Sainte-Soline : relaxe pour les porte-paroles des Soulèvements de la Terre


Vendredi 17 janvier, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé la relaxe pour les deux militant·es, jugé·es pour ne pas s’être présenté·es à une commission d’enquête parlementaire suite à la manifestation de Sainte-Soline du printemps 2023.


Des gaz lacrymogènes dans les champs de Sainte-Soline.

Pour rappel, le 25 mars 2023, une grande manifestation contre les mégabassines avait réuni des dizaines de milliers de personnes dans les Deux-Sèvres. L’État avait transformé la zone en camp retranché. Une véritable zone de guerre selon toutes les organisations présentes. 5000 grenades tirées deux deux heures, 3200 gendarmes mobilisés pour protéger un trou dans la terre, des dizaines de milliers de personnes traumatisées, des cratères dans les champs provoqués par l’explosion des munitions répressives…

Plus de 200 personnes avaient été blessées dans cette manifestation contre l’accaparement de l’eau. Ce ne sont pourtant pas les politiques responsables de ce carnage que la justice a mis sur le banc des accusés, mais deux membres des Soulèvements de la terre.

Le 10 mai 2023 le gouvernement lançait, avec le Rassemblement National, une commission d’enquête parlementaire sur les «groupuscules, auteurs de violences à l’occasion [des] manifestations». Cette commission avait pour but d’enquêter sur «la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action» de ces groupes, et de se pencher sur 73 manifestations émaillées de «violences». Notamment sur les manifestations contre la réforme des retraites et celles de Sainte-Soline.

Quelques jours avant le lancement de cette commission, Gérald Darmanin avait menacé la Ligue des Droit de l’Homme. Étaient convoquées pour être auditionnées sur les «groupes violents» l’association altermondialiste Attac, ainsi que deux organisations engagées pour la justice sociale et climatique : Extinction Rebellion et Dernière rénovation. La définition de «l’ultra-gauche» est devenue extensible pour le régime. Une véritable chasse aux sorcières.

Cette mascarade a abouti a un rapport, paru à l’automne 2023, avec des propositions toujours plus liberticides : interdictions de manifester, dissolutions d’associations facilitées et autres mesures dont rêvent les dictateurs.

Léna Lazare et Basile Dutertre, porte-paroles des Soulèvements de la Terre, avaient été convoqué·es par le député Les Républicains Patrick Hetzel, mais avaient fait part de leur refus de s’y rendre. Pas question de servir de caution à cette mascarade. Le député LR avait alors saisi la procureure de la République, une première sous la Cinquième République.

En janvier 2024, ces porte-paroles ont été convoqué·es au commissariat, dans le cadre de poursuites. En effet, il est en principe obligatoire de répondre à ce type de commission. Léna Lazare et Basile Dutertre avaient néanmoins répondu au questionnaire par écrit. «Alexandre Benalla s’était certes présenté devant une Commission d’Enquête Parlementaire, mais avait refusé de répondre et n’avait pas été poursuivi» rappelaient justement les Soulèvements de la Terre.

En novembre 2024, le parquet requérait quatre mois de prison avec sursis et une amende de 3.000 euros ainsi qu’une interdiction de droits civiques de 2 ans pour Basile Dutertre, et deux mois de prison avec sursis et 1.500 euros d’amende ainsi qu’une interdiction de droits civiques d’un an pour Léna Lazare. Mais le tribunal vient finalement de prononcer une relaxe.

Raphaël Kempf, avocat de la défense, parle d’un “camouflet mis par l’institution judiciaire à l’égard d’une tentative d’instrumentalisation de celle-ci par le pouvoir politique, et en l’espèce par le président de la commission d’enquête”. Il ajoute que “l’institution judiciaire vient dire au président de la commission d’enquête qu’il ne faut pas instrumentaliser la justice à des fins politiques contre des personnes désignées comme des ennemis”.

Basile Dutertre est relaxé au titre que sa convocation n’était pas régulière – il avait été convoqué sous son pseudonyme, et non son vrai nom. Quant à Lena Lazare, le tribunal a retenu que sa convocation pouvait briser son droit au silence.

Les arrestations et procès politiques se sont succédés après la mobilisation Sainte-Soline, ainsi qu’une tentative de dissolution des Soulèvements de la Terre, pour étouffer la responsabilité du gouvernement et continuer son processus de criminalisation des luttes. Neuf personnes ont été condamnées en janvier 2024 dans un procès fourre-tout. La CGT a même été jugée coupable d’«organisation de manifestation interdite» pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale. Mais les vrais responsables sont au gouvernement.

À l’initiative du collectif Bassines Non Merci, 1.312 plaintes ont été déposées au printemps 2024 contre Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur lors de la manifestation, pour faux témoignage. Ce dernier avait en effet accumulé les mensonges : il avait affirmé à la télévision qu’aucune arme de guerre n’avait été utilisée par les forces de l’ordre ou que les gendarmes n’avaient pas tiré de LBD depuis les quads, mais aussi que des manifestants auraient attaqué les hôpitaux… Autant d’éléments factuellement faux, preuves à l’appui.

Entre temps, la mégabassine de Sainte-Soline a été déclarée illégale en décembre par la cour administrative de Bordeaux.

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