a créé Daesh en libérant les djhadistes de ses prisons au début de la révolution, pour transformer le mouvement démocratique en mouvement confessionnel et pouvoir ainsi se présenter comme un «rempart au terrorisme».

Les bombardements syriens et russes ont d’ailleurs essentiellement visé les rebelles et les civils, et non pas Daesh, qui arrangeait bien le pouvoir syrien.

Pierre Gentillet

Pierre Gentillet, avocat habitué des plateaux de Bolloré, proche de Jordan Bardella et défenseur de la Russie dans les médias. Il a été candidat du RN dans le Cher cette année. Lui aussi s’est rendu en Syrie en 2016 pour soutenir le régime. Sur Twitter, il a même ironisé sur l’usage de gaz chimique par Assad contre sa population.

Julien Rochedy

Lors d’un voyage en Syrie de Gentillet avec Mariani, on trouve aussi Julien Rochedy, ancien chef des Jeunes du Front National, reconverti en youtubeur masculiniste et fasciste. Il a publié un selfie avec le tyran, qu’il vient de rediffuser à l’occasion de la chute du régime. Rochedy se prétend spécialiste de Nietzsche, mais il n’a pas compris que le dictateur syrien, héritier mafieux sans valeur ni courage, qui a écrasé son peuple avec ses milices, est l’incarnation même du faible et du dernier homme selon le philosophe allemand.

Jean Lassalle

Parmi les soutiens du régime, il y a aussi Jean Lassalle, qui a nié les crimes très documentés du régime contre son peuple, en estimant sur France 2 après un échange avec le dictateur qu’il n’est «plus très sur» qu’il ait commis des massacres contre des civils.

Charlotte d’Ornellas

On peut aussi citer Charlotte d’Ornellas, «journaliste» d’extrême droite qui squatte Cnews et écrit dans le Journal du Dimanche. En 2016, elle posait en Syrie avec des miliciens pro-Assad accusés de crimes de guerre. Elle ne sera pourtant pas accusée «d’apologie du terrorisme».

En 2017, l’intéressée publie un entretien avec Bachar al-Assad pour le site d’extrême droite Boulevard Voltaire. Elle est aussi l’une des fondatrice de l’association «SOS Chrétiens d’Orient» qui, sous prétexte de soutenir la communauté chrétienne menacée, a versé entre 2017 et 2019 plus de 470.000 euros à Syria Trust for Development (STD), un groupe d’associations fondé et dirigé par Asma Al Assad. La femme du dictateur est accusée d’avoir détourné la majorité de l’aide humanitaire à destination du régime. L’association de d’Ornellas a donc financé le clan Assad.

L’identitaire Damien Rieu a aussi participé à l’organisation de la toute première opération de SOS Chrétiens d’Orient en Syrie, en 2013.

Et tout le reste de la fachosphère

Depuis la chute d’Al Assad, d’autres personnalités d’extrême droite reprennent le narratif du régime syrien, comme Éric Ciotti et Éric Zemmour, qui estiment que tous les opposants à la dictature seraient «islamistes», ou Jordan Bardella, qui a osé dire que la chute du régime risquait de provoquer une crise migratoire… Alors que c’est justement la répression du régime qui a poussé à l’exil 8 millions de syrien-nes !

Si l’extrême droite adore la dictature syrienne, la droite gouvernementale aussi. Bachar et sa femme Asma avaient été reçus par le couple Sarkozy en décembre 2010, trois mois avant le début de la répression en Syrie. Un diner organisé par Claude Guéant, qui était encore secrétaire général de l’Élysée. En 2008, Sarkozy avait relancé les relation franco-syriennes en recevant le dictateur en France, notamment pour le défilé du 14 juillet, alors que le dictateur était jusque là mis au ban des nations.

Ces dernières semaines, le régime syrien a même failli normaliser ses relations avec l’Union Européenne, à la demande de l’Italie. Comme si la page de la guerre civile était tournée. Mais l’offensive fulgurante qui a fait tomber le régime a définitivement empêché ce processus de retour en grâce.


On notera que le parti d’Al Assad, qui exaltait le nationalisme syrien, n’aura laissé dans l’histoire que le massacre son propre peuple, la destruction la Syrie, la désolation générale et la vente du pays à des puissances étrangères. Un projet qui inspire visiblement les « nationalistes » français.


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