Si le génocide en cours à Gaza s’éloigne peu à peu des radars médiatiques occidentaux, il ne s’arrête pas pour autant. Au contraire, ces dernières semaines, Israël multiplie les bombardements et assassinats par drone dans l’enclave palestinienne, livrée à la barbarie et à la destruction totale.

Pour s’en rendre compte, voici deux chiffres terrifiants : 96% des enfants palestiniens pensent que leur mort est imminente, selon une étude réalisée par une ONG basée à Gaza et publiée par The Guardian. 49% des enfants disent même souhaiter mourir. S’ils en réchappent, que vont-ils devenir ? Toute une génération est sacrifiée et traumatisée.
Un second chiffre : 335.500 morts à Gaza. C’est une estimation elle aussi publiée par The Guardian, sachant qu’aucun bilan officiel ne peut être connu, puisqu’Israël a détruit l’intégralité du système de santé et administratif, et qu’une grande partie des morts est coincée sous les décombres ou victimes secondaires de maladies et de famine.
Au début de l’année, la revue médicale The Lancet avait publié une estimation du nombre de victimes à Gaza qui évaluait le nombre d’environ 186.000 décès au total en juin 2024, ce qui représente environ 7,9% de la population de Gaza. Si les décès continuent à ce rythme – autour de 23.000 par mois – le nombre de morts entre octobre 2023 et décembre 2024 pourrait s’élever à plus de 330.000.
Parmi ce nombre inconcevable de victimes anonymes, deux figures célèbres de Gaza viennent d’être tuées.
Khaled Nahban
Khaled Nahban, grand-père palestinien, avait ému le monde entier en novembre 2023. Ses petits enfants, Reem et Tarek, venaient d’être tués par une frappe aérienne israélienne alors qu’ils dormaient dans leur lit. Khaled avait été filmé en train d’enlacer tendrement le corps sans vie de la petite Reem, âgée de 3 ans, en lui caressant le visage et les cheveux en guise d’ultime adieu. Il s’adressait à l’enfant en ces termes déchirants : «L’âme de mon âme». La tragédie, diffusée sur les réseaux sociaux, avait retourné le cœur de quiconque dispose encore d’un peu d’humanité.
À l’époque, ces images bouleversantes avaient même circulé dans de nombreux grands médias occidentaux, sauf en France, où aucune chaine de télé n’avait osé diffuser la vidéo ni parler de cette famille dévastée par l’agression militaire sur Gaza. Il ne fallait surtout pas humaniser les victimes palestiniennes, ni montrer au public français la barbarie de l’armée israélienne.
Khaled Nahban déclarait : «Reem était ma chérie, mon trésor. Mon cœur est brisé. Je me réveille chaque jour avec les yeux en larmes. Nous partagions la même maison, et je jouais avec elle tous les jours. Je ne l’appelais pas seulement ‘mon trésor’, mais aussi ‘mon cœur, mes deux yeux’. Elle me manque terriblement». Depuis un an, il s’était engagé dans des actions caritatives pour soutenir les habitant-es dans le besoin et participait à des distributions de nourriture.
Le 16 décembre, cet homme qui était devenu malgré lui un symbole du deuil et de la dignité a été tué par une frappe aérienne, dans le camp où sa petite-fille avait été tuée.
Mahmoud Al-Madhoun
Mahmoud Al-Madhoun, âgé de 33 ans et père de 7 enfants, était une autre figure de l’extraordinaire résistance du peuple de Gaza. Dans le chaos, il avait réussi à monter une association nommée «Gaza Soup Kitchen», qui nourrissait depuis le mois de février entre 400 et 800 familles vivant au nord de l’enclave.
Sur des vidéos en ligne, on voyait cet homme moustachu et jovial préparer de la nourriture dans de grandes marmites. Comptant une quarantaine d’autres bénévoles, la « Gaza Soup Kitchen » dispose de cinq cuisines de fortune, trois au nord et deux au sud du territoire palestinien. Le groupe fournissait notamment des repas au personnel médical de l’hôpital de Beit Lahya, le dernier centre de soin au nord de Gaza, qui avait eu le courage de rester malgré les multiples menaces de l’armée israélienne.
Avec les dons récoltés en ligne, Mahmoud Al-Madhoun avait aussi créé la clinique Salam Al-Ramly et fondé une école, reconnue par l’Autorité palestinienne. Il y avait installé un panneau, visible depuis le ciel, où figuraient un drapeau américain et la phrase écrite en hébreu : «Pas de bombardement, s’il vous plaît». Le 3 novembre, l’établissement scolaire avait été détruit dans une frappe aérienne, après 6 mois seulement d’existence.
Ce héros ordinaire a été tué le 30 novembre par un drone militaire israélien, qui l’a délibérément visé. Le frère ainé de la victime en est certain : «Ce n’était pas un hasard, mais un assassinat ciblé. Il a été visé» pour son engagement.
Lorsqu’il a été abattu, Mahmoud Al-Madhoun, approchait de l’hôpital de Beit Lahya avec des légumes pour les patients. Sa dernière fille, Aline, était née deux semaines plus tôt.
Un ami du trentenaire, présent sur place, explique au journal Le Monde : «J’ai tenté de le sauver en l’emmenant à l’hôpital sur une charrette, avec des voisins. Mais c’était impossible». Plusieurs snipers de l’armée israélienne ont commencé à tirer dans la zone autour de l’hôpital, empêchant le fondateur de la « Gaza Soup Kithcen » d’être pris en charge. Il est décédé 30 minutes après avoir reçu le tir et a été enterré «au bord d’une rue», faute de véritable sépulture.
Le 2 décembre 2023, son frère aîné avait déjà été tué, avec sa femme et leurs quatre enfants, à proximité du lieu où Mahmoud Al-Madhoun a été abattu il y a quelques jours. Son fils aîné avait aussi été gravement blessé dans une frappe aérienne en septembre, et lui-même avait été arrêté deux fois par l’armée israélienne. Il confiait encore récemment que sa «plus grande victoire» était d’avoir survécu à une année d’offensive israélienne terrible.
Le mois dernier, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Israël est également visée par des accusations de génocide devant la Cour internationale de justice. Pourtant, la France a annoncé qu’elle n’arrêterait pas Netanyahou, violant ainsi toutes les règles élémentaires du droit international pour soutenir inconditionnellement l’État génocidaire.
AIDEZ CONTRE ATTAQUE
Depuis 2012, nous vous offrons une information de qualité, libre et gratuite. Pour continuer ce travail essentiel nous avons besoin de votre aide.